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Ces deux derniers jours commencent mal avec SYNECDOQUE, NEW YORK de Charlie Kaufman. Le scénariste génial de "Dans la peau de John Malkovitch", pour son premier film en tant que réalisateur, se paie un délire d'autosatisfaction indigeste et qui ennuie, avec un Philip Seymour Hoffman aussi paumé que le spectateur dans les méandres du cerveau malade de Kaufman. C'est un cliché de le dire mais c'est un fait : il s'agit d'un film de scénariste, bourré d'idées mais qui ne propose aucun univers. Décevant, parfois même insupportable. Reste la sympathique musique de Jon Brion (qui avait signé le score de "Eternal Sunshine of the Spotless Mind" de Michel Gondry, sûrement le meilleur script de Kaufman), avec quelques notes de piano et des cordes arrangées par Steve Bartek, l'orchestrateur de Danny Elfman. Mais cette belle musique ne sauve pas le film d'un ennui profond.
Petite surprise en revanche avec MY MAGIC, sympathique film du réalisateur indonésien Eric Khoo qui nous raconte l'histoire d'un père alcoolique qui tente de se rapprocher de son fils. Ancien magicien, il émerveille à l'écran avec des trous de magie tendre et amusants. Khoo joue de l'opposition entre la vie difficile du père (qui boit, se fait tabasser) et la pureté de son fils (solitaire et travailleur, qui veut réussir mais qui a besoin d'argent pour étudier). En résulte un film simple et sincère, qui cependant verse un peu excessivement dans la mièvrerie et le sentimentalisme.
La vraie claque de ce vendredi c'est assurément IL DIVO de l'italien Paolo Sorrentino, qui dresse ici le portrait au vitriol de Giulio Andreotti, l'homme politique le plus important et le plus puissant en Italie des années 60 jusqu'aux années 90. Sur un ton drôle et constamment caustique, il évoque la superpuissance incarnée dans ce petit corps frêle, mystérieux et vieillissant qui était respecté et craint du Vatican jusqu'à la mafia. L'excellent Toni Servillo compose un personnage décalé, froid mais cynique, que le pouvoir rend blasé de tout. Délectable. Sorrentino propose un film engagé mais à la forme en contant renouvellement, on ne s'ennuie pas une seconde. Dans la lignée de Marco Bellochio (qui aime bien lui aussi faire grincer les dents des curés et des hommes de pouvoir), on se retrouve en présence d'une grande satire politique comme les italiens sont les seuls à nous en offrir, diluant enjeux politiques avec la personnalité énigmatique et complexe d'un seul homme. On est bien loin du poussif GOMORRA (également en compétition).
Samedi était projetés les trois derniers films de la sélection officielle : ENTRE LES MURS de Laurent Cantet, troisième film français en compétition, RENDEZ-VOUS A PALERME de Wim Wenders (dont c'était la neuvième sélection à Cannes) et LE BON, LA BRUTE ET LE CINGLE du coréen Kim Jee-Woon (hors compèt). Ce dernier se résume à un gigantesque gunfight de deux heures, qui vaut le coup d'oeil pour l'exercice de style, parfois inventive, parfois poussive. On retient une indéniable maîtrise de la mise en scène au service d'un film qui tourne à vide.
Wim Wenders de son côté divise, avec un film sur le fil du rasoir du début à la fin, qui laisse le spectateur dans le doute : chef d'oeuvre ou véritable nanar ? Pour beaucoup, la seconde option semble évidente, tant le cinéaste allemand s'enlise dans des plans carte-postales de Palerme, des effets numériques douteux et, à la fin, dans des propos philosophiques d'une confondante mièvrerie. Pourtant, on reste scotché par sa maîtrise narrative et visuelle, et son sens de la mise en musique (il retrouve ici Nick Cave et utilise un morceau du dernier album de Portishead pour une scène de rêverie balladeuse magnifique). Profondément sincère et touchant, le film émeut, pourtant. Wim Wenders donne le bâton pour se faire battre, et il serait trop facile de lui rendre les coups. Rien que pour cette prise de risque constante, son sujet ambitieux (les réflexions d'un homme qui frôle la mort plusieurs fois) et sa maîtrise bluffante du matériel cinématographique, on aime. Beaucoup.
Mais la dernière claque de ce 61ème Festival de Cannes restera ENTRE LES MURS de Laurent Cantet, qui fait l'unanimité à Cinezik malgré l'absence totale de musique ! Le cinéaste français ausculte le microcosme d'une salle de classe une année durant, mélangeant comédiens, véritables élèves et professeurs. Un film d'une profonde lucidité sur les rapports conflictuels qui se déroulent chaque jours entre ces murs et sur la difficulté de communication entre la hiérarchie, les profs, les élèves et les parents. Dépouillé de tout artifice, Cantet éblouit par ses choix de mise en scène, et sa maîtrise narrative qui se construit au fur et à mesure du film. Peut-être une promesse de prix pour un film français, avec enfin un film à sa mesure, qui a bien mérité ses quinze minutes d'applaudissements à l'issue de la projection (voir notre vidéo).
En attendant le palmarès officiel attendu ce dimanche, nous savons déjà que SNOW (premier film de Cannes que nous ayons critiqué) a obtenu le Grand Prix de la semaine de la critique, tandis que le prix SACD revient à MOSCOW, BELGIUM (voir notre interview du compositeur). Le film argentin LA SANGRE BROTA a reçu le prix de la jeune critique (interview du réalisateur à venir) tandis que NEXT FLOOR du canadien Denis Villeneuve a reçu le prix du meilleur court-métrage.
A la Quinzaine des Réalisateurs, le film belge ELDORADO de Bouli Lanners a reçu le Prix Fipresci (critique internationale) des sélections parallèles, et le Prix du Regard Jeune (voir notre critique). On lui promet un beau succès en salles.
Enfin, dans la sélection "Un Certain Regard", c'est le film TULPAN du kazakh Sergueï Dvortsevoï qui remporte le Grand Prix, et rafle aussi le prix de la jeunesse (récompensant le meilleur premier et deuxième film toutes sélections confondues) et le prix de l'éducation nationale. Le jury d'Un Certain Regard, présidé par le cinéaste allemand Fatih Akin, a également récompensé TOKYO SONATA du japonais Kiyoshi Kurozawa (Prix du jury) et WOLKE 9 de l'allemand Andreas Dresen (Coup de coeur).
Dans la sélection officielle, quelques prix ont également été décernés : le magnifique film hongrois DELTA remporte le prix Fipresci de la sélection officielle, signe de son succès auprès de la critique internationale. Enfin, ADORATION du canadien Atom Egoyan a reçu le prix oecuménique (récompensant un film à la porté intellectuelle et sociale remarquable).
Palme d'Or : DELTA de Kornel Mundruczo
Grand Prix : VALSE AVEC BASHIR de Ari Folman (INTERVIEW DU REALISATEUR)
Prix du jury : ENTRE LES MURS de Laurent Cantet
Prix de la mise en scène : LES TROIS SINGES de Nuri Bilge Ceylan ex-aequo avec IL DIVO de Paolo Sorrentino
Prix du scénario : Clint Eastwood pour L'ECHANGE
Prix d'interprétation masculine : Joaquin Phoenix pour TWO LOVERS
Prix d'interprétation féminine : Martina Gusman pour LEONERA
Caméra d'Or : ILS MOURRONT TOUS SAUF MOI de Valeria Gaï Guermanika
Prochaine news : le palmarès officiel !
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Interview B.O : Audrey Ismaël (Le Royaume, de Julien Colonna)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)