1963
Tout premier essai cinématographique de Martin Scorsese,
déjà traversé par la musique : INESITA de Robert J. Siegel
consacré à un danseur de flamenco, dont Scorsese est le chef
opérateur : « INESITA était essentiellement un film musical.
Il dure moins de neuf minutes. Et curieusement la danse est
restituée presque comme je le ferai dans NEW YORK, NEW YORK.
La danse est décomposée, et la musique l’est aussi. »
1970
Monteur et assistant réalisateur du film WOODSTOCK de
Michael Wadleigh : « Sur WOODSTOCK, j’ai appris à organiser
et contrôler une équipe de cameramen, mais nous n’avions pas
de script. Nous ne savions pas à l’avance qui allait chanter
quoi. C’était le chaos. »
1971
Crédité comme « supervising editor » et « post-production
associate » de MEDECINE BALL CARAVAN de François
Reichenbach, documentaire qui suit les tribulations « sex,
drugs and rock’n’roll » d’un bus de hippies (à bord, le staff
du Grateful Dead), sorte de mini-Woodstock ambulant. Les producteurs américains confisquent le film, jugé trop
poétique, et commandent à Scorsese un montage plus
commercial. Scorsese va le rendre plus musical.
1972
Crédité comme « supervising editor » d’ELVIS ON TOUR, dont
il désavoue le montage, confié à un autre (et saccagé selon
lui) après son départ.
1974
ALICE N’EST PLUS ICI, l’histoire d’une femme qui rêve de
devenir chanteuse et d’aller à Monterey. En chemin, elle
rencontre un beau fermier, joué par le célèbre chanteur
country, Kris Kristofferson : « Le pauvre venait de finir
PAT GARRETT ET BILLY THE KID, que j’ai adoré, mais que
beaucoup de gens détestaient. Finalement, un jour, nous
sommes partis répéter tous les deux et je me suis mis à le
charrier, je lui ai gueulé des bêtises en tournant autour de
lui et en disant : j’ai l’air con face à toi et t’as l’air con
face à moi. Et alors ? On a tous les deux l’air con. Ça a cassé
la tension et ensuite on s’est très bien entendu. J’ai beaucoup appris de lui. »
Kris Kristofferson réapparaîtra dans TAXI DRIVER, à travers une chanson citée par Betsy, et un disque acheté par Travis Bickle.
1977
NEW YORK, NEW YORK, un film musical sur l’ère des grands
orchestres swing, de 1945 à 1955. Au milieu du film,
Scorsese insère une fausse comédie musicale : HAPPY
ENDINGS, écrite par John Kander et Fred Ebb, les
compositeurs de la B.O.F CABARET : « J’avais la musique
qu’il fallait, un grand chorégraphe. Ce furent les dix
premiers jours de tournage, c’est mon meilleur souvenir : je
n’ai jamais été aussi heureux. »
1978
Dernière semaine de tournage de NEW YORK, NEW YORK fin 76,
Jonathan Taplin, l’ex-road manager de The Band, vient
proposer à Scorsese de filmer le dernier concert du groupe,
dont il est l’un des plus grands fans : « NEW YORK, NEW YORK,
c’était la musique de mon père. THE LAST WALTZ, c’est la
mienne. Et je ne crois pas que ce concert soit une fin. La fin
d’une époque peut-être, mais pas celle du rock. »
Pendant
deux ans, Scorsese se retrouve donc avec deux films musicaux à monter (NEW YORK, NEW YORK et THE LAST WALTZ) et Robbie Robertson, le leader de The Band, qui vient continuellement
le voir avec des nouvelles idées (d’autres invités,
d’autres chansons, des interviews) : « Comme le dit Robbie,
chaque chanson est le théâtre d’un affrontement. D’un
combat entre le Band et ses invités. Ce qui se passe entre
eux à ce moment-là – qui n’est pas de l’ordre verbal – est
trop intense pour qu’on laisse la caméra baguenauder. Je ne
vous montre le public que dans la mesure où les musiciens sur
scène lui prêtent attention. Si je l’avais pu,
j’aurais d’ailleurs dissimulé les caméras pour qu’elles
n’interfèrent pas entre le public et le concert. »
Finalement, THE LAST WALTZ sort en 1978 : « Pour ma part, j’étais emballé par l’idée de retracer la chronique du rock, de montrer ceux qui l’avaient fécondé et ceux qui avaient été fécondés par lui, de remonter jusqu’au maître, Muddy Waters, l’homme de « Rollin’ Stone », le roi du « Delta Blues », et de sauter brusquement à Eric Clapton et son British Blues. Scorsese produira un documentaire sur Eric Clapton en 1995.
1978
AMERICAN BOY: A PROFILE OF: STEVEN PRINCE est le deuxième
volet de ITALIANAMERICAN, une histoire orale de l’Amérique.
Ici, il fait parler Steven Prince, ancien road-manager
de Neil Diamond, assistant de Scorsese et
vendeur d’armes dans TAXI DRIVER : « Le film a été tourné
au cours de deux week-ends. Le premier samedi, j’ai
interrogé et filmé Neil Diamond et Albert Brooks. Le
lendemain, chez George Memmoli, nous avons tourné avec
Steven l’essentiel du film. (…) Mes amis me poussaient à en
filmer toujours davantage, mais je me suis tenu à mon idée
première : un homme s’assied, vous raconte son histoire, et
peu à peu on voit émerger une époque, un mode de vie, une
manière de survivre. Je voulais que chacun puisse partager
le plaisir de cette soirée avec Steven. A chacun de décider
s’il l’a partagé avec un drogué, un criminel ou un frère. »
1987
Pendant la promotion de LA COULEUR DE L’ARGENT, Quincy Jones
appelle Martin Scorsese à Los Angeles « Il m’a fait
rencontrer Michael Jackson. J’étais à la fois
intimidé – Michael Jackson, c’est plus qu’une star, c’est un
symbole – et fasciné : il a un style unique, une façon
chorégraphique de se mouvoir… » Scorsese écoute
l’enregistrement de la chanson Bad, il l’aime et accepte de
tourner un clip-vidéo de 16 minutes, en noir et blanc et
couleur, avec des gros moyens. La chanteuse Roberta Flack y
joue la mère de Michael. Au final, Bad est un véritable
petit film, écrit avec Richard Price, inspiré d’un
fait-divers new-yorkais : « Le travail avec Michael Jackson
sur Bad a contrebalancé celui avec Paul Newman sur LA
COULEUR DE L’ARGENT, tout comme THE LAST WALTZ l’avait fait
pour NEW YORK, NEW YORK. J’ai toujours besoin de me
consacrer à de plus petits projets, pour ne pas perdre
la main. »
1988
Scorsese fait appel à Peter Gabriel pour la bande originale
de LA DERNIÈRE TENTATION DU CHRIST : « J’ai commencé
à écouter la musique que fait Peter Gabriel en 1982-83 et
j’ai beaucoup aimé Rythm Of The Heat avec ses percussions et
ensuite I Go Swimming où les paroles commencent de façon
très normale avant de capoter et de prendre une dimension spirituelle, surtout dans la version live. »
Robbie Robertson présente Scorsese à Peter Gabriel, ils se
rencontrent dans un café, un matin de 1983 : « Il fallait
bien sûr qu’il fasse cette musique par amour puisqu’il n’y
avait pratiquement rien à y gagner. Normalement, m’a-t-il
dit, ça prend deux ans et demi pour faire quarante minutes de
musique ; mais il ne lui a fallu que trois mois pour faire
deux heures quarante ! »
Cette même année, Scorsese tourne une vidéo pour son ami de
toujours, Robbie Robertson Somewhere Down The Crazy
River. Robbie Robertson chante face caméra.
2003
DU MALI AU MISSISSIPI (FEEL LIKE GOING HOME : THE BLUES FROM
AFRICA TO THE NEW WORLD). Premier épisode de la série
THE BLUES, dont Martin Scorsese est le producteur
délégué. Documentaire qui retrace l’évolution du blues, de
ses origines africaines à son éclosion dans
le delta du Mississipi. Avec Otha Turner comme figure
centrale : « Il est l’un des chaînons entre le blues
africain et le blues nord-américain. »
2005
NO DIRECTION HOME : BOB DYLAN. Entre GANGS OF NEW YORK et
AVIATOR, Scorsese rencontre Jeff Rosen, archiviste et
manager de Bob Dylan, qui lui montre les dix heures
d’interviews du chanteur qu’il vient d’enregistrer et une
masse de documents inédits. Jeff Rosen veut que Scorsese
assemble le matériel pour en faire un film sur Dylan - qui
figurait déjà dans THE LAST WALTZ : « Nous avons en commun
l’Amérique des années cinquante et soixante. Ce fut ma
période de formation à moi aussi. Il a un an et demi de plus, mais nous avons vécu les mêmes choses : Brando et Dean, la
menace nucléaire, la paranoïa anticommuniste, et ensuite le
New York en ébullition du début des années soixante. » Le travail commence à Noël 2002 et dure trois ans et demi.
Pendant tout le montage, Scorsese n’a jamais été en contact
avec Dylan : « Cela me laissait une entière liberté. Dylan
savait, bien entendu, que j’étais de son côté, du côté de
l’artiste. Comme le dit Joan Baez : « Je ne sais pas qui il était, mais je sais ce qu’il nous a donné. »
2008
SHINE A LIGHT.
Les chansons des Rolling Stones ont traversé toute l’œuvre
de Martin Scorsese : de Jumpin’ Jack Flash et
Tell me dans Mean Streets à Let It Loose dans Les Infiltrés,
en passant par Monkey Man, Memo From Turner dans Les Affranchis et Long Long While, (I can’t get no) Satisfacton,
Heart of Stone, Sweet Virginia, Can’t You Hear Me Knocking dans Casino. Quant au titre Gimme Shelter, c’est une
véritable obsession du cinéaste, figurant dans pas moins de
trois de ses films : Les Affranchis, Casino et Les Infiltrés. Mick Jagger et Martin Scorsese ont toujours
voulu travailler ensemble. SHINE A LIGHT est leur première
collaboration.
Interview B.O : Audrey Ismaël (Le Royaume, de Julien Colonna)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)