Miklos Rozsa était un habitué des musiques de grosses productions épiques, lui qui, au début des années 60, avait déjà à son actif quelques grandes partitions majeures telles que Ben-Hur, Julius Caesar, King of Kings, Quo Vadis ? ou Ivanhoe. La partition symphonique pour El Cid demeure l'une des oeuvres de référence de Miklos Rozsa, sans pour autant être forcément sa meilleure partition.
[© Texte : Cinezik] •
Tracklist (de la BO en CD ou Digital)
1-Overture 3.19
2-Prelude 3.15
3-Courage and Honor 8.14
4-Fight for Calahorra 4.15
5-Palace Music #1 1.36
6-Palace Music #2 1.51
7-Palace Music #3 1.21
8-Road To Asturias 2.41
9-Wedding Night 5.35
10-Coronation 2.18
11-Love Scene 8.37
12-El Cid March 3.45
13-Battle of Valencia 6.48
14-Death of El Cid 5.02
15-Legend and Epilogue 5.58
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El Cid (Miklós Rózsa), une fresque symphonique
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Miklós Rózsa était un habitué des musiques de grosses productions épiques au début des années 60 avec son actif quelques grandes partitions majeures telles que "Ben-Hur" (1959), "Jules César" (1953), "Le Roi des rois" (1961), "Quo Vadis ?" (1951) ou "Ivanhoé" (1952). La partition symphonique illustre l'épopée de ce film historique américano-italien réalisé par Anthony Mann, avec Charlton Heston et Sophia Loren, qui relate l'histoire de Rodrigo Díaz de Vivar, un chevalier de Castille au XIe siècle qui, après avoir été exilé, reprend la ville de Valence aux Maures et devient une légende espagnole.
Appliquant la bonne vieille recette "à film épique, musique épique", Rozsa sort l'artillerie lourde avec un gros orchestre dominé par les cuivres, les cordes, les vents, les percussions et quelques touches hispanisantes de guitare. Dès l'excellent 'Prelude', Rozsa dévoile ses principaux thèmes avec le thème principal, majestueux et entraînant, associé à l'héroïsme et la bravoure de El Cid. On notera ici les quelques touches mélodiques hispanisantes typiques de la partition de 'El Cid'. Le second thème est associé à la romance avec Chimène, un 'Love Theme' traditionnel qui possède un côté quelque peu majestueux et tourmenté à la fois avec ses cordes amples, évoquant l'idée d'amour/haine qui s'empare de Chimène après la mort de son père. Le prélude finit de manière plus douce avec un hautbois soliste, quelques cordes et une guitare, le tout baignant dans une ambiance orchestrale qui n'est pas sans rappeler les grandes partitions orchestrales de Manuel De Falla. Comme d'habitude, Rozsa fait preuve d'un savoir-faire exemplaire et nous le prouve dès cette superbe introduction qui annonce les deux thèmes principaux du score, et qui serviront d'axes majeurs à sa partition.
La fanfare introductive de 'Overture' est tout à fait typique des grandes fanfares typiques des musiques de péplums hollywoodiens des années 50/60, écrite dans la plus pure tradition symphonique du genre avec un pupitre de cuivres particulièrement présent et des percussions martiales où intervient un tambourin pour le côté hispanisant de la musique. Après une introduction plus mélancolique aux cordes, vents et guitare évoquant le fait que Rodrigo a perdu la main de Chimène après avoir été accusé de trahison (permettant ainsi à Rozsa de développer le 'Love Theme'), 'Courage and Honor' évoque la scène du duel opposant Rodrigo et le père de Chimène, scène accompagnée à grand renfort de percussions, de cuivres massifs et de percussions déchaînées retranscrivant la violence de l'affrontement. Dans un genre plus majestueux, 'Fight for Calahorra' accompagne avec brio la scène de la joute dans laquelle Rodrigo se bat pour son roi, la scène étant introduite avec une fanfare héroïque du plus bel effet, la pièce développant un style orchestral plus enjoué et déterminé, avec le style orchestral cuivré majestueux et les harmonies modales typiques de Miklos Rozsa, qui a véritablement contribué à son tour au succès du film d'Anthony Mann grâce à la brillance et l'énergie de sa partition symphonique. Les séquences d'intérieur du palais royal sont illustrées par de la 'source music' originale, à commencer par 'Palace Music 1' qui fait intervenir une très belle reprise du 'Love Theme' entre Chimène et Rodrigo au violoncelle, tandis que la 'source music' de 'Palace Music 2' fait intervenir un solo de harpe et une flûte dans un dialogue apaisant du plus bel effet (dans un style musique de cour), tandis que 'Palace Music 3' dévoile une guitare et des cordes plus chaleureuses associées à Chimène et Rodrigo.
L'aventure reprend le dessus dans 'Road To Asturias' avec un excellent contrepoint entre les cuivres et les cordes pour l'un des principaux morceaux d'action massif du score. Rozsa développe avec une grande habileté différentes cellules aux tournures mélodiques hispanisantes associées au Cid pour une scène d'embuscade au milieu du film où Rodrigo témoigne une fois encore de sa bravoure et de son courage (d'où une superbe reprise finale du thème principal à la fin du morceau). Alternant ainsi entre action/aventure et romantisme, Miklos Rozsa apporte autant à l'un comme à l'autre avec un sens toujours aussi aiguisé du développement de ses différents motifs mélodiques et de ses orchestrations. Ainsi, 'Wedding Night' (scène du mariage tardif entre Chimène et Rodrigo) nous permet de retrouver la partie plus romantique du score que Rozsa développe de manière tourmentée, comme pour évoquer les sentiments confus et torturés de Chimène à l'égard de son mari. Les cordes se veulent ici plus amères, plus ambiguës, le thème romantique étant repris à la fin du morceau par un violoncelle solitaire du plus bel effet. Pour la scène de la célébration du couronnement dans 'Coronation', Rozsa sort les fanfares royales pompeuses habituelles avec cuivres majestueux et marche solennelle. On ne pourra alors pas passer à côté du très beau 'Love Scene', pour la scène d'amour entre Rodrigo et Chimène dans la dernière partie du film après la séquence de l'exil. Rozsa développe ici le 'Love Theme' avec une série de variations mélodiques et instrumentales du plus bel effet incluant un violoncelle et une guitare accompagnées par les cordes et les vents. Le ton de la musique se veut ici plus romantique, plus apaisé, avec ces touches mélodiques hispanisantes qui permettent d'unifier stylistiquement la partition de 'El Cid'. On notera au passage une magnifique reprise du thème romantique par un violon soliste qui apporte à la scène un classicisme d'écriture raffiné certes fort conventionnel mais de très bon goût bien qu'un peu daté à l'écran ('Love Scene' est de loin l'un des plus beaux morceaux de toute la partition du 'Cid').
On entre alors dans la dernière partie du film introduite par 'El Cid March', lorsque le Cid et ses fidèles alliés marchent pour délivrer Valence des griffes des maures. Accompagné par un rythme martial excitant, 'El Cid March' est sans aucun doute l'une des plus puissantes et des plus entraînantes fanfares de tout le score de Rozsa, développant un solide thème de marche évoquant la grandeur et la détermination du personnage de Charlton Heston. La musique fonctionne à merveille à l'écran dans la sensation qu'elle procure au sujet de l'héroïsme et de la force morale et physique du Cid. C'est donc sans surprise que l'on arrive au massif 'Battle of Valencia', superbe pièce d'action guerrière pour près de 7 minutes de déchaînement orchestral accompagnant avec force la séquence de la bataille finale à Valence. Rozsa met en avant les cuivres sur fond d'ostinato martial qui n'est pas sans rappeler par moment le célèbre ostinato du 'Mars' des 'Planètes' de Gustav Holst. Le compositeur n'a pas son pareil pour écrire des musiques d'action orchestrales massives et déchaînées, et l'excitant et intense 'Battle of Valencia', véritable tour de force orchestral, n'échappe pas à la règle, avec ses cuivres déchaînés, ses crescendos de tension et ses incessants changements rythmiques qui donnent du fil à retordre aux musiciens. Le funèbre 'Death of El Cid' reprend pour finir le 'Love Theme' aux cordes et violoncelle en guise d'adieu final au grand héros et sa compagne avant le superbe 'Legend and Epilogue', coda grandiose qui conclut l'opus sous une forme solennelle et élégiaque où Rozsa ajoute à l'orchestre un orgue et un choeur reprenant le thème final sous sa forme la plus grandiose, tout en ajoutant ici une touche quasi religieuse à cette superbe conclusion en guise d'hommage à la mémoire d'un grand héros.
Oeuvre clé dans la filmographie de Miklos Rozsa, 'El Cid' est une grande partition symphonique dédiée à l'aventure et à la romance, deux concepts que le compositeur a toujours su parfaitement magnifier dans ses grandes musiques hollywoodiennes des années 50/60. Sans être LE chef-d'oeuvre inégalable du compositeur (le score s'avère être très conventionnel et parfois lourd lorsque le compositeur lâche ses fanfares pompeuses habituelles), 'El Cid' n'en demeure pas moins un score de qualité qui témoigne des recherches musicales et du soin apporté à la musique par les compositeurs du 'Golden Age' hollywoodien. Il est fort regrettable qu'il n'existe toujours pas à l'heure actuelle d'édition intégrale de cette grande fresque symphonique hollywoodienne, un score qui semble avoir marqué les esprits et apporté au film d'Anthony Mann grandeur et puissance. A noter qu'il existe deux enregistrements, une première version de 11 pistes contenant 42 minutes de musique (sur plus de 2h30 de musique, c'est peu!), et un réenregistrement plus intéressant de 15 pistes (64 minutes de musique environ) interprété par le New Zeland Symphony Orchestra, conduit par James Sedares. C'est peu, mais cela nous aidera au moins à patienter en attendant une future ressortie intégrale de la partition de Miklos Rozsa. Pour faire court: 'El Cid' est tout bonnement un grand classique de la musique de film hollywoodienne!
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