Cinezik : Quel est votre rapport à la musique ?
Marine Place : Je suis moi-même musicienne amateur, je joue un peu de saxophone mais cela ne fait pas très longtemps, à la base je jouais du piano. J'ai même composé des musiques pour mes films documentaires. La musique, c'est très fort pour moi.
Quel est le statut de la musique dans SOUFFLER PLUS FORT QUE LA MER ?
M.P : Il y a deux formes de musique, la musique que joue le personnage de Julie, et la musique du film qu'a composé également Émile Parisien, avec Vincent Peirani à l'accordéon. Il y a aussi du piano arrangé avec des sons très étranges qui nous aident à basculer dans le fantastique.
Comment a été conçue la musique du personnage justement ?
M.P : Le personnage joue tout le temps, c'est une obsession. La musique est une arme dans ce film. Pour les morceaux du personnage de Julie, il fallait que Émile Parisien trouve des morceaux que la comédienne puisse jouer sachant qu'elle n'était pas musicienne et qu'elle ne connaissait pas le saxo avant. Je voulais que ce soit réaliste, non pas que ce soit son interprétation, mais qu'on ait vraiment l'impression qu'elle joue. Il fallait trouver une partition assez simple. C'était un casse-tête pour lui. Il a aussi travaillé avec la comédienne qui a appris tous les morceaux. Elle répétait tout le temps, comme dans le film. Les techniciens n'en pouvaient plus d'entendre son saxophone sur le plateau. Elle ne jouait pas l'instrument quatre mois avant, donc Émile lui a appris les morceaux presque doigt par doigt.
Aviez-vous déjà une idée de la musique et de l'instrument au moment de l'écriture ?
M.P : J'écoutais énormément de musique quand j'écrivais, et très vite j'avais la notion de ce que je voulais comme instrument, pas forcément des mélodies mais une ambiance. J'ai d'abord pensé à la clarinette basse pour le son. J'ai alors rencontré Louis Sclavis, qui m'a dit que c'était compliqué à transporter avec tout ce que je voulais faire faire à l'actrice. J'ai beaucoup hésité entre le saxophone et la clarinette, et finalement Louis Sclavis m'a présenté Émile Parisien, un spécialiste du saxophone soprano. Ça m'amusait de décaler l'image du saxophone avec un saxophone soprano qui est moins connoté jazz. J'avais plusieurs morceaux de saxophone, construits de sorte à ce qu'ils soient de plus en plus improvisés, de plus en plus libres, et il y en a peut-être un seul qu'on n'a pas utilisé. La musique est donc intervenue dès le début.
La musique est associée dans le film à la mer...
M.P : J'avais la musique et la mer comme sensation, la musique contre la mer, la musique dans la mer. Ça partait de cette émotion. C'est un film que j'ai travaillé sur les sensations, que ce soit à l'image et au son. Et le son ajoute énormément de choses aux sensations. L'accordéon, c'était la mer, c'est un instrument qui tangue. Le son de la mer a été même transformé, je voulais qu'il devienne un personnage, le son de la mer a été distordu, travaillé, mélangé avec des sons d'instruments. On a aussi beaucoup adapté le montage à la musique. On a fait beaucoup d'allers-retours.
Y a t-il une part d'improvisation dans ce film ?
M.P : J'ai fait avant beaucoup de documentaires, donc pour la scène du bar où ils chantent, je me retrouve complètement car j'ai laissé les acteurs vivre des choses. J'ai tout de même mis deux caméras, ce qui est rare dans le documentaire, mais j'avais la volonté de laisser vivre les choses, de donner quelques indications pour ensuite laisser une liberté. Par exemple, pour le personnage de la mère incarné par Corinne Masiero, j'ai laissé l'actrice vraiment se lever et danser dans cette scène.
Imaginez-vous poursuivre dans cette voie du film très musical ?
M.P : Aimant la musique de film, je pourrais être tentée un jour d'avoir un grand orchestre sur un film. Il faudrait que cela s'y prête, ce serait peut-être en décalage. Je préfère ne pas mettre de musique que de mettre une musique qui vient trop souligner ou dire la même chose.
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