par François Faucon
- Publié le 03-06-2013
Drapée dans ses airs de bécasse bourgeoise révoltée contre tout et n'importe quoi en pleine France louis-quatorzienne, Angélique (1964), marquise des anges, l'insupportable idylle du comte Geoffrey de Peyrac qui lui hurle son amour à tout bout de champs, fait exploser les audiences à chaque rediffusion. Seulement voilà, il y a l'œuvre de Michel Magne dont il faudrait certainement réévaluer la qualité à la hausse : http://www.youtube.com/watch?v=nnI-wI_P7yQ. Malgré les accords martelés par le piano à longueur de temps, l'ensemble est de bon niveau et rehausse l'intérêt de la saga en donnant une véritable contenance à une héroïne creuse et horripilante.
En 1969, Ennio Morricone est recruté pour un nouveau western spaghetti (après « Le bon, la brute et le truand » en 1966 notamment) : « The five man army ». Ce n'est ni la première fois ni la dernière qu'on ira chercher le maître pour sauver les meubles, sans forcément en avoir conscience d'ailleurs... En 1985, le cinéma osera « Red Sonja » (Kalidor). Même au 12ème degré, je ne suis pas certain qu'il y ait quoique ce soit à conserver. Une musique pourtant simple et digne d'intérêt (http://www.youtube.com/watch?v=y3bCTe17gdA). Mais pour ce western, c'est Bud Spencer et Peter Graves (le Monsieur Phelps de « Mission Impossible ») qui sont convoqués sur fond de révolution mexicaine. Tout un programme... Fidèle à l'orchestration qui participe de son génie utopique (voir mon article), il signe ici une partition pleine de fantaisies orchestrales : http://www.youtube.com/watch?v=3L2eQcHkSCg
En 1972, le cinéma d'action américain met en scène la « culture de la drogue » et la pauvreté chez la population noire de Harlem. Si « Super Fly » (1972) est critiqué pour cet angle d'attaque, il est aussi l'un des rares films à avoir été mis en valeur par sa musique (http://www.deezer.com/fr/album/1347789). De fait, la scène de sexe dans la baignoire, bien que considérée comme excellente par les spécialistes du genre, vaut certainement plus par la musique que par le jeu des acteurs... Deux millions d'exemplaires sont vendus dès la sortie du film et les Rolling Stones eux-mêmes hurlent de plaisir à entendre cette musique soul de Curtis Mayfield. Ils classent l'album parmi les meilleurs de tous les temps.
C'étaient les années 80. Que regardait-on avant « Le Seigneur des Anneaux » quand on était fan d'héroïc-fantasy ? La littérature cinématographique n'était guère prolixe mais commettait régulièrement quelques monuments du 7ème art... « Flash Gordon » (1980) (lire notre récente critique de cette BO) est d'un kitsch incroyable et certains acteurs ont peut-être regretté d'y avoir participé (Ornella Muti, Max Von Sydow, Timothy Dalton...). Le groupe Queen signe l'une de ses rares musiques de films avec Highlander, autre navet d'auguste mémoire (https://www.youtube.com/watch?v=r346rRTFvR4). Le thème de Flash, édité en 45 tours, sera 10ème dans les classements au Royaume-Uni et 23ème aux Etats-Unis. « Krull » (1983) (lire notre critique de cette BO) fut un échec au box office. A vrai dire, ce n'est que justice... La même année sort le 6ème opus de Star Wars autrement plus palpitant. La seule chose à conserver de ce film inqualifiable est l'extraordinaire musique de James Horner (Orchestre symphonique de Londres, s'il vous plaît...) aux accents wagnériens dès la première note (http://www.youtube.com/watch?v=RllRPZw--9Q). C'est même à se demander comment une telle rencontre fut possible... En 1988, il met aussi en musique « Willow » (lire notre critique de cette BO), pas forcément d'un grand intérêt cinématographique mais très intéressant sur le plan musical (http://www.youtube.com/watch?v=F7DQRtf15qg).
Durant la même décennie, on regardait aussi Golden Child (« L'enfant sacré du Tibet », 1986) . La musique constitue une utilisation à contre-emploi qui est à prendre comme un cas d'école. John Barry fut contacté pour écrire la musique de ce navet dont on lira quelques répliques cultes ici pour en savourer la qualité. Finalement, John Barry claque la porte suite à de nombreux désaccords et la production a alors recours aux services de Michel Colombier qui compose la musique que l'on sait. Celle de John Barry est un magnifique hors-sujet, trop profonde pour le film. La musique, jamais distribuée avant que La La Land Records s'en charge en 2011, n'a pas même de titre. Elle est néanmoins à écouter avec un immense plaisir : http://www.lalalandrecords.com/GoldenChild.html
Si Geena Davis s'est illustrée dans la série Commander in chief, elle s'est compromise - il n'y a pas d'autre mot - dans ce nanard estival pour familles nombreuses en manque de sensations fortes qu'est Cutthroat island (1995). Le plus gros bide au box office de tous les temps... Il est vrai qu'en matière de films de pirates, on écume les fonds de mer... Mais John Debney, particulièrement inspiré, signe une musique tonitruante (et quelque peu fatigante ?) de bout en bout. Celle-ci donne vie à l'aventure et confère au film le souffle épique qui lui échappe : http://www.youtube.com/watch?v=d__TWbHLcyY. Certains voient dans cette partition l'influence de Korngold, compositeur de la première moitié du 20ème siècle dont il faudrait, en urgence, rappeler toute l'importance pour la musique de films. Encore aujourd'hui !
Il y avait « Gorille dans la Brume » par Maurice Jarre en 1988 (https://www.youtube.com/watch?v=ONNwb6FDXrA). Il y aura « Congo » en 1995... Là où le premier était l'adaptation du témoignage passionnant de Diane Fossey, le deuxième met en scène une équipe de chercheurs et de gros gorilles qui se tapent dessus dans un mélange poussif et caricatural de guerre civile africains, de diamants dans une cité perdue gardée par une horde de gorilles blancs et de singes parlant le langage des signes... Jerry Goldsmith livre pourtant une partition de bonne facture (même si elle surfe un peu trop sur le côté « africain » du film) qui colle à l'ambiance générale (https://www.youtube.com/watch?v=soC1H7P0UAA). Néanmoins, le film et la musique seront, l'année suivante, nommés aux Razzie Awards qui récompensent ce qui se fait de pire dans le cinéma...
Le 21ème siècle n'est pas en reste. Debbie Wiseman a pour elle d'être l'une des rares femmes dans la profession ainsi qu'une véritable professionnelle au cursus impressionnant. Tout le monde n'est pas enseignant au Royal College Music de Londres ! Elle reste cependant peu connue et encore trop souvent cantonnée aux productions de seconde zone. « Arsène Lupin » (2004) est un ratage monumental. La musique (avec Matthieu Chedid) n'en est que plus frappante (http://www.deezer.com/fr/album/322293) de par son ampleur et sa qualité. Mais ce n'est rien face à « Lesbian vampire killers » (2010). Rien que le titre donne un aperçu de l'inévitable catastrophe à laquelle on peut s'attendre. Là encore c'est à se demander comment Wiseman a pu être nominée pour la meilleure musique par The International Film Music Critics Association. Et pourtant, le résultat est surprenant, et pas seulement en raison du contraste avec les images ! (http://www.youtube.com/watch?v=J64T6FnYxlw. Disponible aussi en intégralité sur Deezer).
Les unions les plus improbables accouchent parfois de pièces inattendues voire exceptionnelles, même lorsque l'on est incapable d'expliquer pourquoi. C'est peut-être encore ça, l'une des magie du cinéma.
par François Faucon
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