Barmak Akram a précédemment réalisé de nombreux films documentaires notamment projetés au Centre Pompidou pour l'ouverture de l'exposition Dada. Il présente cette année son premier long métrage intitulé « L'enfant de Kaboul ». Ce film est une manière de revisiter sa ville natale à travers son œil de cinéaste. Et de permettre aux occidentaux de découvrir la capitale de l'Afghanistan autrement qu'au journal télévisé. Le pays ayant connu près de 25 années de guerre, le réalisateur nous livre et nous emmène dans un décor à l'état brut.
Le scénario auquel a collaboré Jean-Claude Carrière est simple : dans l'immense tohu-bohu de Kaboul, un chauffeur de taxi, nommé Khaled, prend en charge une femme voilée et son bébé. Quand la cliente quitte la voiture, surprise : le bébé est là, abandonné sur le siège arrière. Ainsi s'enclenche l'histoire sur une période concise de trois jours entre l'homme et l'enfant.
Dès le début du film, le spectateur est abruptement plongé au cœur de la ville de Kaboul. La caméra rythme les divers chemins dans lequel essaye de s'engouffrer le taxi pour chercher et déposer ses clients. Une dynamique qui s'accompagne d'un brouhaha sonore constitué de bruits de klaxons ainsi que d'hélices d'hélicoptères. Le tout balayé par une couleur sablé provenant des routes crevassées par les bombes américaines. Tel un road movie dans cette ville où la population ruinée tente se survivre et de se reconstruire, Khaled est notre guide. Le spectateur devient son témoin d'un pays en désolation qui essaye de rebâtir des immeubles pour effacer les traces de la guerre. Une sorte de lueur d'espoir alors que gît dans les rues des civils amputés et surtout de nombreux enfants, souvent orphelins et mendiants se recyclant dans diverses activités. Mais leurs occupations journalières ne leur permet guère d'avoir une vie d'enfant digne de ce nom. Souvent ils côtoient la famine, la drogue, l'esclavagisme et la violence. La rue leur permet seulement de ramasser des cannettes, de cirer des chaussures, de laver les voitures ou d'être porteurs d'eau moyennant un salaire dérisoire.
Au-delà des petits afghans, le film dépeint le quotidien de l'ensemble de la population afghane. Le statut des femmes est l'une des trames du film. Certaines ont délaissé le voile alors que d'autres continuent à le porter. Ici, il est question d'identité féminine. La dame du taxi qui a abandonné son enfant ne dévoilera jamais son visage alors que l'épouse de Khaled restera anonyme. En effet, à aucun moment du film nous ne saurons son nom. Aussi, on se rend compte de l'importance d'une progéniture masculine dans la société afghane. Or, la famille de Khaled est composée uniquement de fille. Ainsi ce bébé serait une manière de tromper le destin. Et l'ensemble de la famille ainsi que son entourage en est consciente : de la mère au grand père en passant par les amis et collègues de travail.
Le film permet également de côtoyer différentes institutions sous un regard amusé comme celui de l'orphelinat qui souffre à la fois d'un certain laxisme de la part des dirigeants et du manque de moyens pour accueillir dignement les enfants. Il y a aussi la radio locale qui est en partenariat avec l'ONG française. Cette dernière proposant une somme de 100 afghanis à celle qui vient chercher le nourrisson. L'annonce étant faite à la radio, il est amusant de voir la suite des évènements et l'appât du gain que développe les êtres humains. Et au milieu de tout cela se trouve le personnage de Khaled qui se dessine comme le repère du spectateur. Ses sentiments et son regard sur cette situation, à la fois bouleversante et surprenante, évoluent. L'influence et les paroles des personnes qui l'entourent sont les voix intérieures qui résonnent dans la tête de Khaled.
L'œil documentaliste du réalisateur se fait ressentir dans les mouvements de caméra. Une vision intéressante qui fait émerger le cinéma afghan encore méconnu des salles occidentales. D'autant que l'on aperçoit un panel de personnages qui constitue socialement la ville de Kaboul. Un film qui arrive à faire renaître de ces cendres la culture afghane en seulement 36 heures. Une voyage dépaysant.
[© Texte : Cinezik] •
Dans l\'immense tohu-bohu de Kaboul, un chauffeur de taxi, Khaled, prend en charge une femme et un bébé. Quand la cliente voilée quitte la voiture, surprise : le bébé est là, abandonné sur le siège arrière. Le film raconte trois jours de leur histoire, de ce destin qui a mis entre les mains de Khaled une jeune vie inconnue, dont il veut d\'abord se débarrasser et dont il se sentira de plus en plus responsable.
Avec Hadj Gul, Valery Schatz, Amélie Glenn, Mohammad Chafi Sahel, Helena Alam, Messi Gul, Seleha Khan Gul, Rohina Gul et Mariam Hakimi
Film français
Genre: drame
Durée: 1H37
Distribué par Equation
Interview B.O : Uèle Lamore (Les Femmes au balcon, de Noémie Merlant)