Première collaboration de Jérôme Lemonnier pour Raphaël Nadjari avec 7 chansons interprêtées par la formation musicale que dirige Hannah (Géraldine Pailhas), chanteuse de musique classique directrice d'une chorale à Montréal.
Interview B.O : Jérôme Lemonnier et Raphael Nadjari (MOBILE ÉTOILE)
[© Texte : Cinezik] •
Tracklist (de la BO en CD ou Digital)
1. Mobile Etoile
2. Louange à l'Eternel
3. La Montagne Sacrée
4. Le Miracle de la Clef
5. Prière du soir
L'idée était de créer les chants du film à partir de cent ans d'histoire de la musique française. Nous voulions une musique à la fois moderne, romantique, dégagée de l'empreinte communautaire mais fidèle à ce que les musiciens de cette époque recherchaient: une élégance, une émotion pure et une fierté. Une manière de se relever par la musique.
On a donc fait un travail de composition à partir de cette tradition musicale française, mais ce travail n'est pas un pastiche. Ce sont des compositions originales qui sont le fruit d'un travail de réinvention. Nous avons en quelque sorte emprunté le même chemin que ces artistes : comme Halevy, Alkan, Offenbach, Halphen ou plus tardivement Milhaud, nous devions traduire en français des textes hébraïques, puis nous nous sommes efforcés d'en comprendre l'esprit, d'en capter l'ambiance. Il a fallu ensuite développer des thèmes, les orchestrer, remettre le matériau à des chanteurs, etc. Nous avons ainsi recréé un corpus total de sept chansons que nous avons entièrement composées, retraduites et poétisées, à l'exception de Mobile Étoile de Fernand Halphen. Il était vraiment crucial pour Jérôme Lemonnier - le compositeur - et moi-même de suivre le chemin qu'avaient fait naguère ces compositeurs, en travaillant dans les mêmes conditions qu'eux.
Ce fut une expérience merveilleuse que de collaborer avec Jérôme. Ses connaissances ont permis de recréer un univers musical original, en continuité avec le travail produit par le poète Emmanuel Moses qui a traduit ces textes anciens et les a adaptés à partir de la sélection que j'avais établie. Chemin faisant, un petit miracle s'est opéré : le plaisir de faire, de revisiter des styles nous a peu à peu fait sortir de la question de l'identité. Pour ce film, je me suis totalement détaché de ces questions-là, qui sont par ailleurs passionnantes. En lieu et place de ce questionnement, nous riions, jouions, écoutions et découvrions tous ces merveilleux morceaux. Ainsi, nous passions d'un héritage lourd d'enseignement à une merveilleuse énergie créatrice qui m'a accompagné ensuite de l'autre côté de l'Atlantique. Je peux dire que nous avons vécu l'aventure d'une authentique école de musique.
C'est environ six mois avant le tournage que Raphaël Nadjari m'a contacté pour écrire les musiques de son film MOBILE ÉTOILE. Le travail musical à réaliser m'a tout de suite séduit par sa singularité, tant sur le plan esthétique que sur celui de sa réalisation technique. Raphaël me proposait, au travers de son film, un voyage musical de cinquante ans au cœur de la musique française, plus précisément de la mélodie française. De 1870 à 1930, cinquante ans d'une période riche et féconde, jalonnée par des compositeurs de très grand talent, parfois de génie : Jacques Offenbach, Vincent d'Indy, Gabriel Fauré, Henri Duparc, Darius Milhaud, Maurice Ravel...
Il y a maintenant quelques années, j'avais eu la chance de découvrir et d'étudier ces auteurs dans les classes d'écriture du CNSMDP* C'était donc une formidable occasion de renouer avec ces compositeurs en dehors des salles du Conservatoire !
De plus, il s'agissait d'un autre modèle de musique de film que celui avec lequel j'avais jusqu'ici travaillé. Une musique entièrement écrite avant le tournage, destinée à être mise en scène et intégrée à la structure du film. Par conséquent, cette musique serait interprétée par des acteurs dirigés par un metteur en scène, échappant par là même au contrôle de son compositeur. C'est donc avec beaucoup d'enthousiasme (et un peu d'incertitude) que je me suis mis au travail, aidé en cela par des discussions approfondies avec Raphaël, portant autant sur le film lui-même que sur l'esthétique de l'Ecole Française du début du XXe siècle. Cette Ecole se caractérise d'abord par la mise en valeur de la mélodie, la recherche de l'élégance et de l'équilibre dans la sobriété du langage. Ainsi, en l'espace de trois mois a vu le jour un ensemble de sept chansons composées sur les adaptations de textes hébraïques d'Emmanuel Moses. Il a fallu écrire les chansons puis les enregistrer comme un brouillon. C'est cette maquette qui a ensuite servi de base de chant pour les acteurs sur le tournage à Montréal.
La composition de la musique de film, la plupart du temps, vient après les images. Elle se superpose généralement aux images. Ici ce fut le processus inverse : le film tourné résulte de la musique. C'est donc un film de musique avant une musique de film ! On se met en danger lorsque l'on travaille dans cet ordre-là : on n'a pas d'images, on ne travaille sur aucun support précis. L'opportunité de travailler sur ces chants adaptés par
Emmanuel Moses a représenté un défi très intéressant d'un point de vue musical. Ces textes sont à la fois très concis et en même temps très denses. Il a fallu mettre les chan-
sons en perspective les unes par rapport aux autres, trouver une cohérence, une homogénéité.
Dans la musique classique, la religion est omniprésente à travers les âges jusqu'au 17ème. Après le 17ème, les portes de la musique s'ouvrent au monde profane. La période romantique rend possible la rencontre entre le profane et le religieux. En fin de compte, qu'il s'agisse de sublimation des sentiments ou de divin, les artistes racontent toujours la même chose, mais dans des formes différentes en fonction de l'époque où ils vivent...
Simon-Charles Bloch, le compositeur oublié dont le personnage d'Hannah essaie de retrouver la trace, est une sorte de fantôme qui survole tout le film et qui synthétise un peu tous ces courants musicaux qui ont vu le jour entre 1830 et 1930. Il représente l'esprit de la musique française de cette époque. Bloch est l'incarnation musicale de tous ces courants à lui tout seul:quelque part entre la religiosité d'un Fauré et la retenue d'un Ravel.
La chanson intitulée "Mobile Étoile" est la seule pièce musicale qui existait déjà et qui n'a donc pas été créée pour le film. Il s'agit d'une pièce du compositeur Fernand Halphen dont j'avais découvert l'œuvre lorsque j'étudiais au Conservatoire. La chanson existait avec son arrangement propre.
J'ai réarrangé en gardant strictement la mélodie mais en la présentant d'une façon nouvelle qui pouvait s'insérer plus facilement dans l'univers musical voulu par Raphaël.
C'est très émouvant de voir maintenant le film fini. On fait les choses, on travaille la musique mais cela a besoin d'être fécondé par l'histoire, par l'incarnation des acteurs ; ce sont eux qui font naître les émotions à la fin. Tous se sont appropriés les paroles et la musique avec une grande modernité tout en restant dans l'esprit que Raphaël souhaitait insuffler. Et en fin de compte, le résultat est totalement différent de l'idée que je m'en faisais...
*Incantation Pour Le Nouvel An
Une musique originale de Jérôme Lemonnier
Tiré de la bible hébraïque du Prophète Michée
adaptation poétique Emmanuel Moses
*Louanges À L'éternel
Une musique originale de Jérôme Lemonnier
Tiré de la bible hébraïque, Psaumes 27
adaptation poétique Emmanuel Moses
*Le Miracle De La Clef
Une musique originale de Jérôme Lemonnier
Une création d'Emmanuel Moses
*La Montagne Sacrée
Inspiré de la bible hébraïque, des Lamentations de Jérémie
Une musique originale de Jérôme Lemonnier
Création poétique d'Emmanuel Moses
*Ma Colombe
Une musique originale de Jérôme Lemonnier
Inspiré du Cantique des Cantiques
une création poétique d'Emmanuel Moses
*Prière Du Soir
Une musique originale de Jérôme Lemonnier
Inspiré du Corpus Liturgique du Soir
Traduction et adaptation poétique Emmanuel Moses
*Dis Moi Mobile Étoile
Mélodie de Fernand Halphen
Arrangement : Jérôme Lemonnier
Écrit par Auguste Lacaussade
Avec l'aimable autorisation de Mesdames Isabelle Friedman,Odile Haye, Nathalie Bardon
*Mouvement énergétique (cours d'Étha)
Une musique originale de Jérôme Lemonnier
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