par Quentin Billard
- Publié le 02-08-2014A la première écoute, la musique résonne de manière parfaitement familière et ce dès le premier morceau du film, le spectaculaire « Dragon Racing », 4 min. 30 de fun pur et dur qui récapitule sous la forme d'un brillant medley quelques uns des principaux thèmes bien connus du premier score pour la séquence introductive de la course à dos de dragons, et ce à l'aide de nouveaux arrangements et de réadaptations brillantes de ces mélodies si chères aux fans de John Powell et du premier score de 2010. Aidé d'un enregistrement réalisé avec le prestigieux orchestre de Londres et une grande chorale - sans oublier l'ajout de quelques solistes - John Powell élabore une partition symphonique classique, puissante, épique et émouvante à la fois, avec un sentiment de puissance plus prononcé, comme le confirme « Dragon Racing », dans lequel les orchestrations résonnent de manière plus ample, notamment dans l'ajout des choeurs, y compris lors de l'envolée triomphale du thème d'Astrid, doublé par une chorale féminine épique - on se rapproche sensiblement ici de l'esthétique surpuissante de « X-Men The Last Stand » - N'oublions pas non plus l'apport essentiel des solistes : violon, cornemuses (le groupe est baptisé ironiquement « The Red Hot Chilli Pipers »), dulcimer, etc. Certes, on ne relève rien de bien nouveau dès le début du film, mais Powell est bien loin d'avoir abattu sa dernière carte, ce qu'il confirme dans le tendre et réussi « Together We Map the World », pour lequel le compositeur dévoile un nouveau thème, mélodie légère et aérienne sur un rythme à trois temps, associé à l'amitié entre Harold et Krokmou, et qui passe ici rapidement d'un instrument à un autre.
Powell fait quelques concessions au style mickey-mousing habituel, mais parvient malgré tout à ne jamais verser dans un style cartoon trop caricatural, notamment grâce à quelques allusions musicales bien placées au premier score (c'est le cas par exemple à 1 :17 dans « Together We Map the World » qui reprend les instruments exotiques et l'ostinato de cordes touchant du fameux « Forbidden Friendship » du premier « Dragons »). Comme toujours, on appréciera ici la richesse ahurissante des orchestrations, l'aspect extrêmement coloré et élaboré d'une partition intelligente et pleine de vitalité, le tout saupoudré d'harmonies souvent élégantes et parfaitement conçues. Les rappels thématiques au début de « Hiccup the Chief » sont par exemple réalisés tout en finesse, avec le savoir-faire habituel du compositeur et ce côté toujours aussi rafraîchissant dans l'écriture mélodique, harmonique et les orchestrations (on appréciera par exemple le charme subtil du passage de flûte vers 1:16). On découvre par la suite un nouveau thème majeur du score associé au sinistre Drago, assez présent dans le film, et ce malgré un mixage pas toujours très généreux concernant la musique dans le film. Ce thème est entendu dans « Meet Drago » sur fond de percussions guerrières/métalliques entêtantes, illustrant l'obstination de Drago à conquérir le monde grâce son armée de dragons. Enfin, le troisième nouveau thème de la partition de Powell est entendu vers la fin de « Toothless Lost », brillamment introduit par une chorale féminine mystérieuse dès 2:12 sur fond de pédales d'accordéon. Ce thème, élégant et noble, sera associé dans le film à Valka, personnage-clé de cette nouvelle aventure et associée au passé d'Harold. Ici, comme dans beaucoup de morceaux, on appréciera l'apport incroyable des choeurs, qui apportent un sentiment de puissance grisant aux images et à la musique, décuplant la puissance par 1000 par rapport au premier film, quitte à verser dans de l'épique pur et dur façon « Lord of the Rings ». Mais à l'inverse de certaines musiques épiques hollywoodiennes lourdingues écrites à la va-vite, John Powell maîtrise son contenu avec un savoir-faire et un talent incroyable, ne versant jamais ni dans la cacophonie ni dans la lourdeur, notamment grâce à un contrepoint intelligent, un talent de mélodiste acharné et des orchestrations extrêmement riches, le genre de partition que l'on entend rarement de nos jours à Hollywood.
L'action n'est pas en reste, et sur ce sujet, les fans du compositeur apprécieront les envolées chorales triomphantes et surpuissantes de « Toothless Lost », le fun de « Should I Know You ? » ou des longues séquences épiques de bataille comme le tonitruant « Battle for the Bewilderbeast ». Et comme dans le premier score, on appréciera la manière dont les nouveaux thèmes et motifs se glissent progressivement dans la plupart des mesures de cette nouvelle partition, jusqu'à nous hanter au fil des écoutes sur l'album (la musique restant parfois mal mixée à l'écran). Il y a aussi les moments de pure magie quasi féerique comme le grandiose « Valka's Dragon Sanctuary », qui reprend le thème à trois temps d'Harold/Krokmou (au basson dès 0:48 ou à 1:31), le thème de Drago (suggéré brièvement à la flûte à 2:10) ou le motif mystérieux de 5 notes des dragons repris du premier score (à 2:30). Le thème de Valka est à nouveau repris par la chorale féminine dans « Losing Mom », doublé par un célesta touchant et fragile, rappelant l'affiliation entre Valka et Harold. Le thème est ensuite repris de manière surpuissante par un puissant tutti orchestral/choral grandiose et triomphant à 1:12, la grandeur épique de cette envolée thématique cédant rapidement la place à la subtilité et l'émotion d'un piano solo. Il faudra aussi signaler la reprise de Valka chantée par le choeur sur un rythme plus dansant et bondissant dans le joyeux et coloré « Flying with Mother », suivi d'une reprise toute aussi enjouée du nouveau thème d'Harold et Krokmou. Un nouveau motif se fait d'ailleurs entendre aux vents/cordes à 1:51, motif solennel et noble pour le puissant dragon alpha, que l'on retrouvera notamment dans l'exceptionnel « Battle of the Bewilderbeast » (à 3:02). Le reste du score oscille ainsi entre anciens et nouveaux thèmes avec une émotion constante et de grandes envolées épiques totalement démentes, notamment dans l'incroyable envolée triomphante et surpuissante du thème de l'envol à 3:42 (grand moment de musique en perspective !) ou dans la grande reprise du thème maléfique de Drago aux choeurs guerriers à 4:22, « Battle of the Bewilderbeast » étant l'un de ces tours de force orchestraux dont John Powell en possède seul le secret, et aussi l'un des meilleurs morceaux du score de « How to Train Your Dragon 2 ».
On pourrait aussi citer l'enthousiasme épique et galvanisant des autres scènes de bataille (« Hiccup Confronts Drago », « Toothless Found », « Two New Alphas », etc.), des rappels thématiques saisissants - le thème de Drago repris de manière sournoise aux violoncelles et aux choeurs à 1 :13 dans « Hiccup Confronts Drago » - Ou de l'émotion pure de certains passages comme le poignant « Stoick Saves Hiccup » ou le funèbre et bouleversant « Stoick's Ship », avec son utilisation brillante de la chorale et des cornemuses celtiques. Il y a aussi l'espoir et les moments plus joyeux de « Alpha Comes to Berk », les passages martiaux de l'épique « Toothless Found » et la confrontation finale dans le climax surpuissant de « Two New Alphas », sorte de cousin du redoutable et monumental « Battle of the Bewilderbeast », qui permet aussi à John Powell de reprendre et de développer la plupart des thèmes du score (le thème de Drago, celui de Valka, celui de l'Alpha, celui d'Harold et Krokmou, et les anciens thèmes du premier score), le tout ponctué de quelques envolées héroïques guerrières absolument démentes, qui vous feront littéralement décoller de votre siège ! C'est d'ailleurs le morceau idéal pour finir le film et l'album en beauté, sur une ultime touche d'énergie, d'aventure, d'action et d'émotions, permettant à John Powell de refermer la page d'une nouvelle partition stupéfiante et incroyablement dense et maîtrisée de bout en bout, un pur régal pour les amateurs de musique de film qui n'ont décidément plus grand chose à se mettre sous la dent de nos jours dans le cinéma hollywoodien actuel. Parfaitement adaptée et indissociable de l'ambiance du film de Dean DeBlois, la musique de John Powell pour « How to Train Your Dragon 2 » est un petit chef-d'oeuvre musical qui, à défaut de posséder le caractère spontané et frais du premier score, met les bouchées doubles et permet à Powell d'écrire l'une de ses nouvelles partitions-clé, écrite avec le coeur et un talent rare, à ne rater sous aucun prétexte, sous peine de quoi vous pourriez bien passer à côté de l'une des meilleures musiques de film de l'été 2014 !
par Quentin Billard
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