Cinezik : Hubert Viel, ce film est votre deuxième long-métrage après ARTÉMIS CŒUR D'ARTICHAUT, et vous retrouvez le compositeur Frédéric Alvarez à la musique après le court-métrage PETIT LAPIN. LES FILLES AU MOYEN ÂGE est un film singulier, à la fois historique et contemporain, à la fois sensible et didactique, faire une leçon d'histoire ludique était-ce l'intention de départ ?
Hubert Viel : Je ne suis ni historien ni étudiant en histoire. En surfant sur le net, je suis tombé sur un article au sujet de la condition des femmes au Moyen Âge. Le propos était à contre courant de ce que la plupart des gens pensait. Cela m'a tout de suite inspiré pour créer des petites saynètes. Je savais que je ne ferais pas un film historique, avec de vraies reconstitutions, une authenticité, un gros budget. J'ai plutôt décidé de faire un film poétique et enfantin dans l'idée de ne pas se prendre au sérieux. L'idée de faire jouer les enfants est venue assez rapidement. Il fallait trouver un dispositif pour qu'on s'amuse, dans une théâtralité, avec l'idée du jeu. Ce sont six enfants qui jouent une quinzaine de rôles au Moyen Âge.
A quel moment a débuté le travail sur la musique des FILLES AU MOYEN ÂGE ?
H.V : Le travail musical a commencé au moment du montage. Je suis un peu musicien, j'ai des musiques en tête que je pianote et fais écouter à Frédéric. Je lui livre quelques thèmes, il y en a trois pour ce film, et ensuite il les prend et les met à la puissance 4. Il arrange, recrée d'autres thèmes. C'est quand même lui le principal compositeur in fine, mais je suis là au début pour donner le fil directeur de ce que je veux. Je suis très attaché aux mélodies que l'on retient, même si on fait de la dissonance en les trafiquant.
Frédéric Alvarez, vous avez aussi arrangé des musiques existantes...
Frédéric Alvarez : En effet, le film s'ouvre et se clôt sur "Mercredi", un thème de Anne Laplantine. Hubert a eu l'idée de le reprendre à plusieurs moments du film dans des versions différentes arrangées en style classique.
Le film joue sur une certaine distanciation, la réalité est questionnée, le film s'ouvre d'ailleurs sur les enfants qui jouent à un jeu vidéo sur le Moyen Âge... comment cette distanciation s'instaure musicalement ?
H.V : Le film part de l'imaginaire que nous avons quand on pense au Moyen Âge, un imaginaire fallacieux.
F.A : Avec Hubert, on aime bien allier le grandiose de l'harmonie classique, avec des sons plus enfantins. On a l'impression que c'est fait avec des jouets d'enfants. On allie le côté électronique et la composition classique en enregistrant avec une petite formation de cordes avec le Paris Scoring. On a essayé d'être malin par rapport au budget. Il y a une grande variété d'instruments différents. On a à la fois utilisé le Paris Scoring pour quelques morceaux de cordes, et le reste du temps on a fait venir individuellement des solistes. Chaque instrument présent en studio est venu compléter la partition. J'ai fait tout un travail de collage et de montage chez moi sur mon ordinateur pour construire la partition de toutes pièces.
Était-il question de convoquer la musique d'époque ?
H.V : On s'est évidemment posé la question, mais ça ne collait pas. Il aurait été bizarre de n'en mettre qu'une seule. Il aurait fallu partir sur un mode médiéval qui se tient et qui est cohérent sur toute la durée du film, mais cela ne correspondait pas à ma vision qui n'était pas dans une recherche d'authenticité mais plutôt dans une recherche de distance et d'amusement. La musique médiévale n'est en plus pas accessible à tout le monde, c'est une musique modale, qui ne fonctionne pas sur les mélodies mais plutôt sur la répétition d'accords. On a donc décidé de faire de la musique occidentale post-Jean-Sébastien Bach, avec des mélodies. C'est un film grand public aussi, on voulait que la musique le reflète.
F.A : On a essayé la vielle à roue mais on a vite oublié l'idée.
H.V : Le seul instrument médiéval qui demeure est un luth, mais ce n'est pas un vrai luth, il est joué sur un clavier midi. Ça marche tellement bien qu'on l'a gardé.
Et il y a aussi l'aspect sacré et religieux avec des choeurs...
F.A : J'adore la musique chorale, j'en écoute beaucoup, de tout temps. J'ai ainsi utilisé un trio de femmes auquel on a ajouté des solistes enfants.
Y avait-il des références précises ?
H.V : Oui, je lui ai fait écouter entre autres Gabriel Fauré (on l'a finalement utilisé dans le film). Mais ce sont surtout de longues discussions entre nous.
Hubert Viel étant également compositeur, qu'est-ce que cela change à la collaboration ?
H.V : C'est une double collaboration, comme des poupées russes, on collabore dans un premier temps moi en tant que réalisateur, lui en tant que compositeur, puis on collabore aussi tous les deux pour la musique, même si c'est Frédéric qui fait la plupart du travail de composition quand même.
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