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Cinezik : En quoi votre école de cinéma a pu vous préparer à l'approche musicale de votre film de fin d'études ?
Pedro Resende : On a peu abordé ce sujet, mais on l'a évoqué dans les cours sur la post-production. On y disait toujours de réfléchir à la musique qui conviendrait au film, ce qu'on voulait transmettre avec cette musique. La musique devait ainsi intervenir à la fin de l'élaboration d'un film.
Sur MAYBE, vous êtes parti d'une chanson existante de Hanan Townshend, n'est-ce pas ?
P.R : Je connaissais son travail, et j'ai utilisé une de ses chansons pour m'aider au montage sur un passage de 30 sec, et je me suis dit : "c'est ce compositeur que je veux !".
Pourquoi n'avez-vous pas fait appel à un compositeur plus tôt ?
P.R : Je ne savais pas que j'allais pouvoir travailler avec lui, il fait de gros films, il n'est pas facile de l'avoir. Quand j'ai monté le film avec la chanson, je l'ai montré à un de mes meilleurs amis au Texas qui m'a dit qu'il connaissait cette chanson, et que son compositeur était un ami. C'est après qu'il lui en ait parlé que Hanan m'a appelé.
Qu'avez-vous dit à Hanan pour le convaincre ?
P.R : Je lui ai envoyé le film. Je lui ai dit que j'aimais les cordes sur la chanson que j'ai placée, et que je voulais qu'il compose à partir de cela.
La présence de cette référence a pu faciliter le dialogue ?
P.R : Oui, cela nous a aidé à se comprendre. Cette chanson m'a donné l'idée de ce que je souhaitais, et lui a indiqué ce vers quoi il pouvait aller.
="http://download.macromedia.com/pub/shockwave/cabs/flash/swflash.cab#version=6,0,40,0"> Le film est sans dialogue, la nécessité de la musique est-elle apparue dés le scénario ?
P.R : En effet, je savais que la musique allait porter le film, qu'elle était au moins 50% du film. J'ai regardé d'abord le travail de deux compositeurs du Texas et d'Austin, mais je savais que Hanan serait mon premier choix. Cela m'a rassuré quand il a accepté.
Le film étant au stade de la post-prod au moment où Hanan intervient, un dialogue a t-il pu avoir lieu entre vous ?
P.R : Le montage était finalisé. Je lui ai envoyé le film avec quelques indications. Je lui disais ce que je voulais en fonction des passages, et j'ai changé très peu de choses dans ce qu'il m'envoyait. C'était lui le musicien, il savait ce qu'il fallait, je le laissais faire librement. J'étais à Austin, il était en Nouvelle-Zélande, on a tout fait par Skype en deux semaines.
Dans la mesure où il s'agit d'un film d'école, la musique était-elle contrainte par un budget réduit ?
P.R : Le problème, c'était le temps. De le faire en deux semaines, c'était fou pour lui. Mais j'ai maintenu tout ce que je voulais dans les limites du budget, il ne faut pas se contraindre, il faut juste trouver des remèdes. J'ai la meilleure caméra, les meilleurs interprètes, et le meilleur musicien.
Quelle leçon tirez-vous de ce premier film pour la suite ?
P.R : Penser à la musique en pré-production et non pas en post-prod. Je suis reconnaissant qu'on ait pu bien travailler en post-prod, mais plus tôt on travaille sur la musique, mieux ce sera.
Pensez-vous retravailler avec Hanan Townshend ?
P.R : Oui, je pense à lui pour mon premier long, il en a aimé l'idée. Il faut juste régler les problèmes de production, et je veux que ce soit en partie financé par le Portugal, mon pays d'origine, mais ce n'est pas simple. Je vais devoir faire appel à des financements privés.
Cinezik : Quel a été votre parcours musical avant de travailler pour le cinéma ?
Hanan Townshend : J'ai un diplôme de composition musicale. J'ai toujours joué de la musique, depuis que je suis enfant. J'ai grandi dans la Nouvelle-Zélande rurale, là où il n'y avait pas grand chose à faire à part jouer. C'est donc ce que j'ai fait, j'ai beaucoup joué. Je compose depuis mes 7 ans, c'était plutôt des chansons pop. Puis j'ai commencé à jouer et écrire pour des groupes. Et j'ai pensé à ce moment-là que je pouvais aussi écrire pour un orchestre.
Quel spectateur de cinéma êtes-vous ?
H.T : J'adore les films fantastiques. Enfant, je ne portais pas un intérêt à la musique dans les films, ce n'est que plus tard dans ma vie que j'ai commencé à me souvenir des musiques de films de ma jeunesse.
Qu'est-ce qui vous a décidé à franchir le pas vers la musique de film ?
H.T : Quand j'ai étudié la musique, je crois que j'ai pris conscience de deux choses : écrire de la musique pour le cinéma est un bon moyen de gagner de l'argent, et c'est le meilleur métier du monde (rires). J'ai toujours été intéressé par les compositeurs classiques, mais j'adore Georges Delerue, la B.O. de "Jules et Jim" est extraordinaire ! J'ai donc travaillé sur mon premier film grâce à Internet, en 2004. J'étais en contact avec une personne aux Etats-Unis qui cherchait une musique pour un film pour enfants. C'était un bon projet pour débuter. Quand j'ai été à Austin au Texas en 2008 pour mes études, je me suis assez vite inséré dans le domaine du cinéma et les choses ont commencé à se produire. J'ai travaillé aux côtés de Alexandre Desplat pour THE TREE OF LIFE et je suis retourné à Austin en 2011 pour travailler avec Terence Malick pour TO THE WONDER.
Comment vous êtes-vous rencontré avec Pedro Resende, le réalisateur du film d'écoles MAYBE ?
H.T : Pedro m'a contacté alors que j'étais en Nouvelle-Zélande, terminant les études. Je crois qu'il avait écouté un score que j'avais fait pour un réalisateur Suisse (Nicolas Siegenthaler) qui habitait Austin à cette époque. J'ai regardé son montage et j'ai beaucoup aimé ! Le film était terminé quand Pedro me l'a envoyé. Je savais que la musique jouait un rôle important dans la narration.
Combien de temps aviez-vous pour écrire cette musique ?
H.T : Pas longtemps. Sachant que j'étais toujours étudiant à ce moment-là, j'ai dû avoir 2 ou 3 semaines, et travailler pour le film en même temps que mes cours ! Je me souviens, c'était assez fou.
Comment s'est déroulé cette collaboration ?
H.T : Pedro est venu me voir avec un morceau de musique que j'avais déjà écrit, qu'il avait pris à partir de mon site Internet. Cela rend la vie plus facile, même si je ne suis pas un fan des temp-track (rires), je ne pense pas que beaucoup de compositeurs le soient. Nous avons donc travaillé à partir de ce titre, afin de créer une musique dramatique, avec une certaine tension, en contribuant à créer les trois actes du récit. Il y a un thème au piano qui apparait pendant la scène d'ouverture, et sur le générique. C'est le thème du film, un peu doux et curieux. Je pense que la musique est bien adaptée au récit.
Travailler avec Pedro était incroyable, c'était sa première collaboration avec un compositeur. Il avait une idée très précise de ce qu'il voulait pour la musique. Je pense que ses études ont aiguisé son esprit à ce propos. Cela dit, il m'a laissé beaucoup de liberté.
Parlez-nous de la partition, est-ce enregistré avec un orchestre ?
H.T : Je joue moi-même les instruments, j'ai enregistré le piano, et plusieurs pistes de violon solo pour la partie finale du film. Le reste, ce ne sont que des samples. C'est en fonction du budget. Je savais que nous n'avions pas les moyens d'embaucher un grand nombre de musiciens pour cela. Donc, j'ai écrit pour des samples.
Comment êtes-vous arrivé sur le nouveau projet de Terence Malick (TO THE WONDER, 2013) après avoir participé à TREE OF LIFE pour quelques musiques additionnelles ?
H.T : J'ai rencontré Terry alors qu'il était en tournage et je lui ai dit que je voulais écrire la musique. Je pense que j'avais fait mes preuves en travaillant sur THE TREE OF LIFE. Il a eu la gentillesse de me prendre.
En quoi cette collaboration avec Malick est-elle différente de celle avec un jeune réalisateur comme Pedro Resende ?
H.T : Oui, travailler avec Terry est complètement différent parce que son film est en constante évolution. Lorsque Pedro est venu vers moi, il avait terminé définitivement le montage et j'ai juste écrit à partir des images. Terence Malick ne peut pas procéder ainsi ! Il change constamment son montage en fonction des musiques. Il est très ouvert à l'expérimentation, mais il a une idée très nette de ce qu'il veut.
Avec Malick, travaillez-vous à partir des images ou seulement à partir du scénario ou d'une discussion avec lui ?
H.T : J'ai vu des images, mais on ne m'a jamais donné une version stable du montage. La musique n'était pas écrite pour des scènes particulières. Je me considère comme un compositeur en résidence avec lui (rires).
Malick utilise beaucoup de musiques savantes, est-ce le cas cette fois-ci ?
H.T : Depuis LE NOUVEAU MONDE et ce qui s'est passé avec le score de James Horner, Terry a beaucoup utilisé la musique classique. La BO de TO THE WONDER n'est pas totalement originale. Il y a quelques ré-arrangements et orchestrations. J'ai par exemple dû ré-arranger une partition de Bach, ce que je ne voulais pas faire car personne ne doit toucher à la musique de Bach. J'ai aussi fait un arrangement du "Parsifal" de Wagner, très simplifié.
Pourquoi Malick n'a t-il pas utilisé des enregistrements existants de ces partitions classiques ?
H.T : Parce qu'il voulait des couleurs et des humeurs différentes. Il aime les morceaux fragmentés. Il peut ainsi intégrer du sound-design autour de la musique.
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