music-box-records,au-nom-de-tous-miens,visiteurs-delerue, - Music Box Records : Laurent Lafarge présente son label Music Box Records : Laurent Lafarge présente son label

music-box-records,au-nom-de-tous-miens,visiteurs-delerue, - Music Box Records : Laurent Lafarge présente son label

- Publié le 03-10-2013




A l'occasion de la parution le 30 septembre 2013 de deux disques de leur confection ("Au Nom De Tous Les Miens" de Maurice Jarre / "Les Visiteurs" & "L'Homme qui revient de loin" de Georges Delerue), nous avons posé quelques questions à l'un des responsables du label, Laurent Lafarge, pour comprendre ce qui a motivé cette belle entreprise et saisir les coulisses de la mise en oeuvre de tels disques.

MUSIC BOX RECORDS est un label phonographique indépendant consacré à l'édition ou la réédition de bandes originales de films et de séries inédites en CD. Le label créé en 2010 par Laurent Lafarge et Cyril Durand-Roger propose, sur CD et en édition limitée, des versions complètes de ces musiques en y intégrant autant que possible des morceaux inédits.

Photo : Laurent Lafarge (à droite) aux côtés du compositeur Serge Franklin.

Interview de Laurent Lafarge (MUSIC BOX RECORDS)

Cinezik : Pour commencer, quel parcours vous a mené à la création de ce label ? 

Laurent Lafarge : Lors de mes jeunes années d'étudiant à Toulouse, au milieu des années 90, j'ai monté un fanzine avec des passionnés ("Music Box, Pellicule sur Écoute", mon acolyte Cyril Durand-Roger en faisait déjà partie), dans le but de faire partager une passion pour la musique de film. Cela nous a mis un pied dans le milieu. Nous avons pu interviewer des compositeurs tels que Gabriel Yared, Philippe Sarde, Vladimir Cosma, Jean-Claude Petit... Après trois ans de parution, chacun a suivi sa propre route. Au bout de quinze ans d'expériences professionnelles, avec Cyril nous décidons de nous lancer dans le pari fou de monter un label.

Quelle a été l'économie de départ pour lancer le projet ? Avez-vous eu des aides ?

L.L : Nous avons monté ce label avec nos propres deniers et n'avons bénéficié d'aucune aide. Nous avons mis nos "billes" dans ce label en sachant bien qu'il y avait un risque. Nous avions quelques contacts mais c'était un pari risqué financièrement, d'autant que nous avions mis pour cela en pause nos vies professionnelles respectives. En y repensant, cela pouvait paraître totalement inconscient de faire cela, mais c'était quand même réfléchi. Nous sommes aujourd'hui à la troisième année d'exploitation et finalement, nous ne nous en sortons pas si mal !

Votre rapport à la musique de film est-il lié aux films ou s'agit-il d'un intérêt purement musical ?

L.L : Nous sommes d'abord très cinéphiles. C'est à la base un amour du cinéma, plus que de la musique, qui a motivé le projet. Le cinéma m'a permis de m'intéresser à tous les genres de musiques. Quand j'étais enfant, devant la télévision, je "mangeais" du cinéma et c'est cela qui m'a introduit à la musique, au jazz, au classique, au folklore, à la musique contemporaine, à la pop... Les genres se mêlent dans la musique de cinéma.

La création de Music Box Records a lieu dans une situation de crise où les labels dédiés à la musique de film se font rares en France...

L.L : En effet, nous avions l'envie de combler un vide en France avec un vrai label de musique de film comme il y en a aux États Unis. Il y a aussi Quartet Records en Espagne, qui fait un travail remarquable.

En France, il y a eu Cinéfonia dans les années 2000, avec des musiques de Pierre Adenot, Philippe Rombi... en terminant leur collection par Gabriel Yared avec plusieurs volumes. Depuis la disparition de Cinéfonia, nous sentions qu'il y avait un vrai manque en France d'un label qui se consacre exclusivement à la musique de film. Universal (et sa collection "Ecoutez le cinéma") est une major, donc c'est différent, ils exploitent leur catalogue. Nous, nous éditons les musiques de film qui nous ressemblent, en toute liberté. La ligne éditoriale de Music Box Records est très variée et éclatée. Nous pouvons sortir la musique d'un film obscur français comme L'IMPRECATEUR de Jean-Louis Bertuccelli (parue en septembre 2012), film oublié mais qui a un statut culte. La musique est composée par un anglais connu internationalement : Richard Rodney Bennett. Le premier CD du label était L'INCORRIGIBLE, musique de Georges Delerue, comédie française populaire. Donc nous alternons, nous n'avons pas de barrières, nous sommes assez libres.

Y a t-il une fréquence régulière de parution ?

L.L : Cette année, nous sommes passés à la vitesse supérieure. Nous commençons à mieux maîtriser les sorties, contrairement à nos débuts. Nous avons essayé de trouver un rythme régulier avec des sorties tous les deux mois. Nous ne pouvons pas non plus sortir trop de CD, car cela demande beaucoup de travail. Cet été, nous avons sorti trois CD, c'est peut être trop. Deux disques tous les deux mois semblent être le rythme qui convient.

Anticipez-vous vos parutions très en amont ?

L.L : Quand nous avons monté le label en 2010, nous avions déjà une liste d'envies, avec une cinquantaine de titres. Certains d'entre eux sont sortis depuis et d'autres vont sortir prochainement. Nous avons pu mettre parfois un ou deux ans pour concrétiser certains projets. Pour d'autres, cela peut se faire très rapidement, comme pour PIGALLE, LA NUIT (parution en février 2012). C'est le compositeur Eric Demarsan qui nous l'a proposé. Nous avons sauté sur l'occasion et avons sorti cela très rapidement, en trois mois. Idéalement, nous mettons entre trois et six mois pour finaliser un disque.

Les disques sont-ils confectionnés avec le compositeur, dans la mesure où celui-ci est disponible ?

L.L : Il faut faire la différence entre les projets français et les projets américains. Quand le compositeur est présent c'est un bonheur ! Avec Eric Demarsan et Serge Franklin (LE GRAND PARDON, septembre 2011), nous étions ravis. Ce fut une vraie redécouverte pour nous. Nous allons continuer avec eux sur d'autres projets. Pareil avec Claude Bolling (LA MANDARINE, août 2013) qui archive énormément. Cela facilite les rééditions. Dans le cas de Philippe Rombi (LA NOUVELLE GUERRE DES BOUTONS, avril 2012), nous avons pu le contacter directement, et puisque c'est un compositeur en pleine activité, tout est déjà numérisé. C'est plus facile avec des musiques de films récentes. Concernant les compositeurs disparus, nous discutons avec les ayant-droits, comme par exemple avec Colette Delerue pour tous les projets de Georges Delerue. Parfois, il arrive d'être bloqué car nous avons du mal à retracer la chaîne des droits. Il y a tout un travail juridique en amont.

Vous faites vous-même à la fois l'artistique et le juridique ?

L.L : Oui, nous avons plusieurs casquettes. Nous gérons toute la partie administrative, et ensuite la partie artistique, comme le design des CD avec David Marques, notre graphiste. Par ailleurs, Cyril était webmaster, donc il s'occupe également du site de Music Box. Nous travaillons en studio avec Christophe Henault, l'ingénieur du son. Puis nous faisons appel à des auteurs pour les livrets. Nous travaillons aussi avec un traducteur, les livrets de projets français étant bilingues. Les projets plus internationaux sont en anglais uniquement. Nous nous occupons aussi de la partie marketing. Nous faisons des dossiers de presse. La dernière partie du travail est commerciale, c'est à dire la mise en vente, que ce soit sur notre site ou dans les boutiques spécialisées dans le monde entier.

Pensez-vous sortir à l'avenir des disques d'actualité en correspondance avec la sortie d'un film en salle (ce qui se fait de moins en moins) ?

L.L : Nous avons rarement fait de nouveautés. PIGALLE LA NUIT et SIGNATURE sont des titres récents mais ils n'ont pas été édités en même temps que leur diffusion télé. Pour LA NOUVELLE GUERRE DES BOUTONS, nous n'avons pas pu sortir la B.O. en même temps que le film. Aucun label ne l'ayant commercialisé à la sortie en salles, nous avons rattrapé le coup après la sortie DVD. Il est vrai que tous les films récents voient de plus en plus leur musique sortir uniquement en téléchargement. Peu de labels sortent les musiques de films en CD. En même temps, quand nous faisons une réédition, nous maîtrisons le projet du début à la fin, car l'idée vient de nous.

Vos goût musicaux se portent-ils essentiellement sur les musiques de films du passé, comme peuvent le refléter les parutions du label ?

L.L : Il est vrai que je me sens plus proche de François de Roubaix, Michel Magne, ou Georges Delerue, que des musiques de films d'aujourd'hui. Je peux tout de même citer Philippe Rombi, Pierre Adenot, Bruno Coulais ou encore Alexandre Desplat, mais j'ai du mal à m'intéresser davantage à la musique de film d'aujourd'hui.

Cela vient-il d'un attachement aux mélodies qui se raréfient au cinéma ?

L.L : Tout à fait. Aujourd'hui, je me sens triste car quand je vois un film récent avec de la musique originale, cela manque cruellement de mélodies. On dirait que la musique n'est plus pensé de la même façon. Étonnamment, je me sens plus proche de ce que peut faire Quentin Dupieux (STEAK, RUBBER) dans une approche très électro de la musique de film.

La musique de Rob pour GRAND CENTRAL (et une magnifique mélodie à la flûte) n'est pas disponible, alors qu'elle a fait sensation auprès du public. Est-ce que Music Box Records peut permettre de rendre disponible ce type de BO ?

L.L : Pourquoi pas ? Il y a quand même des choses intéressantes dans la musique de film actuelle, il ne faut pas croire que je suis bloqué dans le passé, tout évolue. Mais nous sommes dans un réseau de distribution un peu limité. Pour des raisons financières, nous ne passons pas par un distributeur classique qui distribue auprès des grosses enseignes. Nous nous étions renseignés là-dessus mais cela s'est avéré trop risqué économiquement pour notre label. Nous n'aurions plus la main-mise sur la distribution ciblée de nos CD. Je ne pense pas que nous vendrions davantage de disques si nous étions plus présents dans des grandes surfaces qui voient leur rayon se réduire chaque année davantage. Les gens achètent les disques sur Internet maintenant. Nous sommes quand même présents sur Amazon et Fnac.com. Pour nous, les boutiques physiques, ça n'existent presque plus ! Les passionnés d'aujourd'hui, au lieu de se risquer à aller en boutique et de ne pas y trouver leur bonheur, achètent dorénavant par Internet. Les labels ont ainsi leur propre boutique.

Pourquoi vos disques n'ont-ils pas une édition numérique systématiquement ? 

L.L : Nous l'avions fait pour HÉNAUT PRÉSIDENT (musique de Michel Korb, mars 2012) car il y a seulement 15 minutes de musique. Ce n'était pas suffisant pour une édition CD. De plus, c'est une musique que nous aimons beaucoup ! Pour l'anecdote, c'est le compositeur qui est venu vers nous. Il travaille justement sur la mélodie, c'est ce que nous apprécions. Aussi, concernant la B.O. de SIGNATURE d'Éric Demarsan, aujourd'hui épuisée en CD, nous avons souhaité continuer à l'exploiter en digital. L'album sera disponible le 14 octobre sur toutes les plateformes de téléchargement.

Nous avons également fait un essai avec un album de De Roubaix (COMMENT LES SÉDUIRE / LES STRIP-TEASEUSES / LES COMBINARDS) qui est disponible à la fois en CD et en digital. Mais bon, nous sommes quand même très attachés au support physique qui permet de proposer un bel objet pour les collectionneurs.

Quels titres se sont les mieux vendus ? 

L.L : Puisque ce sont des éditions limitées entre cinq cent et mille exemplaires, nous avons quelques titres épuisés. Le premier disque à avoir été épuisé fût L'INCORRIGIBLE de Delerue qui s'est vendu en moins d'un an. THE OUTSIDERS de Carmine Coppola s'est aussi vendu très vite (en 3 mois !). Nous avons eu de belles surprises !

Quand les titres sont épuisés, la copie limitée ne risque t-elle pas de faire perdre des acheteurs potentiels ?

L.L : Oui, c'est vrai mais ce modèle économique est celui des labels européens et américains. Il faut rappeler que la B.O. est un marché de niche. En France, cinq cent à mille exemplaires, cela correspond à notre cible. Et cela permet aussi de donner à nos disques une valeur "affective" de collection. De plus, nous avons une licence concédée sur une durée limitée. Néanmoins, sur certains titres, nous avons effectivement pu nous tromper dans l'évaluation du tirage.

Enfin, présentez-nous les deux parutions de cette rentrée : "AU NOM DE TOUS LES MIENS" de Maurice Jarre et "LES VISITEURS" & "L'HOMME QUI REVIENT DE LOIN" de Georges Delerue...

L.L : Pour Delerue, nous avons voulu mettre l'accent sur sa carrière à la télévision, peu exploitée discographiquement. Il y a beaucoup d'a-priori sur la musique de télévision et nous avons voulu les casser. C'est une musique écrite de la même façon qu'une musique de cinéma. Cette initiative permet de faire la lumière sur sa période télévisuelle. Il y a tout un pan à redécouvrir. Pour Jarre, c'est la même chose, nous avions déjà édité VENDREDI OU LA VIE SAUVAGE, une série télé. Pour AU NOM DE TOUS LES MIENS, c'est un peu spécial puisqu'il s'agit à l'origine d'un film pour le cinéma qui a ensuite été exploité à la télévision en plusieurs parties. Nous avons voulu combiner les deux versions. C'est en quelque sorte une fournée consacrée à la télévision qui est un média jugé moins prestigieux par certains collectionneurs. Nous espérons les faire changer d'avis.

Au lieu de répondre aux attentes d'un public conquis d'avance, vous faîtes des choix exigeants en misant sur la confiance et la curiosité du public... vous considérez-vous comme des prescripteurs ?

L.L : C'est vrai, nous pouvons dire cela. Ca fait en tout cas plaisir d'avoir des personnes qui nous font confiance, qui achètent tous nos CD sans forcement être fan à chaque fois du compositeur. Ils ont confiance en nos choix éditoriaux. Nous mettons en lumière des musiques quelquefois tombées dans l'oubli en nous intéressant à des films moins prestigieux, mais musicalement passionnants.

Interview réalisée en septembre 2013 par Benoit Basirico

 

 Laurent Lafarge et Cyril Durand-Roger sont les invités de Thierry Jousse dans l'émission Cinéma Song jeudi 10 octobre (22h30).

 


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