Après "New York Melody" (2013) et "Once" (2007), le réalisateur irlandais John Carney réalise un nouveau film musical (un jeune homme introverti décide de monter un groupe de rock, "Sing Street") mélant le social (s'en sortir malgré des origines modestes) et la romance (l'adolescent du film monte le groupe pour séduire une jeune femme). Les chansons du groupe sont vraiment interprétés par l'acteur Ferdia Walsh-Peelo et écrites par Gary Clark. On y entend aussi des titres évoqués dans les dialogues : The Cure, Duran Duran... Bono, chanteur de U2 et The Edge, guitariste du groupe participent à la BO.
[© Texte : Cinezik] •
Tracklist (de la BO en CD ou Digital)
1. Rock N Roll Is A Risk (Dialogue) - Jack Reynor
2. Stay Clean - Motörhead
3. The Riddle Of The Model - Sing Street
4. Rio - Duran Duran
5. Up - Sing Street
6. To Find You - Sing Street
7. Town Called Malice - The Jam
8. Inbetween Days - The Cure
9. A Beautiful Sea - Sing Street
10. Maneater - Hall & Oates
11. Steppin' Out - Joe Jackson
12. Drive It Like You Stole It - Sing Street
13. Up (Bedroom Mix) - Sing Street
14. Pop Muzik - M
15. Girls - Sing Street
16. Brown Shoes - Sing Street
17. Go Now - Adam Levine
John Carney souhaitait trouver un auteur de chansons très en amont afin qu'il puisse apporter aux titres du groupe une sensibilité eighties authentique et accessible à un public d'aujourd'hui. Or, il se trouve que l'auteur-compositeur Gary Clark envisagé par le réalisateur était récemment revenu dans sa ville natale de Dundee, en Écosse, après avoir vécu à Los Angeles. Clark s'est fait connaître pour le tube « Mary's Prayer » qu'il a écrit pour son groupe Danny Wilson en 1987. La chanson est sortie à trois reprises au Royaume-Uni entre 1988 et 1989, avant de se classer 3ème du hit-parade anglais. Mais en Irlande, la chanson était déjà un immense succès, se hissant au 5ème rang des meilleures ventes dès sa première sortie. Habitué à travailler avec des musiciens, Carney avait antérieurement collaboré avec Glen Hansard pour ONCE : celui-ci avait non seulement joué dans le film, mais écrit et interprété les chansons, dont « Falling Slowly » avait obtenu l'Oscar en 2007.
Pour NEW YORK MELODY, Carney avait fait appel au leader du groupe New Radicals, Gregg Alexander, pour imaginer l'univers sonore dont s'inspiraient les chansons du personnage de Keira Knightley. « Je souhaitais explorer de nouvelles possibilités avec ce film, explique Carney. Il se situe dans les années 80, si bien que je tenais à engager quelqu'un qui a vraiment écrit de la musique à cette époque.
J'adore «Mary's Prayer». J'ai donc contacté Gary Clark. Je l'ai appelé à l'improviste et je lui ai parlé de ONCE. Il l'avait vu et aimé. Je lui ai dit que «Mary's Prayer» et son album, «Meet Danny Wilson» (1987), avaient changé ma vie. Je l'écoutais avec mon frère quand j'avais 14 ans, alors que j'étais censé faire mes devoirs. Je lui ai proposé d'imaginer de nouvelles chansons et les paroles d'autres titres qui étaient partiellement écrits. »
« Il a pris le premier avion pour venir me voir, dit-il. C'est un auteur brillant qui sait écrire des chansons qui vous restent en tête. Il nous a écrit cinq ou six titres. » Carney et Clark ont travaillé pendant un bon mois avant le tournage, enregistrant les chansons avec un orchestre réunissant les meilleurs musiciens de studio d'Irlande. À titre anecdotique, étant donné que le groupe du film n'est pas censé maîtriser parfaitement toutes les techniques, il a fallu demander aux musiciens de jouer moins bien qu'à leur habitude !
« On leur a demandé d'atténuer la qualité de leur travail afin qu'on croie vraiment qu'il s'agit d'une bande d'ados et non pas des meilleurs musiciens de studio du pays, s'amuse Bregman. Cela concernait surtout les chansons qu'on entend au début du film. Ils font une reprise de «Rio» de Duran Duran et il était essentiel que l'enregistrement se passe mal. On était dans le studio et John répétait : «Non, c'est trop parfait. Soyez moins bons. Accélérez le rythme ou jouez faux !» C'était assez difficile d'amener ces formidables musiciens à un niveau vraisemblable pour des jeunes qui sont de grands débutants. »
Tandis que Conor s'essaie à différents styles musicaux propres aux années 80, les auteurs-compositeurs se sont efforcés de transposer cette évolution dans leur travail. « Le groupe passe par différentes périodes, indique Bregman. Ils sont d'abord influencés par Duran Duran, puis par Hall & Oates, The Cure et Elvis Costello. Chacune de leurs chansons s'inspire de la scène musicale des années 80. C'est très amusant de reconnaître une chanson que, pourtant, on n'a jamais entendue. Mais on comprend tout de suite à quel style elle se rattache. » Le goût prononcé du réalisateur pour la musique se retrouve dans son parcours. Paul Trijbits y a été sensible d'entrée de jeu, admirant l'enthousiasme dont Carney a fait preuve dans l'élaboration minutieuse de la bande-originale. « Le grand talent de John consiste à raconter des histoires à partir de la musique, dit-il. Il s'y prend remarquablement. Il a adoré enregistrer tout un album et monter un véritable groupe. C'était un régal de dénicher Ferdia qui s'impose comme le leader du groupe. On devait enregistrer un album qui soit en résonance avec l'intrigue et qui soit au service du film. Je crois que le pari est intelligemment gagné. »
Quand on lui demande les styles musicaux qui l'ont inspiré pendant le développement du projet, Carney répond sans hésitation, maîtrisant parfaitement son sujet. « Frankie Goes to Hollywood est l'un de mes groupes préférés, sans le moindre doute !, s'enthousiasme-t-il. On m'a aussi demandé quel était mon «plaisir coupable» et j'ai répondu Level 42. Comme j'étais bassiste, j'adorais Level 42. Il m'arrive encore de retrouver un de leurs CD et d'écouter leur musique - dans ces cas-là, ma copine quitte la pièce, mais pas moi ! J'écoutais aussi beaucoup de l'électropop et du funk et tous les groupes en vogue à l'époque : Joy Division, The Cure et autres. Je pourrais aussi parler de groupes américains, mais la liste serait trop longue. »
Pour le directeur de la photo, la difficulté consistait à intégrer les éléments musicaux à l'histoire, puis à filmer l'ensemble avec fluidité, afin que le spectateur n'ait pas le sentiment désagréable d'une rupture abrupte entre les séquences dialoguées et les scènes musicales.« Ce qui est formidable quand on tourne caméra à l'épaule, c'est que la mise en scène est très rythmée, dit-il. Même quand je ne bougeais pas, je pouvais me permettre de me pencher en avant ou en arrière. Du coup, ce dispositif imprime un vrai tempo aux images : le rendu d'un tournage à l'épaule est un peu plus vivant que lorsqu'on filme à la Dolly ou qu'on tourne des plans à la grue. »
Il fallait également veiller à ce que Ferdia Walsh-Peelo possède les facultés vocales exigées par son rôle.« Le travail en studio d'enregistrement était assez soutenu, reconnaît-il. Pendant un mois en amont de cette étape décisive, j'ai exercé ma voix une fois par semaine, parce que je savais que les séances en studio allaient être longues et éprouvantes et que j'allais devoir chanter toute la journée. J'ai beaucoup appris. »Pour d'autres comédiens, le film a été l'occasion de se replonger dans leurs souvenirs. Aidan Gillen s'est souvenu de ses découvertes musicales à l'époque où il était ado. « Je me rappelle que j'étais tombé sur de vraies pépites : Echo and the Bunnymen, les Smiths et U2, déclare-t-il. Tous ces groupes venaient de Dublin. Il y avait même des rock-stars irlandaises, comme Van Morrison, Phil Lynott ou Rory Gallagher, même s'ils s'inspiraient du blues. S'agissant de U2, c'étaient des sonorités nouvelles. C'était un phénomène qui s'inscrivait dans une nouvelle vague musicale. C'était galvanisant et ça se passait sous nos yeux, à Dublin. »Jack Reynor a grandi dans les années 90, mais ses goûts musicaux ont été largement influencés par sa mère.
« J'écoutais essentiellement de la musique des années 70 et 80 quand j'étais gamin, confie-t-il. J'écoutais du Steely Dan super fort ! Ma mère, qui est née en 1970, était adolescente dans les années 80, et quand j'étais petit, je connaissais tous ses amis et ses références culturelles. J'y suis extrêmement sensible et je n'ai aucun mal à me reconnaître dans le contexte culturel du film. »
« J'étais fou de musique quand j'avais 14 ans, poursuit-il. J'aimais les Beatles, les Rolling Stones et Guns N' Roses. Mes goûts musicaux ont évolué depuis cette époque. J'ai même participé à deux groupes et j'ai adoré ça. Je jouais de la guitare, et un peu de piano. Je me suis arrêté et ça me manque. »
Les plus jeunes interprètes, quant à eux, se sont initiés à l'histoire de la pop. Carney montrait aux garçons des clips des années 80 pour qu'ils se familiarisent aux mouvements scéniques des artistes de l'époque.
Pour Percy Chamburuka, qui campe Ngig, le joueur de synthé du groupe, c'était une totale découverte. « Quand on m'a rappelé pour une deuxième audition, John m'a projeté des clips des années 80, dit-il. J'ai vu la manière dont les joueurs de synthé s'habillaient. Je n'avais pas la moindre idée des genres de musique qu'on écoutait à l'époque. J'en ai donc pas mal appris sur les années 80. »Pour Lucy Boynton, qui interprète la fille du groupe, cet apprentissage musical est devenu un sujet de plaisanterie entre elle et le réalisateur.
« C'était très drôle parce que John passait son temps à faire allusion à des films et des chanson extraordinaires en me disant «Tu connais ça ?», et je lui répondais «non», et il ajoutait, «Bon Dieu, Lucy, mais t'as vécu où ? T'as un problème ou quoi ? « Et je lui disais, «Je suis désolée mais je n'étais pas née dans les années 80 !» »
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