Cinezik : On peut ressentir dans votre documentaire SPARTACUS & CASSANDRA à quel point la musique est très importante dans la culture rom...
Ioanis Nuguet : Oui, effectivement, dans la vie quotidienne la musique est super importante. Il y a de la musique toute la journée, les gens chantent des chansons tout le temps, lors du moindre repas... J'ai rarement vu des gens aussi attachés à la musique, et pas forcément liée au cliché de l'orchestre tzigane. La musique est une forme d'éxutoire. Dans le film, il y a des moments où ils écoutent de la musique et se mettent à pleurer, notamment dans la scène dans la rue avec le père. La musique est une sorte de catharsis, et c'est vrai que le film est un peu constitué ainsi.
Pourquoi avez-vous fait le choix de ne pas employer une musique tzigane ?
I.N : En fait, je n'avais pas du tout envie de cette forme d'éxotisme. Dans les films de Tony Gatlif par exemple, la musique est le vrai sujet du film, c'est vraiment différent, je pense à LATCHO DROM... Pour moi, ce n'était pas du tout le sujet du film. Soit la musique est centrale et dans ce cas il est intéressant de l'explorer vraiment, sinon c'est juste un peu de folklore qui donne juste une petite touche rom. Et surtout, les musiques d'orchestre ou de fanfare ne sont pas du tout la musique qu'ils écoutent. Je voulais aussi décentrer le rapport au fait qu'ils étaient roms. Spartacus est juste un adolescent qui adore le rap. Il n'y avait aucune raison de tout à coup mettre du violon et de l'accordéon.
(Spartacus propose un petit slam sur notre vidéo)
Dans quel cadre exercez-vous votre activité de rappeur ? Faites-vous des représentations ?
Spartacus : Je faisais un atelier de rap en 2010 au Café Culturel à Saint Denis. C'est là que j'ai commencé à écrire mes textes et à les chanter. J'ai été aidé car je n'avais que douze ans, je ne savais pas écrire à cette époque. Puis on a fait dans le cadre de cet atelier un spectacle qui s'appelait "Fabrique du Macadam". Cela s'est joué à La Maison des Métallos à Paris.
Depuis que j'ai quitté Saint Denis, j'écris seulement pour moi, il n'y a plus vraiment de représentations.
Quels sont les artistes que vous affectionnez ?
S. : Il y a le rap egotrip et le rap conscient. J'aime bien écouter le rap egotrip (Orelsan ou Disiz) pour rigoler. Parfois quand j'ai envie de faire plus travailler l'imagination j'écoute du rap conscient (Youssoupha par exemple).
Comment vous êtes-vous rencontré tous les deux ?
S. : Ioanis filmait depuis longtemps sur le terrain. On s'était croisé plusieurs fois mais on se disait juste "bonjour". Quand on a commencé à habiter au chapiteau, il venait pour les fêtes et filmait. On s'est rencontré par hasard à ces occasions et on a parlé.
I.N : Tu m'as aussi fait un rap à la caméra.
S. : Oui, et deux ou trois semaines plus tard, il vient me dire "la production veut que l'on fasse un film".
I.N : Je réféléchissais plus à une fiction, je voulais écrire à partir de leur vie, de leur histoire. Puis suite à la rencontre avec une production, on est tout de suite parti sur le film tel qu'il est aujourd'hui.
Spartacus, qu'est ce qui vous a fait accepter le projet ?
S. : Je voyais tout le temps des films et je me disais "putain, je rêverais d'être sur les écrans". Quand j'étais petit, je voulais me projeter dans la télévision. (rires)
En plus, je voulais changer le regard des gens par rapport aux roms. Au moment où les gens deviennent de plus en plus racistes je trouve, il est important d'amener le regard à autre chose. On peut dire que SPARTACUS ET CASSANDRA est un petit film révolutionnaire, c'est vrai.
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