Cinezik : Vous étiez étudiant en cinéma (à la FEMIS) avec Céline Sciamma tout en étant musicien... Comment les deux ont pu se lier ?
J.B.L : J'ai découvert le cinéma via la musique. J'avais fait des études d'ingénieur du son avant de faire la FEMIS en séction réalisation. Céline était en séction scénario. Elle a écrit les scénarios de mes films pendant quelques années. Quand elle a eu son premier projet de long-métrage, j'étais revenu à la musique. J'avais envie de participer à son projet et donc cette fois-ci c'est moi qui ait travaillé pour elle. Et cela continue depuis trois films maintenant.
Comment se déroule la collaboration ?
J.B.L : Céline est très musicienne dans l'âme. Elle fait un peu de musique d'ailleurs, elle est très mélomane, elle a très bon goût. Quand on s'est rencontrés, on a passé beaucoup de temps ensemble. J'ai rempli son Ipod de tout ce que je pouvais. Je lui ai ainsi fait découvrir la musique electronique. On a eu un langage commun assez vite.
A quel moment intervenez-vous ?
J.B.L : Pour NAISSANCE DES PIEUVRES (2007), on avait parlé du scénario, on avait tellement l'habitude de travailler main dans la main qu'elle m'a fait lire des versions de scénarios. Mais depuis TOMBOY (2011), je découvre le film au montage. Et j'en suis très content d'ailleurs, comme ça je n'ai pas d'a-priori, je n'ai pas le souvenir d'un scénario qui pourrait perturber ma vision du film. Je suis le premier spectateur, c'est très gratifiant.
Dans TOMBOY, il y a eu la décision finalement de ne pas mettre de musique ?
J.B.L : Oui, elle hésitait, elle m'a montré le film, le montage, et elle m'a demandé ce que j'en pensais. Elle avait essayé de mettre un petit peu de musique. Je lui ai dit "Non, n'en met pas". Je me tire une balle dans le pied professionnellement en disant ça, mais c'est pour le bien du film à mon avis. C'est un film qui appelait cela, un côté très simple avec du son et du silence. Il y a juste une apparition de musique IN composée avec Tacteel, mais c'est très mineur.
Pour BANDE DE FILLES, quelle a été la nécessité musicale ?
J.B.L : Alors là, pour le coup, il y a beaucoup de musique, pas seulement la mienne. Il y a Rihanna... La musique a un vrai discours, presque politique, au sens où ce sont toujours des filles qui chantent. La première demande était de faire une musique pour tous les chapitres que l'on voit, il y a plusieurs étapes dans l'histoire du personnage. Il fallait que j'écrive un thème qui se développe et qui évolue, qui prend une nouvelle forme, pour finalement exploser à la fin. C'était le travail principal. A côté, on a eu envie de faire baigner le film dans une ambiance. Et aussi, il y a deux des morceaux IN qu'on entend dans des soirées que j'ai composés.
Considères-tu que ta musique appartient à un style unique que tu déclines de film en film ?
J.B.L : Non, c'est heureusement différent. On s'adapte aux désirs de chacun et au film. Je suis content par exemple d'avoir fait évoluer ma musique entre NAISSANCE DES PIEUVRES et BANDE DE FILLES. C'est très différent, même en terme de textures. Je pense que c'est une bonne chose parce que ce n'est pas du tout le même film. Souvent, on identifie le style d'un compositeur, et puis d'un film à l'autre il n'évolue pas. On peut en jouer, mais à mon avis ce serait dommage. Je sais que si demain je réalise un film, j'y pense d'ailleurs, et que j'en fais la musique, ce sera sans doute pas du tout la même chose.
En effet, la musique de NAISSANCE DES PIEUVRES était plus atmosphérique que celle de BANDE DE FILLES qui est plus percussif et pop...
J.B.L : Oui c'est vrai. Mais NAISSANCE DES PIEUVRES, c'était la vie aquatique. Pour BANDE DE FILLES, j'ai pensé au béton, à l'architecture, à quelque chose de sec, à l'inverse de l'humidité de NAISSANCE DES PIEUVRES.
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