rester-vertical,victoria,thibault-deboaisne, - Interview Thibault Deboaisne, superviseur musical de RESTER VERTICAL (Alain Guiraudie) et VICTORIA (Justine Triet) Interview Thibault Deboaisne, superviseur musical de RESTER VERTICAL (Alain Guiraudie) et VICTORIA (Justine Triet)

rester-vertical,victoria,thibault-deboaisne, - Interview Thibault Deboaisne, superviseur musical de RESTER VERTICAL (Alain Guiraudie) et VICTORIA (Justine Triet)

Propos recueillis à Cannes par Benoit Basirico - Publié le 18-05-2016

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En tant que superviseur musical, Thibault Deboaisne a eu la tâche de choisir les titres existants des films RESTER VERTICAL (Alain Guiraudie) et VICTORIA (Justine Triet) tout en négociant les droits d’utilisation. Le premier film est en compétition Cannes 2016, le second a fait l'ouverture de la Semaine de la Critique, sans oublier "Apnée" de Jean-Christophe Meurisse, son 3e film présent sur la croisette.

Interview

 

Cinezik : Quel parcours vous a amené à devenir superviseur musical ?

Thibault Deboaisne : J'ai un parcours qui est très orienté musique. J'ai travaillé pendant 15 ans dans une maison de disques, Sony Music, puis à la Warner où je me suis occupé d'artistes dont j'étais chef de projet et directeur de marketing, des artistes internationaux et français tels que les BB Brunes, Archive, Lassa, Les Têtes Raides, Johnny Hallyday... Et à un moment donné j'ai voulu aller voir ailleurs. Un ami a voulu que je lui donne un coup de main sur un film qu'il produisait et dans lequel il y avait beaucoup de scènes musicales. C'était LES COQUILLETTES (2012) de Sophie Letourneur... Et depuis je suis fidèle à la société de production Ecce Films pour laquelle je supervise tous les films.

Vous est-il arrivé de travailler sur un film en arrivant au milieu d'une collaboration constituée entre un compositeur et un réalisateur qui se connaissent bien ?

T.D : Oui, il m'est arrivé de travailler sur un film pour lequel il y avait une forte complicité entre le compositeur et le réalisateur, ce fut le cas pour GAZ DE FRANCE (2015) de Benoît Forgeard qui était complice avec Bertrand Burgalat. C'était le premier film qu'ils faisaient ensemble mais ils avaient travaillé sur une émission de télé. Dans ce cas, j'ai juste géré le juridique...

Vous exercez un nouveau métier en France... Comment se fait-il accepté par les artistes ? Quel est son rôle ?

T.D : C'est effectivement un nouveau métier. Il y a la question de la légitimité. Certains compositeurs se posent la question du rôle de superviseur musical, ils se demandent à quoi il sert, si ce n'est pas un poste superflu, s'il y a besoin d'une interface entre la production et eux... Ces questions sont légitimes pour les compositeurs de l'ancienne école qui ont une relation directe avec un producteur et un réalisateur. Néanmoins, si on fait bien ce métier, on peut être un filtre et une aide utile. Cela se vérifie dans les relations au cas par cas. Je pense que c'est effectivement un métier qui peut être utile en terme de conseils aussi, en terme de relation et d'organisation quotidienne, et de prendre des décisions. Je gère un budget qui est alloué par la production, et à l'intérieur de ce budget j'essaie de faire la proposition artistique qui soit la plus pertinente. J'essaie de trouver une pertinence par rapport à une histoire et un réalisateur, et de sortir des sentiers battus, en terme de compositeur et de musiques. Et j'apporte derrière tout cela une sécurité juridique.

Comment cela s'est passé sur VICTORIA de Justine Triet (que vous retrouvez après "La Bataille de Solférino") ?

T.D : J'ai commencé à travailler avec Justine il y a un an environ. A la lecture du scénario, il y avait plusieurs scènes qui étaient musicales, notamment pendant le mariage avec le couple d'amis qui entonne une chanson en duo en karaoké. La première question était de savoir quel titre il pouvait faire, il fallait que ça marche vocalement avec les deux interprètes. Justine est une tête chercheuse, elle va trouver sur YouTube des choses improbables, apriori impossibles à négocier car ce sont des versions live dont on ne connaît pas les ayant-droits. Il y avait par exemple une volonté de Justine d'avoir un morceau de Chilly Gonzales, un morceau au piano extrait de son dernier album. Il y avait cette volonté de l'avoir un peu comme fil rouge dans le film, à la fois interprété par Virginie Efira, son personnage étant pianiste. On s'est posé la question d'aller au-delà, de faire de la musique originale avec Chilly Gonzales, mais il était beaucoup plus ouvert à l'utilisation de morceaux qu'à une musique originale.

Le fait d'utiliser une musique trop connue, qui est associée à d'autres univers et d'autres images, peut faire sortir le spectateur du film...

T.D : On peut utiliser un morceau connu car il nous renvoie à un terrain partagé. Parfois il y a cette volonté, c'est ce que l'on va retrouver sur des scènes de soirée par exemple. Cela peut aussi être des clins d'œil à des films préexistants, dans la volonté de renvoyer à un imaginaire, de faire un raccourci, d'ajouter une couche culturelle, ce que la musique originale ne permettra pas de faire. Si c'est bien fait, il y a donc cet avantage. Si c'est mal fait, cela peut en effet nous détourner du film. C'est aussi une question de mise en scène et de choix. Quand on va chercher des morceaux plus obscures, on est sur un terrain qui peut se rapprocher de la musique originale. Pour le film de Alain Guiraudie, il y a des choses que l'on ne connaît pas.

Justement, comment s'est passé le travail sur RESTER VERTICAL ?

T.D : Je suis arrivé sur le film de Guiraudie par le producteur artistique, et par le monteur-images du film Jean-Christophe Hym. Au moment du montage, ils ont mis une musique temporaire, sur plusieurs scènes, car dans le scénario il est question d'un personnage fan de Pink Floyd. Au début ils ont fait une recherche de morceaux de Pink Floyd. Je suis intervenu après, lorsque les négociations de droit s'avéraient compliquées à obtenir, car il n'y avait pas de réponse d'un ayant-droit. La question s'est posée de ce qu'on faisait à la place. Les producteurs et Alain Guiraudie se sont demandés si on continuait à chercher du côté de Pink Floyd ou si on essayait de trouver une autre piste. Je suis donc arrivé pour chercher des substituts de Pink Floyd, des nappes de guitares pour retrouver leur signature, il n'y avait que des instrumentaux au départ. J'ai fait beaucoup de recherche dans les années 70 à nos jours. On a fait des sessions d'écoute avec Alain et le monteur. On a resserré jusqu'à aller sur quelque chose d'assez originale, un morceau français contemporain de Wall Of Death, qui est dans un style qui peut faire écho au son des Pink Floyd, dont un titre présent dans une des plus belles scènes du film.
Guiraudie aime la musique, il est curieux, c'était très bien de jouer au ping-pong avec lui, les choix se sont faits très naturellement.

Que faites-vous entre deux projets ?

T.D : Je constitue une base de donnée musicale. Je garde mes recherches quand je travaille sur un film, dont les musiques qui n'ont pas été prises, cela me permet de rebondir parfois, je reste à l'écoute de ce qui se fait...

Propos recueillis à Cannes par Benoit Basirico

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