par François Faucon
- Publié le 18-02-2014James Bond, ce "personnage compensatoire du déclin de la Grande-Bretagne dans les années 50", prend ses sources dans le mythe de Dionysos et d'Héraclès en des proportions toujours difficiles à définir. Plus évidente dans les romans que dans les films, 007 tient d'Héraclès pour ses triomphes (percussions et cuivres) face à des forces titanesques et de Dionysos pour son ivresse et son hédonisme (flûte, mélodies romantiques). L'un comme l'autre confère à 007 une puissance tirée de sa qualité de survivant face aux épreuves endurées, d'immortel face à la pérennité dans le temps du personnage.
L'utilisation des instruments renvoie précisément à cet héritage mythique.
saxophone : instrument synonyme de sexualité et qui accompagne bon nombre de scènes du genre. Ainsi, dans Diamonds Are Forever (évocation d'une relation homosexuelle entre "Mr Wint and Mr Kidd") ; Octopussy (dès le début de la chanson générique) ; On Her Majesty's Secret Service ("Bond Meets The Girls") ; ou dans Never Say Never Again ("Dinner With 007").
flûte : instrument dionysiaque par excellence avec les percussions. Les cérémonies en l'honneur du dieu grec se faisaient effectivement avec ces deux instruments. La flûte rappelle la dimension mythique de 007 et correspond aux scènes de romance féminine comme dans Quantum Of Solace ("Camille's Story") ; et ce, même si David Arnold ne sera pas un utilisateur systématique de la flûte pour ce type de scènes. On la trouve utilisée de façon systématique dans Octopussy ("Bond Meets Octopussy") et dans The Living Daylights ("Kara Meets Bond").
violon : au-delà de son recours obligatoire dans le cadre d'un orchestre de type symphonique, le violon rappelle les origines célestes de 007. "En effet, la caractéristique de Dionysos était d'être un dieu de l'Olympe, c'est-à-dire du ciel, mais qui préférait vivre parmi les humains, sur la terre. Or dans les James Bond, et cela est particulièrement vrai [de] Eric Serra et David Arnold [Casino Royale - "City Of Lovers"], le violon est entre autres utilisé pour signifier le ciel" [Vincent Chenille, page 153]
guitare : instrument massivement utilisé dans le "James Bond theme" d'où la possibilité d'être joué par des musiciens arrivant d'univers musicaux des plus différents. La guitare permet également, dans certaines reprises comme celle de "Live And Let Die" par Jean-Pierre Danel, de faire un lien avec le monde de l'enfance.
cuivres : massivement utilisés dans différents Gunbarrel, les cuivres se retrouvent aussi dans les partitions plus récentes comme Casino Royale ("Blunt Instrument" à partir de 1'19). Originellement, leur utilisation est voulue par le budget très "serré" donné par la production. Les orchestres comptaient de petits effectifs et il fallait pourtant donner un maximum de volume ! Les cuivres permettent aussi de mettre en avant la virilité de 007 de même que son côté résolument "terrestre" (autre élément dionysiaque) au sens de l'implication dans les affaires de ce monde.
musique électronique : essentiellement utilisée par d'autres que John Barry (Martin, Hamlisch, Conti, Arnold), elle correspond à l'évolution des goûts et des techniques. L'objectif étant de toujours rester "dans le vent". Le meilleur exemple reste l'orchestration réalisée par Moby pour le "James Bond theme" de Tomorrow Never Dies. Resterait à analyser les différences dans la structure et l'utilisation de cette musique par chaque compositeur.
musique classique : de The Spy Who Loved Me jusqu'à Quantum Of Solace en passant par The Living Daylights (Kara est violoncelliste !), elle favorise une prise de distance par rapport à l'univers musical habituel du spectateur lambda. Elle peut être diégétique (comme jeu musical intégré au film) ou extra-diégétique (passée par-dessus l'action). Dans tous les cas, elle ne figure pas sur les disques et doit être repérée au visionnage des films.
Enfin, il faudrait analyser l'utilisation du jazz et du mode phrygien dans l'univers musical de 007. Je laisse ces deux aspects de côté, essentiellement pour des raisons de compétences personnelles.
par François Faucon
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