Loïk Dury et son acolyte Christophe Minck retrouvent Cédric Klapisch après "Peut-être" (1999), "Ni pour, ni contre (bien au contraire)" (2003), "Les poupées russes" (2005), "Paris" (2008), "Ma part du gâteau" (2011) et "Casse-tête chinois" (2013). On y entend en générique de début une chanson de Piers Faccini, ainsi que sur le générique de fin la chanson ''Ce qui nous lie est là'' interprétée par Camélia Jordana.
[© Texte : Cinezik] •
Tracklist (de la BO en CD ou Digital)
1. Red red red
2. "Ce qui nous lie est là" par Camélia Jordana
3. Cimetiere (rouge est la couleur)
4. Sans pere
5. Lucky charm (home again)
6. Freres de fruits
7. Maman m'a dit
8. L'esprit endormi
9. La musique
10. Lucky charm (album mix)
11. Parfum d'hiver
12. Le fruit (rouge est la couleur)
13. Les boules (ce qui nous lie)
14. Calin familial (rouge ets la couleur)
15. En famille (happy family)
16. Dans les vignes
17. Fils de pere en fils (rouge est la couleur)
18. Rouge est la couleur
Je crois que je ne pourrais pas ne pas travailler avec Loïk ! Il est effectivement très électro, très urbain. Pour CASSE-TÊTE CHINOIS, on était à New York alors on pouvait mettre du hip hop, de la fanfare, du rock, du jazz, tout ça c'était new yorkais. Et du coup Loïk était comme un poisson dans l'eau. Mais là, étant à la campagne, lui et moi avions un effort à faire. Et nous nous sommes posés la question du terroir, de la campagne, de l'identité musicale de la France... Assez vite, Loïk m'a parlé de la Bourrée, qui est un archétype musical qui n'a pratiquement pas évolué et dont on peut voir des résurgences dans la musique de groupes comme Louise Attaque ou les Rita Mitsouko. Donc il est parti là-dessus. Loïk m'a dit : « Il faut être tellurique, avoir un rapport fort à la terre ». Et pour lui l'instrument qui traduisait le mieux ça c'était le Cristal Baschet [instrument français inventé en 1952, composé de baguettes de verres reliées à des vibrateurs métalliques et dont les ondes sont amplifiés par une feuille d'acier et des cônes] ! Et après coup, c'est sans doute ce qui donne son identité à la musique dans le film, c'est une sorte d'orgue grandiose sans connotation religieuse. Il a vraiment essayé de retrouver une imagerie musicale française traditionnelle en ayant une réalité électrique ou électronique d'aujourd'hui. Il a utilisé des amplis des années 60-70, des guitares très distordues. Je pense que c'est une des plus belles musiques que Christophe Minck et lui aient composé parmi tous mes films.
Quand on parle de musique avec Cédric, on parle de tout et de rien au début. On parle d'adjectifs, de souhaits, d'envies. On aime bien délirer sans limites... Mais très vite Cédric nous a parlé d'un western. Bien sûr, aujourd'hui si on regarde CE QUI NOUS LIE, on cherche le rapport avec le western. Mais l'idée du western là, c'était l'horizontale. Et l'horizontale on n'avait jamais eu ça dans les films de Cédric.
Dans CE QUI NOUS LIE, il n'y a pas d'angles, pas de murs, pas de rebonds. Là, c'est la terre et l'horizontale. Nous nous sommes mis à discuter, à écouter des sons, et deux choses sont imposées à nous : le sens de l'espace - et ça pour nous, c'est représenté par le delay (le delay n'étant pas un instrument, mais un traitement des sons), et la terre. Comme on a toujours fait des musiques urbaines avec un certain poids rythmique - ce que Cédric aime, on ne s'imaginait pas faire des petites batteries jazz ou ce genre de truc. On ne voulait pas «jouer la campagne», mais lui donner de la force.
On avait peur de ne pas s'encrer dans la puissance de la terre. C'est quand nous avons pensé à l'adjectif tellurique que tout s'est débloqué. Et en échangeant sur l'idée de «tellurique» on a tout de suite pensé au Cristal Baschet qui est un instrument acoustique inventé par les frères Baschet dans les années 50, lesquels voulaient imiter le son des synthétiseurs naissants. Cet instrument est composé de grands cônes en aluminium et de tubes en verres et il y a peu de personnes qui savent en jouer. Il se trouve que nous sommes amis de Thomas Bloch, qui est un virtuose de cet instrument et qui a enregistré aussi bien avec Radiohead ou Daft Punk qu'avec Hélène Ségara ! On avait déjà enregistré du Cristal Baschet avec lui pour la musique que nous avions composée pour le pavillon Français lors de l'exposition universelle de Shanghai. Mais en général, on fait venir Thomas à la fin, pour «repeindre» un peu la musique. Pour CE QUI NOUS LIE, on s'est dit qu'on allait commencer par le Cristal Baschet. On a donc fait une séance d'enregistrement au Studio Ferber pendant deux jours avec lui, seul au milieu de la grande pièce enregistré par 21 micros (tous les instruments on été enregistrés au minimum par 14 micros pour restituer un son 5.1). Parce qu'il ne suffit pas de faire de la musique, il faut aussi qu'après dans la salle de cinéma, elle ait une présence. Et là c'était compliqué de donner de la puissance à une musique délicate. Avec Philippe Avril qui mixe nos musiques depuis des années, on a réfléchi en amont et nous nous sommes dit : «si on veut toucher une puissance tellurique, essayons cette technique d'enregistrement».
Donc nous avons préparé des grilles d'accords, sans thème réel, parfois avec une ébauche de thème et on a enregistré le Cristal Baschet. Et après nous avons construit sur le Cristal Baschet. Pour CE QUI NOUS LIE, le deal était différent puisqu'il nous a demandé à avoir la musique avant le tournage. D'habitude, on compose la musique durant le montage. Donc là il nous a laissés faire, mais en plus il nous a donné les moyens de la liberté. Parce que généralement sur un film, budgétairement parlant, la musique arrive à la fin. Et on est payés au moment du montage. Là, il a fallu payer les musiciens un an avant !
On a fini le mixage en décembre 2016 alors qu'on avait commencé à enregistrer en février, 10 mois plus tôt ! Pour ça il fallait pouvoir payer les musiciens, le studio... et c'est notre vieille complicité avec Cédric et Bruno Lévy, le producteur, qui a permis que l'on puisse travailler avant. Ce n'était pas pour gaspiller de l'argent en amont, mais pour essayer autre chose. Donc nous avons travaillé sur ces musiques autour du Cristal Baschet puis, arrivé l'été, avant que Cédric ne parte en vacances, on lui a fait un CD avec une dizaine de morceaux. Quand il est rentré, il en avait retenu trois. Il voulait une répétition, des thèmes qui soient presque obsédants. Et donc nous sommes partis sur ces thèmes-là. C'est la première fois sur un film de Cédric que l'on fait 100% de la musique. Il y a juste une sonnerie de téléphone qui n'est pas de nous !
À l'origine il y avait des éléments de musique classique, mais Cédric nous a demandé d'essayer notre musique à la place et il y a cru. Pourtant ce n'est pas facile de remplacer Debussy ! Surtout sur des scènes légères en émotions, dont les équilibres sont très fragiles. C'est d'ailleurs tout l'enjeu de cette bande originale : il fallait à la fois avoir une force tellurique et arriver à être sensible et fragile. Mais aussi il ne fallait pas être parisien, et être organique sans pour autant être ringards.
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