Quoi de plus étonnant que l'idée de faire un ciné-concert à partir d'un film parlant ? Le "Surnatural orchestra" comprenant guitare, batterie, piano, synthé, cuivres, a ainsi composé une nouvelle musique originale pour le film de Dario Argento réalisé en 1975, un giallo (polar italien) avec un meurtrier masqué et des jeunes femmes en sang. Le film est présenté dans l'amphithéatre de la Cité de la musique, sans la musique des Goblin. L'ouverture du film est même muette, seuls quelques sous-titres révèlent les dialogues et la bande son réapparait aux moments cruciaux. La nouvelle musique jouée sur scène rejoint les grands "soundtracks" italiens, rappellant Ennio Morricone ("La Classe ouvrière va au paradis") ou Nino Rota ("8 et demi), dans une verve Jazz-Rock délectable. A chaque crime du film, l'orchestre fait vrombir la batterie et la guitare pendant que la couleur de Dario Argento teinte la toile blanche.
="http://download.macromedia.com/pub/shockwave/cabs/flash/swflash.cab#version=6,0,40,0">
La première dimension de ce ciné-concert se situe dans cette manière classique de remettre en musique un film, en live.
Une deuxième dimension inédite est politique. Car en effet, le "surnatural orchestra" a dans son équipe un narrateur qui en citant des propos de Pier Paolo Pasolini sur les images du film, réoriente celui-ci vers un aspect plus engagé. Les crimes du giallo qui suivent une logique qui est celle d'éliminer chaque témoin, sont mis en relation avec les crimes de la violence sociale des années de plomb en Italie.
="http://download.macromedia.com/pub/shockwave/cabs/flash/swflash.cab#version=6,0,40,0">
Une troisième dimension est l'aspect "spectacle total" de cette représentation. Ce film est associé à du texte lu, à de la musique jouée en direct, à des jeux de lumière (des spots rouges sang innondent la scène du crime) et au spectacle vivant (une danseuse fait irruption, s'agite, et tombe à terre comme morte). La relecture de l'oeuvre est pregnante, aussi bien sur la forme que sur le fond, et les mises en abime du film (aller chercher derrière le masque, creuser la surface) se prolongent sur scène, jusqu'à une représentation de Dario Argento lui-même qui déclare dans un intermède, face à l'écran, comment le cinéma lui a sauvé la vie, sans quoi il aurait sans doute mal tourné, et de révéler que les mains gantés du film sont les siennes car il est devenu "un expert du crime". Un peu d'irrévérence parsème ce spectacle, comme une fanfare et des chants joyeux joués sur une scène d'enterrement du film.
C'est ainsi une belle réussite, et cela donne des idées pour d'autres films, en mélant ainsi les arts au service d'un univers cinématographique unique.
Interview B.O : Audrey Ismaël (Le Royaume, de Julien Colonna)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)