rouet,reyes,morizet,leloup,@, - Festival de Poitiers 2012 - Atelier en résidence d'écriture musicale : rencontre avec les compositeurs Festival de Poitiers 2012 - Atelier en résidence d'écriture musicale : rencontre avec les compositeurs

Du 29 novembre au 2 décembre 2012

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- Publié le 05-12-2012




Les Rencontres Henri Langlois, en collaboration avec la SACEM et le CNC, ont organisé pour la première fois un Atelier en résidence d’écriture musicale destiné à de jeunes cinéastes et compositeurs. Voici le témoignage des compositeurs participants sur cet atelier.

Les formations spécifiques à la musique de film sont rares dans les écoles de cinéma, aussi le festival des écoles de cinéma a décidé d’organiser cet atelier destiné à servir de modèle expérimental pour initier une pratique qui pourrait être intégrée à un cursus spécifique dans les écoles qui le souhaitent. Au-delà de l’approche théorique, c’est la construction d’une pratique de travail commune qui est intéressante ici.

Du 29 novembre au 2 décembre 2012, l'atelier a réuni à Poitiers 8 réalisateurs porteurs d’un nouveau projet et 4 compositeurs de musique de film.

Avant de publier conjointement une rencontre avec les réalisateurs présents, voici les propos recueillis des quatre compositeurs invités (de gauche à droite sur la photo) : Samuel Leloup, Sylvain Morizet, David Reyes et Julie Roué.

 Lire aussi le témoignage des réalisateurs participants (Léo Karmann, Stanislas Zambeaux, Chen Chen, Juliette Baily, Mathieu Leriq, Angèle Chiodo, Florence Valéro, Nicolas Novak)

Profils des compositeurs

Julie Roué : Julie a une formation d'ingénieur du son. Elle a fait l'école Louis Lumière en son. Elle en est sortie en 2008. Sa formation en écriture musicale est venue ensuite en allant au conservatoire du 9e arrondissement de Paris. Elle a pu faire la musique d'élèves de l'école Louis Lumière, des court-métrages, des documentaires, des films institutionnels. Elle s'intéresse à la musique répétitive, comme Steve Reich, même si cela ne se ressent pas forcément dans sa musique. Elle aime aussi Thomas Newman et même Yann Tiersen qui a été une grosse influence pendant son adolescence.
Elle collabore depuis plusieurs années avec la réalisatrice Céline Tricart, qui fait des court-métrages en relief. C'est une relation de confiance très étroite.
Son actualité : Elle vient d'écrire la musique de trois films muets dans le cadre de l'opération "Europa film treasure" (www.europafilmtreasures.fr) et a fait partie de la Master Classe du Festival d'Aubagne en mars 2012 dont le ciné-concert qui en est le fruit est repris le 7 décembre 2012 au Cinéma Le Balzac (Paris).

Samuel Leloup : Après avoir obtenu des diplômes d'orchestration, d'harmonie, de contrepoint et de composition de musique à l'image, il se consacre pleinement à la musique de film en réalisant la BO de plusieurs courts-métrages. Violoniste, il se produit régulièrement sur scène avec des formations orchestrales comme le « Starpop Orchestra » (enregistrements et concerts de musiques de film et jeu vidéo) et de musique du monde avec le groupe « Tsimtsoum ». Il a fait parti des compositeurs sélectionnés à "Emergence" en 2010.
Son actualité : Il a obtenu le Prix Philippe Gaubert à Gindou 2012 pour le projet de musique de court métrage pour "Les Pieds Rouges" de Thomas Bousquet, musique qui sera jouée en concert, toujours dans le cadre du Festival de Gindou.

Sylvain Morizet : Après avoir travaillé en tant qu'ingénieur du son, il se tourne vers l'orchestration et collabore avec Alexandre Desplat (LE DISCOURS D'UN ROI, CLOCLO, LES MARCHES DU POUVOIR). Il a participé en 2011 à la Master Classe du Festival International du film d'Aubagne.
Son actualité : Il travaille actuellement pour Vangelis, chargé de transposer ses partitions de synthés pour l'orchestre symphonique en vue d'un concert le 22 janvier à Moscou où seront jouées certaines de ses BO (Blade Runner, Alexandre, 1492, Chariot de feu) adaptées sous forme de suites symphoniques.

David Reyes : Après plusieurs court-métrages à son actif, il signe son premier long format professionnel pour la télévision à l'occasion d'un documentaire d'anticipation pour Canal + LA GRANDE INNONDATION, avant de rencontrer le cinéma avec LE RENARD ET L'ENFANT auprès de 2 autres musiciens. En 2011, pour le thriller en 3D DERRIERE LES MURS, premier long métrage de Julien Lacombe et Pascal Sid, il est pour la première fois seul au générique d'une sortie cinéma (son précédent travail pour MIN YE de Souleymane Cissé n'ayant pas eu de sortie française).
Son actualité : Il a terminé la musique de deux long métrages (UNE CHANSON POUR MA MÈRE qui sort le 27 mars 2013, et BEFORE SNOWFALL, un film kurde de Hisham Zaman sur lequel il a été impliqué très tôt, il y a presqu'un an). Par ailleurs, il vient de remporter le prix SACEM de la meilleure musique au festival Effets-Stars d'Aigues-Mortes pour LA VILLE EST CALME d'Alexandre Labarussiat.

 

Interview
"Le but était de nourrir une réflexion. "

Pour commencer, pouvez-vous nous présenter cet atelier qui a eu lieu pendant le Festival des films d'écoles de Poitiers ?

Sylvain Morizet : C'est une rencontre entre réalisateurs/scénaristes qui sortent d'une école avec un scénario en préparation, et des compositeurs. C'est la première année que cela se fait. On échange. C'est productif.

David Reyes : Le but n'est pas de composer la musique de leur film, aucune note de musique ne sort de cet atelier, mais le but est de rencontrer des réalisateurs qui à leur sortie d'écoles de cinéma n'ont eu aucune approche de la musique de film, ce qui est une grosse lacune, et l'intention de l'atelier est donc de leur faire comprendre qu'il est préférable d'impliquer la musique tôt, car dans ce cas une réflexion est possible. Des réalisateurs avaient des idées très floues sur ce que la musique allait pouvoir apporter à leur film. L'atelier a duré quatre jours pendant lesquels on parlait du projet de chacun, sans avoir le temps de faire une création, ce n'était pas le but. On essayait juste de leur poser des questions, pour qu'ils s'en posent justement.

Quelle a été la préparation nécessaire en amont de l'atelier ?

S.M : On a tous eu les scénarios des participants par mail dix jours avant, donc on a pu les lire, se faire une première idée du profil des réalisateurs.

Julie Roué : De notre côté, ils nous ont découvert ici, on a donc commencé l'atelier en leur faisant écouter nos musiques afin qu'ils se fassent une idée dans un premier temps, une façon de se présenter. Ils se sont ensuite adressés à nous en fonction de ce qu'on leur a montré.

D.R : L'idée était au départ de choisir deux réalisateurs chacun, puisqu'il y a 8 réalisateurs pour 4 compositeurs, mais au final l'atelier a dérivé sur des rencontres entre nous tous. Du coup, en discutant avec des musiciens avec des univers aussi différents, les réalisateurs se rendent compte de la multiplicité des approches possibles. On confrontait les points de vue. On essayait de cerner ce qui peut être bien pour leur film. On a rencontré au final 5 à 6 réalisateurs chacun.

Samuel Leloup : Parfois, on discutait à trois, deux réalisateurs avec un compositeur, parfois de manière informelle, ce qui enlevait beaucoup de pression.

J.R : Oui, et cela leur a évité de rester focalisés sur leur problématique, leur scénario, et de s'ouvrir à d'autres démarches possibles que celle qu'ils avaient initialement imaginé pour leur film.

Les réalisateurs étaient-ils d'après vous sensibilisés à la musique au sein de leur cursus scolaire ?

D.R : Pas vraiment. En général, les musiciens font peur aux réalisateurs. Ils nous disaient qu'ils se sentaient bête à nous parler de musique, car ce n'est pas leur langage. Donc au début il faut briser la glace.

J.R : Certains sont sensibilisés car ils sont aussi musiciens, avec des idées très précises, des références, tandis que d'autres se sont sentis complètement démunis, avec des complexes vis à vis de la musique. Notre travail était de leur faire comprendre qu'il n'était pas nécessaire de connaitre les mots de la musique, mais qu'on pouvait parler d'émotions, de sensations, d'image, c'est notre vocabulaire commun.

S.M : Oui, quelque part on parle la même langue qu'eux. Ils ont forcément réfléchi à la psychologie de leur personnage quand ils ont écrit leur scénario. Par exemple, Julie, une réalisatrice t'a carrément dessiné un dessin pour exprimer ce qu'elle voulait...

J.R : C'était inattendu. Dans le dialogue avec une réalisatrice qui est illustratrice et a un projet d'animation (Juliette), elle a fait une cartographie de son film avec les différents lieux du film, les différents états émotionnels du personnage dans ces lieux. Cela est venu du dialogue qu'on a eu ensemble.

Pensez-vous que votre discussion va faire évoluer musicalement leur projet ?

D.R : Certainement. Par exemple, Nicolas voulait des cordes mais s'y interdisait car il n'en avait pas le budget, alors on a parlé de Thomas Newman où il y a parfois peu d'instruments mais traités de telle manière que cela donne un son particulier, une chose à laquelle il n'avait pas pensé. Pour lui, avoir cinq cordes, c'était forcément par défaut, quand on ne peut pas avoir le budget pour 40, alors que ce n'est pas ainsi qu'il faut réfléchir. L'idée était de le rassurer pour qu'il ait moins peur d'explorer des choses avec un compositeur, pour trouver la meilleure idée pour son film par rapport à son budget, à son univers... Ils étaient tous très curieux, ils découvraient ce domaine, ils avaient envie qu'on leur parle, cela les stimulait. Le but était de nourrir une réflexion.

Cet atelier était-il pour vous une manière de vous présenter aux réalisateurs dans le but de faire la musique de leur projet ?

J.R : On n'était surtout pas là pour leur imposer des musiques, ou coller des notes sur ce qui n'est pour l'instant qu'un scénario, mais on était là plutôt comme consultants.

D.R : Peut-être qu'aucun de nous ne va composer sur ces projets quand ils seront faits. C'était juste l'idée de discuter et d'encourager les réalisateurs à y penser tôt.

J.R : Mais tout de même, des choses se sont bien amorcés avec certains.

Discuter du projet au stade du scénario, ce n'est pas seulement un travail de consultation, c'est bien souvent la première étape d'une collaboration ?

D.R : Justement, cela ne se fait pas souvent à ce stade. Cet atelier peut permettre de faire prendre conscience qu'il faut au maximum éviter l'implication du compositeur très tard. Sinon, j'ai déjà fait une maquette pour le film de Stan car il est plus avancé sur son film, avec quelques images. Je me suis retrouvé à proposer des musiques pour chacun des personnages du récit. Mais après il changera peut-être complètement de direction.

J.R : On n'est pas dans un speed-dating ou dans un mariage arrangé, on est dans la proposition.

D.R : De plus, ce sont les réalisateurs qui ont soumis leur scénario à cet atelier, ils étaient en demande, donc ce sont eux qui venaient vers nous quelque-part.

J.R : On s'est même trouvé dans la situation inhabituelle que ce soit nous qui devions choisir qui on avait envie de rencontrer parmi les réalisateurs. C'est délicat mais très plaisant...

D.R : Aussi, parfois le réalisateur avait déjà travaillé sur un précédent film ou sur le projet présenté ici avec un compositeur, et avaient des maquettes. Notre rôle dans ce cas n'était pas de juger ce qui avait déjà été fait, mais de répondre à ses doutes pour aider dans la collaboration amorcée.

Quelles choses seraient d'après vous à améliorer pour une nouvelle édition de cet atelier l'année prochaine ?

D.R : Que les réalisateurs aient entre eux les scénarios pour avoir le temps de connaitre les projets des autres. La première journée de l'atelier ayant servi à cela, cela ferait gagner du temps pour nos discussions musicales.

J.R : Sur le papier, le projet était de constituer des binômes, alors qu'entre nous, on a plutôt discuté en groupe de travail, en discutant tous ensemble, chacun a profité de l'expérience des autres. C'est nous qui avons mis cela en place, mais cela peut être envisagé dés le départ. Après, des cours un peu théoriques sur la musique de film seraient les bienvenues. On s'est rendu compte que les réalisateurs sont très en demande de cela. S'ils comprenaient mieux notre démarche, ils se sentiraient plus à l'aise.

Quelle est pour vous la spécificité de cet atelier à Poitiers par rapport à ceux d'Aubagne ou d'Emergence ?

S.L : C'est complémentaire. Par rapport à Emergence, c'est à l'opposé. A Emergence, l'idée est de composer en une nuit la musique d'un court-métrage, on est plus dans l'agitation. Ici, c'est un projet de réflexion en amont. L'ambiance était plus calme. On a le temps de réfléchir.

S.M : A Aubagne, il y a aussi un atelier où l'on reçoit des scénarios, mais on est plus dans le speed-dating. On a une demi-heure de dialogue pour chaque interlocuteur, c'est trop court. Ce n'est pas aussi solide qu'ici où l'on approfondit davantage.

D.R : De plus, Emergence ne reflète pas vraiment les réalités du métier, ou du moins ce qu'elles devraient être pour que le projet soit le meilleur possible. On ne compose pas aisément une scène en une nuit. La norme à encourager, c'est de parler du projet en amont. Il est bien que cela soit testé tôt avec de jeunes réalisateurs pour qu'ils intègrent cela dans leur processus.

S.L : A Emergence, l'avantage est qu'on écrit tout de même réellement de la musique sur des images. C'est vraiment complémentaire. C'est bien que toutes ces formes d'ateliers existent.

J.R : La spécificité de Poitiers, c'est que l'accent est mis sur la rencontre et le dialogue. On apprend à parler la même langue.

Propos recueillis à Poitiers le 2 décembre 2012 par Benoit Basirico.

 

 Lire aussi le témoignage des réalisateurs participants

 

 


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