> Cliquez sur les titres de film de cet article pour lire nos avis.
1/ Les vétérans en pleine forme !
Les "vétérans" de la musique de film continuent à nous surprendre ou, à défaut, nous gratifier de partitions dignes de leur carrière, comme James Newton Howard et son BLOOD DIAMOND qui donne au film d'Edward Zwick une atmosphère superbe, à la fois mélancolique et pleine d'espoir. Hans Zimmer de son côté, hormis PIRATES DES CARAIBES 3, signe également THE HOLIDAY, un score plein de fraîcheur sur le thème pourtant éprouvé de la naissance du sentiment amoureux. James Horner retrouve quant à lui Mel Gibson douze ans après BRAVEHEART pour nous livrer un score tribal et percussif impressionnant d'inventivité pour l'excellent APOCALYPTO. Christopher Young assoie son statut de compositeur de film de genre incontournable avec le très décomplexé GHOST RIDER en mêlant guitares rock à l'orchestre massif, tout en signant pour SPIDER-MAN 3 de Sam Raimi l'un des plus beaux morceaux entendus cette année au cinéma (la naissance de Sandman) - score malheureusement privé d'une sortie en CD pour d'obscures raisons. Quant au trop rare Wojciech Kilar, il balaie tout sur son passage avec les cordes somptueuses et dramatiques de LA NUIT NOUS APPARTIENT pour le superbe polar de James Gray. Mentionnons les rares compositeurs à demeurer fidèles sans entrave avec leur cinéaste de rédilection. Alan Silvestri retrouve Robert Zemechis avec BEOWULF, pour un score d'heroïc fantasy plein de charme, alternant grand orchestre barbare et mélodies moyen-âgeuses délicieuses. Une construction certes rétro et classique mais qui émerveille toujours. Et Howard Shore construit pour Cronenberg sur LES PROMESSES DE L'OMBRE une musique avec un simple solo de violon inspiré du folklore russe. Clint Eastwood quant à lui confie la musique de LETTRES D'IWO JIMA à son fils, jazzman, qui en fait une partition émouvante et lyrique (en rupture avec le minimalisme de ses précédentes musiques).
2/ Les sagas hollywoodiennes : la continuité dans la rupture .
Même si certains regrettent amèrement l'absence de John Williams
sur les écrans en 2007, la saga Harry Potter continue pourtant avec HARRY
POTTER & L'ORDRE DU PHOENIX dont la musique, signée Nicholas Hooper,
reste tout de même bourrée de bonnes idées, dans la continuité de celle du maître.
Dommage que l'ensemble ne soit pas bien exploité dans le film bancal de David
Yates qui rempile déjà sur le sixième opus de la saga. Que les fans se rassurent
: maître Williams aurait avoué aimer retrouver la saga pour l'ultime volet...
Marco Beltrami de son côté compose pour DIE
HARD 4, un score d'action de très bon niveau qui, bien qu'assez
loin de l'esprit des premières musiques de Michael Kamen pour la saga, fait
honneur à sa réputation de brillant musicien pour orchestre avec des morceaux
d'action tonitruands.
En ce qui concerne PIRATES
DES CARAIBES 3, il peut paraître étonnant de voir figurer dans
la liste des meilleurs BO de l'année le score d'une trilogie déjà éprouvée,
avec un Hans Zimmer au style déjà connu. C'est pourtant l'un de ses scores les
plus inspirés, et au même titre que l'ultime score de John Williams pour STAR
WARS, Zimmer marque ici un aboutissement de son style pour le cinéma à grand
spectacle, avec un classique du genre, à la construction dense, complexe et
surtout très bien pensée : les thèmes sont mémorables et hors-mode, comme si
Zimmer signait ici un score du Golden Age hollywoodien.
Pour LA
VENGEANCE DANS LA PEAU, Powell retrouve Greengrass et ça déménage
: il clôt ici une belle trilogie d'action, soignant les sonorités et délivrant
des percussions tonitruantes à couper le souffle. Alternant action et passages
plus atmosphériques, répétant les motifs avec subtilité, son style électro-orchestral
bien à lui semble être mûr.
3/ Les compils de cinéastes
Ecartant (momentanément ?) Angelo Badalamenti, David Lynch compose pour son INLAND EMPIRE une musique dérangeante et onirique à partir de ses propres compositions ainsi que d'ajouts issus du blues ou de la musique contemporaine. Quentin Tarantino livre avec DEATH PROOF un hommage aux films de séries B des années 60, 70 et 80. David Fincher avec ZODIAC, bien que s'adjoignant les services de David Shire, baigne son film de morceaux rock et jazz des années 70 faisant l'objet d'un superbe disque. Ainsi, cette musique ne brille pas seulement par la partition atmosphérique dense et complexe du vétéran David Shire (habitué des thrillers politiques des années 70), mais aussi par le choix des chansons utilisées dans le film. David Fincher se révèle aussi bon mélomane que metteur en scène. La classe absolue.
4/ Les compositeurs français discrets mais présents.
Contrairement à l'artillerie d'Hollywood, les compositeurs français s'imposent dans la discrétion, se cachant derrière les films dont ils definissent pourtant le climat essentiel. C'est le cas de Bruno Coulais pour LE DEUXIEME SOUFFLE avec de superbes nappes de cordes élégiaques, grandioses et sombres, pour évoquer le destin tragique des personnages de ce film choral ambitieux, une grande partition qui confirme que le compositeur français est arrivé à maturité. Il y a aussi Philippe Rombi pour la fresque romantique ANGEL de François Ozon, ou Alexandre Desplat qui signe avec L'ENNEMI INTIME une musique atmosphérique, d'un jazz solaire et lancinant. D'ailleurs, 2007 devait marquer le tremplin américain de ce dernier, mais face à la deception de LA BOUSSOLE D'OR (absent de notre selection) il faudra attendre 2008 pour sortir Desplat de cette année peu marquante au regard de l'année précédent qui avait donné THE QUEEN ou THE PAINTED VEIL. LUST, CAUTION (sortie en 2008) est encourageant.
5/ Les Artistes pop/rock/electro arrivent en force !
Après Emilie Simon en 2005, ou M en 2006, l'année 2007 accumule les incursions musicales pop, rock ou electro dans le cinéma. Ainsi, La chanteuse Claire Diterzi compose le western REQUIEM FOR BILLY THE KID, l'auteur interprète Alex Beaupain conçoit les CHANSONS D'AMOUR, tandis que Medhi Zanad et Benjamin Esdrafo composent les chansons de guerre pour LA FRANCE. Le musicien de Dominique A, Jérome Bensoussan, signe DANS LES CORDES, Quentin Dupieux compose l'electro-clash de STEAK, et Jean-Baptiste de Laubier signe un score ovni, où le musicien électro utilise des synthétiseurs des années 80 avec délectation pour créer une atmosphère musicale fascinante et envoûtante, évoquant l'adolescence et ses mystères, sur NAISSANCE DES PIEUVRES. En rock, il y a Les Syd Matters (LA QUESTION HUMAINE) ou Nick Cave (L'ASSASSINAT DE JESSE JAMES PAR LE LACHE ROBERT FORD).
6/ Révélations.
La musique du LE RENARD & L'ENFANT est marquante par la manière de faire co-exister sur un même disque trois travaux de jeunes talents prometteurs et inspirés. Aux Etats-Unis, la révélation vient de STARDUST avec une musique très premier degré, simple et généreuse, avec cuivres, choeurs et grand orchestre, Eshkeri renoue ainsi avec la tradition du film d'aventure dans la lignée de Princess Bride ou d'une production Spielberg/Zemeckis, avec un style rappelant ce bon vieux Michael Kamen (dont il fut l'assistant). Savoureux.
7 / Des confirmations.
A l'instar de son ancien collaborateur John Powell qui confirme son talent sur LA VENGEANCE DANS LA PEAU, l'anglais Harry Gregson-Williams signe avec THE NUMBER 23 un score complexe et fascinant, bien plus intéressant que le film de Joel Schumacher. De même, Michael Giacchino confirme tout le bien qu'on pensait de lui avec le brillant RATATOUILLE pour les studios Pixar. Brian Tyler qui a déjà collaboré avec Richard Donner, Bill Paxton, Don Coscarelli mais surtout William Friedkin, pour qui il signe avec BUG pour la seconde fois un score âpre et dérangeant, bourré d'idées et de sonorités inédites. Tyler se révèle ici un véritable compositeur expérimental, pour un film tout aussi schizophrène et génial.
8/ Des Rééditions à foison !
Ce fut également l'année des plus belles rééditions de musiques de film (essentiellement hollywoodiennes), les labels spécialisés s'étant particulièrement délecter cette année pour offrir aux amateurs de BO (de plus en plus nombreux) des disques exceptionnels de partitions indisponibles depuis de nombreuses années.
Parmi les plus demandées, figuraient depuis longtemps deux partitions de Jerry Goldsmith qui restaient jusque là incomplètes sur les diques officiels : le dérangeant ALIEN et l'épique LE LION ET LE VENT, score massif à l'ancienne avec thèmes héroïques et grands moments de bravoure. Un must orchestral !
Le label américain Intrada est sans aucun doute le leader de l'année à ce niveau-là, éditant coup sur coup ces deux titres en double-CD mais aussi d'autres rééditions plus ou moins attendues, comme MONSIGNOR de John Williams (sa seule musique "post Star Wars" jusqu'alors inédite en CD, une musique raffinée, mélodique et subtile, certes pas mémorable mais qui méritait amplement cette réédition) ainsi que LA VALLÉE PERDUE de John Barry (en pleine période de James Bond, Barry signait ici une musique opératique, sombre et romantique, avec choeurs et grand orchestre, pour cette fresque avec Michael Caine et Omar Sharif se déroulant en Europe au 17è siècle. Un grand classique !). Les amateurs du Golden Age n'ont pas été en reste avec le réenregistrement de LA MORT AUX TROUSSES de Bernard Herrmann par Joel McNeely chez Varèse Sarabande (ce qui permettra aux lycéens de réviser leur bac car cette BO est au programme), mais c'est surtout Miklos Rozsa qui fût à l'honneur avec SODOMA & GOMORRA (avec des thèmes romantiques amples aux développements harmoniques raffinés, ce score est un must du Golden Age hollywoodien.) édité en double-CD chez Digitmovies, puis SPELLBOUND (La Maison du Docteur Edwardes d'Alfred Hitchcock) chez Intrada et LA VIE PRIVÉE DE SHERLOCK HOLMES (de Billy Wilder) réenregistré par Nic Raine pour Tadlow Music.
De son côté, le label américain Varèse Sarabande continue de dépoussiérer son fond de catalogue en gâtant essentiellement les amateurs de BO des années 80, avec à l'honneur Bill Conti (avec pas moins de six oeuvres rééditées en 2 ans) mais aussi Jerry Goldsmith (avec un classique méconnu de Joe Dante, LES BANLIEUSARDS, qui préfigure le délirant GREMLINS dans le mélange orchestre et synthés, avec plein de dérision et d'inventivité) ainsi que Elmer Bernstein (présent à chaque nouvelle fournée de la collection Varèse Sarabande CD Club).
Le label La-La Land Records quant à lui table sur des rééditions de partitions plus récentes (de compositeurs encore vivants !), notamment pour certains classiques des années 90 tels que BAD BOYS de Mark Mancina (l'un des scores précurseurs du style de Media Ventures) ou GODZILLA de David Arnold (son seul score pour Roland Emmerich jusqu'alors inédit en CD). De quoi combler les amateurs de musiques de films de genres, un domaine dont La-La Land s'est fait une spécialité (le label édite aussi de nombreuses BO de films d'horreur ou bis des années 80 et 90).
2007 marque également la fin d'une attente de quatre ans pour les fans du SEIGNEUR DES ANNEAUX et de la musique d'Howard Shore pour la trilogie de Peter Jackson : le dernier coffret rassemblant l'intégralité des musiques du film LE RETOUR DU ROI a finalement vu le jour à l'automne (une version longue pour apprécier les nombreux thèmes composés par Shore avec des développements inédits en CD), succédant ainsi aux éditions des deux premiers volets en 2005 et 2006, et parachevant une collection réputée comme une édition idéale à destination des amateurs de musique de film (coffret classieux, livret complet, etc).
Saluons enfin la première édition en CD chez Prometheus de la quatrième et dernière collaboration entre John Williams et Robert Altman, parue un an après la disparition du cinéaste : il s'agit d'IMAGES, obscur thriller psychologique pour lequel John Williams fût nominé à l'Oscar de la meilleure musique en 1973. Un score totalement "ovni" dans la carrière du célèbre compositeur, peu avant qu'il ne signe JAWS ou STAR WARS.
Mentionnons biensûr le constant Stéphane Lerouge avec sa collection "Ecoutez le cinéma" (chez Universal jazz) qui ne cesse chaque trimestre de nous livrer de joyeuses rééditions françaises, essentiellement en compilation (c'est sa faiblesse pour certains) mais avec parfois des trésors complets comme dernièrement le suprenant CHASSEUR de Michel Legrand.
Autant de belles surprises qui confirment que certains labels ne cherchent pas forcément la facilité, mais aiment aussi surprendre avec une volonté certaine d'offrir aux amateurs de BO et aux cinéphiles des éditions dignes des compositeurs et de leur travail. Si un label comme Varèse Sarabande s'évertue simplement à rééditer d'anciens vinyls de son catalogue pour ses rééditions en édition limitée (la collection CD Club), on saluera tout de même l'audace de ce label pour ce qui est des nouveautés (près de cinquante nouvelles parutions BO en 2007 !). Puisque nous félicitons ce label américain, saluons le travail du français Naïve qui remporte notre palme 2007 du label local avec une quizaine de disques à lui tout seul cette année dont la majorité est dans notre selection de ce bilan. Chapeau ! Aux autres de relever le niveau pour le bonheur des béophiles.
Interview B.O : Audrey Ismaël (Le Royaume, de Julien Colonna)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)