Le spectacle « A nos morts… »
Ou le Hip Hop au service du devoir de mémoire.
Huit jeunes artistes, d’âges, d’horizons, d’origines diverses, intermittents ou ouvriers, racontent l’histoire des tirailleurs de l’armée française, racontent le sacrifice des Anciens en musique, en paroles, images et danses.
14-18 ; 39-45 cannibalisent l’écran. Où est-ce qu’il est l’cœur de tout ça ? Le cœur de tout ça, il est dans le fond du ventre.
Alors faut mettre les dents, les mâchoires au travail. Le spectateur aveugle doit entendre croquer et déglutir, se demander ce que ça a mangé là-bas.
Maeva, Farba, Ibrahima, Slovannak, Christophe, Mickaël poumonent sec. Leurs paroles, leurs corps acrobates intègrent, prolongent et donnent à voir, à entendre en direct les prémices sanglantes de la mémoire collective.
« Il n’y a que la transmission de cette mémoire qui pourra sceller la fraternité vitale entre les communautés, les cultures… Ciment d’une société riche et apaisée. »
"Mémoires vives" réussit une hybridation rythmée : la culture urbaine du Hip Hop traverse en coupes les archives filmiques des deux guerres et instaure un dialogue charnel avec la réalité des tranchées.
Ce vendredi 14 mars, à la Comoedia, les collégiens et lycéens d’Aubagne ont applaudi et célèbré le spectacle.
On sent bien que sur cette scène, il y a eu quelque chose de sacré, de religieux au sens vague et général du mot.
Notons que la compagnie strasbourgeoise envisage de tourner le spectacle sur les territoires anciennement colonisés - à commencer par l’Afrique du Nord.
MASTER CLASS DE COMPOSITION MUSICALE POUR L’IMAGE
Le festival, avec le concours de la SACEM, organise pour la cinquième année consécutive une master classe. Cette année, elle est dirigée par le compositeur jazzman Stéphan Oliva. Elle se déroule du 9 au 17 mars et s’adresse à de jeunes compositeurs rigoureusement sélectionnés - Benjamin, tromboniste ; Grégoire, guitariste et basse ; Olivier, guitariste et clarinettiste ; Laetitia, contrebassiste ; Claire, violoncelliste ; Lisa, saxophoniste ; Jean, pianiste.
Le stage est constitué d’exercices de composition musicale sur le chef d’œuvre d’Alexandre Medvedkine Le bohneur, 1934, qui dépeint, dans la Russie tsariste puis soviétique, les mésaventures d’un paysan naïf accablé par la vie et finissant par trouver le bohneur, après bien des vicissitudes, auprès d’un kolkhoze.
Le bonheur - parce qu’il est un film inédit pour Oliva. Parce qu’il est un film à géométrie variable associant burlesque et drame, et que le politique informe souterrainement.
Ensemble, maître et stagiaires écrivent une partition (à l’exception du Pandore de Oliva), ou improvisent des formes dans l’espace temps, subordonnées aux motifs clés nécessaires au film.
Il s’agit avant tout de magnifier l’image : un son soufflé dans un instrument ethnique évoque la ruralité primitive de la Russie ; une MAO (musique assistée par ordinateur) l’avènement de la machine ; on lance le discours grésillant d’un Staline ; on froisse le plastique pour signifier le feu et rendre hommage par là même aux bruitistes des cinémas des années 20-30. La musique est polymorphe à l’instar de ce film-fresque.
Elle agrippe un geste, une action, annonce un moment (on entend cet accord crépusculaire du piano) ou exacerbe une pensée selon une fonction plus actuelle précise Oliva.
Demain, à l’occasion de la soirée de clôture du festival, le ciné-concert sera fin prêt.
UN ECHANTILLON DE 7 COURTS METRAGES EN COMPETITION
Français, australien, israëlien, argentin ou espagnol, chaque court possède une identité propre et inattendue.
On retient la musique originale de Gilles Alonzo (récompensé au festival de Clermont-Ferrand) pour le film muet Les miettes (Pierre Pinaud, France, 2007) ; le monde sous-marin de la jeune Georgie, unique alternative au viol (Sexy Thing, Denie Pentecost, Australie, 2006) ; le ghetto arabe de Lod, les oppressés de la société israëlienne filmés par une caméra intrusive (Roads, Lior Geller, Israël, 2007) ; la géométrie insolite de Hoy no estoy (Gustavo Taretto, Argentine, 2007) ; l’enfance nue et mystérieuse de No es una buena idea (Ugo Sanz, Espagne, 2007) et de L’enfant borne (Pascal Mieszala, France, 2007) ; et la photo de Mélody Anaud pour Capitaine (Elory Humez et Florian Thomas, France, 2007) : un appartement faiblement éclairé, protégé de la lumière du jour par des rideaux. Des lumières périphériques soulignent le contour du très beau visage d’un vieillard, n’en révélant parfois qu’une partie et créant la tension dramatique.
Une sélection de haut vol.
A 22h, la Nuit du Court, événement incontournable de la manifestation présentera cette année 32 courts métrages hors compétition provenant de 11 pays.
Croissants et petits pains à l’entracte.
TABLE RONDE : L’ENSEIGNEMENT DE LA CREATION MUSICALE ET SONORE POUR L’IMAGE
Le festival propose à trois écoles de cinéma de niveau supérieur d’échanger leurs démarches et réflexions sur l’enseignement de la création musicale et sonore au sein de leur cursus : la forme que prend cet enseignement, la place qu’il occupe, ses perspectives.
Y participent trois grandes écoles : le KASK (Koninklijke Academie voor Schone Kunsten) de Gand en Belgique, représenté par Martinne Huvenne, professeur et chercheur en Composition musicale et sonore pour l’image, accompagnée de deux étudiantes ; l’école Belazel, Académie des Beaux-arts de Jérusalem, Israël, représentée par Hanan Kaminski professeur et créateur du département cinéma d’animation ; et l’IUP SATIS d’Aubagne (Sciences Audiovisuelles et Techniques de l’Image et du Son), représenté par son directeur Jacques Sapiega.
Les enjeux principaux sont le développement de la musicalité chez le cinéaste, la place donnée à l’espace sonore dans le film et surtout l’apprentissage d’une terminologie musicale nécessaire à toute communication (Nathalie, étudiante réalisatrice au KAKS, revient sur sa première collaboration avec une compositrice pour le film Juliette et la difficulté rencontrée pour transmettre ses attentes).
Martinne Huvenne favorise une imbrication de la musique et du son : il s’agit de penser ensemble les deux matières, combiner ces deux logiques différentes (fragmentation des sons/globalité de la musique).
Un exercice qu’elle affectionne particulièrement est celui de raconter une histoire à partir du paramètre son : une expérience radicale visant à prendre conscience du pouvoir narratif sonore.
A quel moment intervient la rencontre entre un réalisateur et un compositeur ?
De manière générale, l’image précède la création musicale.
Pour ce qui est du film d’animation, Hanan Kaminski explique que le travail du compositeur se fait à partir d’un ours : (un scénario dessiné au crayon) ou à partir des premières rushes 3D.
Pour éviter toute systématisation, Patrick Millet, compositeur et arrangeur de nombreuses musiques pour le théâtre, la chanson et l’image, intervient et insiste sur le caractère particulier de chaque film chaque film. Il s’agit de déterminer ce qui fera l’identité d’une œuvre et savoir si la musique est prolongation, anticipation ou contradiction. P.M :« Le plus dur, c’est de se comprendre - ce qui marche dans une certaine culture peut perdre pied dans une autre. », avant de lancer un appel aux réalisateurs et à leur faculté à accepter l’imprévu. Jacques Sapiega appuie le propos et incite tout apprenti à s’entourer d’improvisateurs (jazzmen).
DES COURTS QUI RENDENT HEUREUX
En 2006, Philippe Braunstein (Avalon Production) participe au festival en qualité de membre du jury court-métrage et se livre à un exercice arithmétique. Sur environ 20 films proposés, il compte 45 morts dont 6 enfants, 4 maladies graves dont 2 enfants, 3 films dans une morgue, 3 dans un hôpital, 1 sortie de prison, 1 mutilation, 1 suicide, 3 guerres, 2 viols, 5 films sur les difficultés sociales, 7 films sur l’incommunicabilité, 1 seul sourire.
Pour tenter de prouver que court-métrage ne rime pas forcément avec morosité ou aridité, que le talent s’exprime aussi à travers le rire et la fantaisie, il constitue depuis 2007 un programme de films très différents les uns des autres mais ayant en commun une petite étincelle de bonheur à offrir.
La musique participe pleinement aux réjouissances.
Deux vieilles toquées se livrent à un match délirant de sonneries de portable dans Kwiz de Renaud Callebaut ; une techno chinoise accompagne les pérégrinations « cleptomaniaques » du jeune Paul dansune galerie commerciale du 13ème arrondissement dans Ming d’Or de formatrice dans un cours de country pittoresque dans Bonbon au poivre de Marc Fitoussi (nomination César 2007) ; enfin une multinationale chante la mélodie du libéralisme, du stock option aux licenciements dans Heureux qui comme Edouard, de Franck Lebon et Vincent Burgevin.
SOIREE DE CLOTURE
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Interview B.O : Audrey Ismaël (Le Royaume, de Julien Colonna)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)