par Sylvain Rivaud
- Publié le 22-12-2014Dans "Hittite Battle", on retrouve la patte de Harry Gregson-Williams (qui a participé à la BO, essentiellement sur les passages d'action, trois morceaux sont présents sur le CD dont celui-ci). Avec son rythme scandé et ses choeurs, ce passage rappelle d'autres films de Ridley Scott (GLADIATOR, et évidemment KINGDOM OF HEAVEN - composé entièrement par ce même compositeur anglais issu des studios de Hans Zimmer) ou encore certaines sections mouvementées de THE CHRONICLES OF NARNIA.
Alberto Iglesias, de son côté, travaille davantage les atmosphères et les sonorités, avec l'utilisation d'instruments solistes (des bois essentiellement : flûtes, duduk). Il effectue aussi un gros travail sur les voix et les choeurs (marque de fabrique du péplum), et sur les thèmes, nombreux et brillants : "Goodbye" est un bel exemple de la réussite d'Iglesias.
"I Need a General" est aussi une superbe morceau évoquant le désir de Dieu, incarné dans le film par un enfant, tandis que le morceau suivant, "Exodus", initie le thème principal qui sera développé plus tard dans le très beau "Moses' Camp" puis dans les pistes suivantes.
Le travail de Frederico Jusid, troisième compositeur crédité sur ce film, est plus nerveux, sans doute aussi moins personnel, mais ne démérite pas. Au contraire, il signe quelques-uns des meilleurs morceaux du disque, notamment des passages d'action tantôt torturés et sentencieux ("Ramses' Orders") tantôt trépidants et furieux ("The Chariots"), et a co-écrit avec Alberto Iglesias quelques morceaux franchement épiques, avec d'énormes envolées orchestrales comme on n'en entend plus beaucoup à Hollywood de nos jours ("Into The Water").
Au final, si on reste en terrain connu avec un type de fresque historico-biblique vu et revu, et des sonorités "egyptiennes" longuement râbachées dans le vaste catalogue des musiques hollywoodiennes, le score de EXODUS reste malgré tout largement au-dessus de la moyenne actuelle avec l'affirmation d'une volonté épique et spectaculaire (épousant en cela la vision du metteur en scène Ridley Scott), de thèmes très en avant, d'une utilisation des choeurs qui fait sens (car on voit vraiment de la foule à l'écran), et d'une écriture dense et parfois subtile. La collaboration entre les trois compositeurs permet au score d'être équilibré sur tous les niveaux, le point faible d'Iglesias (les morceaux d'action) étant parfaitement compensé par les deux autres compositeurs, bien plus à l'aise dans ce registre, tandis que l'espagnol se démarque par le grand soin qu'il accorde aux thèmes, aux solistes (les voix comme les instruments) et aux orchestrations. Ceci fait d'EXODUS l'une des rares BO réellement enthousiasmantes entendues sur un grand écran depuis longtemps, et ça fait plaisir.
par Sylvain Rivaud
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