Invités par l'Office franco-allemand pour la Jeunesse (OFAJ) qui soutient des projets permettant à de jeunes Français et à de jeunes Allemands de se rencontrer, les jeunes jurés ont eu l'occasion pendant une dizaine de jours de voir les films de jeunes réalisateurs allemands afin de leur décerner un prix spécial "Dialogue en perspective", mais aussi dans leur temps libre les films en compétition pour l'Ours d'Or.
Le jury jeune 2012, choisi à partir de plus de cent vingt candidatures sur la base de bonnes connaissances en allemand et en français, mais aussi en
rédigeant une critique du film "Pina" de Wim Wenders (2010) ou "Everyone Else" de Maren Ade (2009), est constitué de sept cinéphiles d'horizons divers :
- Sandra Jumel, 22 ans, études interculturelles européennes, programmatrice de séances de cinéma français à l'université Ratisbonne (Allemagne).
- Gustave Shaïmi, 20 ans, étudiant à Sciences-Po de Lyon, conférencier à l'Université populaire de Monté-
limar sur le thème « Le Corps au cinéma »
- Marion Siefert, 24 ans, étudiante stagiaire au CNC er France Culture, Paris
- Deniz Sertkol, 26 ans, de Berlin, étudiante de Master en Science des médias européens à Potsdam, stagiaire chez Arte
- Franziska Hessberger, 25 ans, de Münster (Allemagne), diplômée en sciences de la communication, pigiste pour la radio publique allemande Westdeutscher Rundfunk
(WDR)
- Philipp Wolf, 24 ans, de Siegen Weidenau (Cologne), il étudie la littérature, la culture et les médias. Il est fervent admirateur des Studios Ghibli et plus particulièrement du réalisateur japonais Hayao Miyasaki.
- Matus Krajnak, 23 ans, étudie la réalisation, Presov (Bratislava),
Slovaquie
Le prix « Dialogue en perspective » de ce 61ème Festival International du Film de Berlin a été décerné à "THIS AIN'T CALIFORNIA" de Marten Persiel.
En remettant ce prix en public, le jury s'est justifié en ces termes : "En mêlant histoire personnelle et mémoire collective de la RDA, il réussit a entraîner le spectateur dans une dynamique forte et enthousiasmante. Nous avons été rarement aussi brillamment manipulés."
Nous avons interrogé cinq d'entre eux sur l'importance de la musique dans leur regard cinématographique (à noter qu'ils avaient un devoir de réserve sur les films vus dans le cadre de leur jury, hormis le vainqueur) :
J'ai terminé mon Master en littérature allemande avec un mémoire ayant pour sujet "littérature allemande et musicologie". Cette année j'ai décidé de faire plusieurs stages pour pouvoir tester différents domaines qui m'intéressent et un peu mieux cerner ce que je veux faire plus tard. J'ai donc fait un stage à France Culture, actuellement au CNC, puis ensuite sur le Festival d'Avignon. Venir à Berlin avec l'OFAJ fait partie de ces expériences à ne pas rater.
Je suis assez sensible à la musique dans les films parce que j'ai fait beaucoup de musique et je suis aussi très critique, par exemple les musiques sirupeuses m'agacent. Lors de mon stage au CNC, mon principal travail était basé justement sur les compositeurs de musique de film et j'ai lu beaucoup de choses sur le sujet. C'était très administratif ce que je devais faire mais j'ai quand même réfléchi sur ce sujet-là et en venant à Berlin j'ai fait attention dans tous les films au son et à la musique. J'ai aussi eu une petite formation de deux jours avec un ingénieur du son. J'ai pu faire attention à la construction des musiques dans les films, le rôle qu'elle jouait.
A Berlin, j'ai remarqué le travail de Christian Petzold (BARBARA) qui est moins musical que sonore. Il n'emploie pas forcément de musique originale mais il insert des musiques choisies méticuleusement, ce n'est pas une musique qui vient accompagner les sentiments des personnages mais c'est une musique dont on a l'impression qu'elle est dans le champs. La musique fait partie de la réalité du film. C'est ce que j'aime dans son travail.
Sans parler de la musique, je peux aussi dire que j'ai beaucoup aimé dans la compétition officielle le film REBELLE de Kim Nguyen sur l'univers des enfants soldats et L'ENFANT D'EN-HAUT d'Ursula Meier.
J'ai étudié pendant trois ans la réalisation à Bratislava en Slovaquie puis en première année à la Deutsch Film, avant de réaliser des court-métrages. Je prépare d'ailleurs mon premier long-métrage. Je n'ai jamais été particulièrement sensibilisé au sein de ma scolarité à la musique dans les films, mais je dois avouer que j'aime quand la musique n'est pas faite avec des instruments classiques comme le piano ou le violon mais avec des sonorités inédites de toutes sortes.
Je suis aussi un fan du grand cinéma américain, hollywoodien et je suis content quand la musique produit de magnifiques émotions, mais il ne faut pas qu'elle soit trop excessive. C'est très difficile pour moi à appréhender la musique en tant que réalisateur, mais si elle est bonne, elle peut aider à améliorer le film.
Dans les films vus lors du Festival de Berlin, il y a beaucoup de musiques mal utilisées parce qu'elles sont présentes dans des moments de silence où l'on devrait juste entendre une respiration ou un battement de coeur. Mais il y a d'autres films où la musique était bien utilisée, pas trop présente. On ne regarde pas le film en plus d'écouter la musique, mais on regarde le film avec la musique sans voir la différence entre le film et la musique. Cela va ensemble. Quand le film est bon, que la réalisation est maitrisée, la musique fonctionne aussi.
Je fais des études sur les médias. J'ai fait plusieurs stages chez Arte et un semestre en ERASMUS en 2008 avant de conclure mes études en 2010 à l'Université de Passau pour étudier le cinéma et l'audiovisuel où j'ai pu écrire une thèse sur les stéréotypes visuels dans les films. J'ai pu remarqué à cette occasion que la musique en fait partie, qu'elle fortifie ces stéréotypes. Par exemple, dans des films avec des personnages turcs il y a toujours une musique orientale. Par ailleurs, je n'aime pas quand il y a beaucoup de musiques qui orientent l'émotion.
Parmi les films vus à Berlin, j'ai pu remarquer BESTIAIRE de Denis Côté qui avait un regard plutôt expérimental avec un mixage très élaboré où les sons deviennent musique.
Je suis très cinéphile et j'exerce la critique amateur sur le web car j'ai un blog (http://www.courte-focale.fr/).
Toute la musique que j'écoute vient des films. Soit je découvre de grands musiciens à travers les films, soit j'achète les BO. Je suis un grand fan d'Ennio Morricone par exemple. Aussi, mes premières émotions pour la musique classique, avant même de commencer le piano, passait par les films. Je n'oublierai jamais le Concerto pour clarinette de Mozart dans PADRE PADRONE des frères Taviani qui sont d'ailleurs en compétition cette année à Berlin avec CESARE DEVE MORIRE qui a vraiment une belle musique originale (Ndlr : ce film des Taviani a remporté l'Ours d'Or du Festival).
Dans les films du festival, j'ai beaucoup aimé les chants liturgiques dans METEORA de Spiros Stathoulopoulos, le film grecque de la compétition. C'était très beau et cela participait beaucoup à l'atmosphère du film. Dans le film que l'on a récompensé THIS AIN'T CALIFORNIA de Marten Persiel, l'esprit du temps, de la jeunesse et de la vitalité passe beaucoup par le choix des musiques. Ce ne sont que des morceaux rock préexistants de cette époque, correspondant à une génération qui se définit par la musique.
Au sein du jury jeune de l'OFAJ, la musique était un des éléments importants dans nos discussions. On en parlait car cela nous aidait à décrypter le film, à comprendre ce que le réalisateur voulait dire, si la musique participait à l'ambiance générale ou contredisait le propos pour tromper le spectateur. J'ai pu remarquer sur le festival le film GARDEN STATE de Zach Braff car cette musique mélancolique et nostalgique est porteuse de sens pour moi.
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Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)