Gabriel Yared signe la musique de ce thriller, premier film de Joan Chemla qui souhaitait que "la musique éclaire ce qu'il y a de plus sombre et mystérieux dans les personnages", avec une partition dépouillée, ménageant les silences du film.
[© Texte : Cinezik] •
Tracklist (de la BO en CD ou Digital)
1. Comme des frères (2:24)
2. Daniel seul (2:53)
3. Il faut pas (1:22)
4. En amour (1:27)
5. Le cœur brisé (2:24)
6. Les sentiments (2:17)
7. Les amants (1:53)
8. Où est Francine (1:28)
9. Générique de fin (1:41)
A propos de Gabriel Yared, j'aime son éclectisme. Il peut faire des choses très classiques et tout aussi bien composer la musique de TOM À LA FERME de Xavier Dolan. Se mettre ainsi, au regard de sa carrière, au service d'un film plus expérimental témoigne d'un esprit libre. J'ai pensé à lui bien avant de commencer à tourner le film. Là encore, mon obsession d'anticiper et de ne rien laisser au hasard! C'était d'autant plus important que je savais que j'aurais besoin d'une musique originale et sur mesure tant elle participe à l'univers du film. J'ai insisté pour que l'ingénieur du son Damien Tronchot rencontre Gabriel Yared. Ce n'est pas vraiment dans les usages, mais Gabriel a apprécié cette démarche, il a senti qu'on réfléchissait et qu'on construisait le film aussi en amont.
En général, j'aime travailler en amont et composer la musique du film avant le tournage. Pour SI TU VOYAIS SON CŒUR, j'ai préféré attendre de voir les premières images du film. Cela ne m'a pas empêché d'être impliqué très tôt. Joan m'envoyait les photos des premiers repérages à Marseille et elle m'a aussi demandé des conseils sur le choix de la musique tsigane pour la séquence du mariage. Par la suite, je n'ai pas voulu donner cette couleur à ma propre composition. La musique du film est un personnage quasi silencieux, hiératique, qui surgit de temps en temps, sans jamais se mélanger à l'univers musical des personnages. Ce sont deux entités différentes dont l'une appartient au réel, et l'autre à l'onirique.
Pour un compositeur, entrer dans un projet où il y a beaucoup de silences, n'implique pas forcément qu'il y aura beaucoup de musiques - elle est d'ailleurs effectivement très rare dans le film. Cela implique en revanche de réfléchir à chaque note de musique que l'on va mettre. J'aime que la musique ait une force quasi subliminale. Souvent, les gens disent que la musique est un personnage du film. Certes, mais ils oublient souvent qu'un personnage ne parle pas tout le temps, n'envahit pas le film. La musique n'est pas là pour meubler ou surligner. D'autant plus dans un film comme celui de Joan, dont les images sont déjà si habitées. Je n'avais pas envie d'être redondant, des passages dans son film peuvent rester parfaitement silencieux tant ils expriment déjà une musicalité.
Joan souhaitait que la musique «éclaire ce qu'il y a de plus sombre et mystérieux dans les personnages ». Le scénario et le film sont construits en cercles concentriques : on tourne, on tourne, on tourne... Il y a un véritable cheminement avant d'atteindre le cœur du film. J'aime que le film soit à la fois très construit et ne dissipe pas pour autant cette sensation de brouillard. La première fois que l'on voit le film, on en sort en ayant l'impression d'avoir vu passer un mirage. C'est un peu ce que j'ai essayé de transmettre par ma musique. Je recherchais aussi une forme de dépouillement pour épouser la complexité du film. J'ai donc fait appel à un orchestre resserré de huit musiciens pour respecter l'esprit de ce film extrêmement pur, que ce soit sur le plan de l'image, de la direction d'acteur ou du son. Joan assistait aux enregistrements, elle était heureuse de voir la musique se construire avec les musiciens, qui apportaient leur humanité et leur chaleur.
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