Cinezik : Après TRÈS BIEN MERCI (2007), vous retrouvez un scénario construit autour d'un engrenage où le personnage (Virginie Efira dans PRIS DE COURT) se retrouve prisonnier...
Emmanuelle Cuau : J'aime dans les films des choses qui peuvent apparaître comme des détails avec des conséquences qui peuvent être graves. L'engrenage est quelque chose qui m'intéresse. On ne peut plus faire demi-tour, on est embarqué sur une sorte de tapis roulant.
Comment la nécessité d'une musique s'est présentée alors que vous n'en aviez pas sur votre premier film TRÈS BIEN MERCI ?
E.C : J'écoute très peu de musique, car ça me rend très mélancolique. Et pourtant j'adore la musique. Pendant l'écriture et le tournage du film, il n'était pour moi pas question qu'il y ait une musique sur le film. Et en arrivant sur le montage image, la monteuse (Anja Lüdcke) a été surprise qu'il n'y ait pas de musique, elle me disait que j'allais le regretter, qu'on allait trouver un compositeur au dernier moment, que cela allait se faire en urgence. Elle a commencé à m'angoisser. Et en travaillant sur le montage, je me suis en effet rendu compte que la musique était importante dans le film.
Comment s'est produite la rencontre avec Alexandre Lecluyse ?
E.C : C'est donc Jean-Pierre Laforce, le mixeur du film, qui connaissait bien Bruno Coulais, lequel travaille avec des jeunes compositeurs au Conservatoire. Il était déjà très occupé pour faire la musique lui-même, il a donc été convenu que les jeunes compositeurs avec lesquels il travaillait proposent des musiques à partir d'une scène. Ils sont venus à la salle de montage avec Bruno. C'était la première fois que je montrais le film à un public. L'idée était que les jeunes compositeurs proposent un thème. J'avais 2 références pour eux : la "Moldau" de de Smetana, et La symphonie des jouets" de Leopold Mozart. Il y a donc eu des propositions, toutes très bonnes, et celle d'Alexandre m'a beaucoup plu.
Alexandre, qu'avez-vous appris auprès de Bruno Coulais ?
Alexandre Lecluyse : Bruno est en effet mon gourou. Je suis entré dans sa classe par le biais de la musique en me disant que j'allais apprendre beaucoup de choses en terme musical, mais en fait j'ai beaucoup appris sur le cinéma. C'est un cinéaste avant d'être un musicien. C'est là-dessus qu'il m'a métamorphosé.
Emmanuelle, quelle était votre intention musicale pour PRIS DE COURT ?
E.C : C'était pour moi nouveau, j'appréhendais beaucoup. Je ne voulais pas d'une musique qui couvre tout le film. J'avais peur d'appuyer des situations. Il était important pour moi qu'il y ait un thème qui revienne. Quand Paul commence à déraper, et quand Virginie pour récupérer ses erreurs dérape à son tour. Il était intéressant que ce soit le même thème orchestré différemment.
Est-ce la musique des personnages ?
A.L : Je le perçois en effet ainsi. J'ai d'ailleurs nommé les morceaux "Paul" et "Nathalie", qui illustrent ces deux scènes-miroir où chacun dérape. C'est le thème de la détermination que les personnages se sont attribués tour à tour.
C'est une musique qui fait avancer la narration. Emmanuelle aimait la sonorité des cordes, des cordes nobles, pas caricaturales. Il y a un côté obsessionnel qui est en rapport avec l'histoire, le dérapage, elle s'engouffre complètement dans l'engrenage.
E.C : Cette collaboration m'a donné envie de continuer à travailler sur la musique. J'ai d'ailleurs un projet que je commence à écrire où Sandrine Bonnaire est chanteuse dans un groupe. Je commence à écrire, et Sandrine prend des cours de chant et apprend la guitare. Je suis en train de rencontrer des groupes pour cela. Sandrine avait fait un documentaire sur Jacques Higelin, et elle vient d'en terminer un sur Marianne Faithfull. Elle aime bien la musique. Quand on a décidé de travailler ensemble, l'idée qu'elle soit chanteuse est apparue.
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