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Cinéaste argentin émergent, il a réalisé trois long-métrages : le thriller El Asaltante (2007) et La Sangre Brota (2008), présenté à la Semaine de la critique à Cannes.
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Cinezik : Quel est le point de départ à l'écriture de ce film ?
Pablo Fendrik : Ce qui est venu en premier c'est la production, la manière dont je voulais faire le film. Dans mon premier film, nous n'avions pas d'argent, et nous avions filmé très simplement, avec une équipe très réduite. Puis un jour, j'ai pris un taxi, et le chauffeur a commencé à me parler de sa vie, de sa passion pour le bridge. J'ai trouvé ça ennuyeux mais fascinant. J'ai donc commencé à écrire sur ce type, à créer ce personnage de chauffeur de taxi confronté à la répression et à la violence domestique. Tout cela a surgit de moi, et j'ai réalisé que c'était des choses que je connaissais, qui étaient en moi. Certains de ces événements sont des faits que j'ai vécus dans mon enfance et pendant mon adolescence. J'en ai donc pris soin, et le film est devenu une sorte de thérapie. Le scénario ne s'est pas forcément nourri de choses intentionnelles, mais plutôt de comportements subconscients. Très rapidement, j'ai écrit les personnages, leurs actions, leurs relations, leurs connections, puis à la toute fin j'ai réalisé que tout cela avait un rapport avec moi, avec mon expérience personnelle. J'avais envie d'une mise en scène très sauvage, d'un film qui éclabousse le spectateur comme du vomi ! On a tourné en deux semaines et demi, c'était très rapide.
Cette année à Cannes, l'un des thèmes les plus abordé est celui de la famille, et de la difficulté de communication au sein de celle-ci. Votre film parle aussi de ça...
Je crois que c'est inévitable qu'on en parle, c'est un thème qui touche tout le monde. La famille, on ne peut pas l'éviter. Dans mon cas, j'ai quitté la maison quand j'avais quatorze ans. Les seuls souvenirs de ma famille se résument à mon enfance. Pour le reste, je me suis inspiré de l'expérience des autres. Mais pour eux comme pour moi, qui n'ait plus de famille, on ne peut pas y échapper : ma famille était là. C'est trop difficile à éviter.
Vous avec une manière très personnelle de tourner dans la rue, de manière spontanée, presque improvisée... Pourquoi ce choix ?
La rue dégage une énergie incroyable, pleine de pulsions... C'est un lieu très sauvage, et même dangereux. Vous pouvez vous y faire tuer ! C'est une autre chose à laquelle on ne peut pas échapper. Car même si vous voulez faire tout un film dans une maison, vous entendez forcément le bruit assourdissant de la rue (NDLR : c'est exactement le cas dans le film « Serbis » présenté en compétition officielle). Je n'ai pas de voiture, je ne conduis pas, je prends le métro ou le taxi. Mais chaque jour, je vois quelque chose, ou j'entends quelque chose, qui mérite d'être dans un film, quelque chose de violent. La rue peut inspirer des films d'horreur ou des thrillers. Pour moi, c'est donc une source d'inspiration et y tourner est naturel. J'ai toujours vécu à la ville, et je n'ai jamais eu idée de tourner à la campagne. Cela m'est étranger.
Ce film tourné dans la rue est aussi un travail sonore, et un travail musical. Quelles ont été vos intentions musicales ?
Je n'aime pas trop préméditer les images du film, tout se construit au tournage, dans l'instant. C'est un peu la même chose avec la musique : je n'avais pas prévu de travailler avec un compositeur. La production m'a demandé si je voulais mettre de la musique, je ne savais pas. Jusqu'à la fin du premier jet du montage. Il m'est apparu alors évident que la musique serait un élément important du film. La musique, ici, est pour les personnages. Pour celui de Leandro, c'est un riff de guitares rock très puissant, une musique qui lui ressemble, comme si c'était lui qui jouait dans son garage avec ses potes. D'ailleurs, nous l'avons enregistrée comme ça, dans un garage, avec des guitares et une basse. C'est pourquoi le son est un peu dégueulasse, ça n'a pas été fait en studio. En revanche, pour Arturo, nous avons utilisé des cordes enregistrées en studio, avec un joueur de violoncelle. Pour la musique classique et new age qu'il écoute dans le taxi, il y a une sorte de danger sous-jacent, la musique doit faire sentir au spectateur que quelque chose va se passer.
Pour finir, on remarque que l'Amérique du Sud est très représentée cette année à Cannes, et remporte de plus en plus de prix (Argentine, Brésil). Comment l'expliquez-vous ?
Je ne peux pas l'expliquer, mais à mon avis c'est statistique. Nous sommes nombreux, et nous produisons beaucoup, car nous trouvons toujours des moyens pour produire à bon marché. En Argentine, et j'imagine ailleurs en Amérique du sud, produire un film est toujours cher pour nous mais reste vraiment pas cher comparé aux autres pays. On tourne dans n'importe quelles conditions, peu importe comment, et on envoie les films dans tous les festivals. Si vous parlez aux programmateurs des festivals du monde entier, ils vous diront que le pays d'Amérique dont ils reçoivent le plus de film, après les Etats-Unis, est l'Argentine. Cette année à Cannes, ils ont sélectionné neuf films argentins, ce qui est un record absolu. Environ 70 ont été proposés. L'Argentine est, de loin, le pays d'Amérique du sud le plus productif en cinéma. Bien sûr, il y a un lien fort entre la France et l'Argentine, car la France semble beaucoup apprécier nos films. Mais ce n'est pas qu'une coïncidence, même si je ne peux pas l'expliquer !
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