orvarsson,rams, - Atli Örvarsson retrouve les BELIERS de son pays Atli Örvarsson retrouve les BELIERS de son pays

orvarsson,rams, - Atli Örvarsson retrouve les BELIERS de son pays

- Publié le 22-05-2015

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Atli Örvarsson, compositeur réputé pour ses musiques de blockbusters (The Mortal Instruments, Hansel & Gretel, Season of the Witch, Babylon A.D.) retrouve pour la première fois son pays d’origine, l’Islande, en signant une partition minimaliste pour son compatriote Grímur Hákonarson avec le drame tragi-comique contemplatif BELIERS.

Interview Atli Örvarsson

Cinezik : Ce film est produit par votre pays d'origine alors que vous avez surtout évolué jusque là à Hollywood auprès de Hans Zimmer. En quoi ce retour aux origines a influé sur votre style musical ?

Atli Örvarsson : C'est vraiment très différent de ce que je fais habituellement. Le film parle de deux hommes âgés qui vivent dans une vallée isolée en Islande. Leur vie est silencieuse. Ils écoutent la radio mais il n'y a aucun bruit dans leur vie donc la musique devait être très calme et respecter leur environnement tout en comportant beaucoup d'émotions et de mélancolie, en se fondant vraiment dans leur univers.

A quel stade avez-vous commencé à travailler avec le réalisateur ?

A.O : Très tôt ! J'ai lu le scénario, il y a une belle histoire derrière ce film. Avec mon agent Jean-Pierre Arquié, je suis allé à un festival aux Arcs et la première personne que j'ai rencontré là-bas, était un producteur islandais qui voulait produire ce film, mon ami Grimar Jonsson. Il m'a expliqué qu'il faisait un film sur deux fermiers et ma famille vient de la vallée des fermes en Islande. Il m'a expliqué où c'était et il s'est trouvé que la maison dans laquelle le film serait tourné était la maison dans laquelle ma mère est née et a grandi. Je lui ai dit que je devais faire la musique de ce film car il s'agissait de la vallée dans laquelle ma famille avait grandi et donc où j'étais allé chaque année étant enfant. Mon arrière arrière grand-père jouait de l'orgue à l'église. C'était vraiment une histoire très personnelle. J'ai une maison dans la vallée et quand l'équipe est venu tourner dans l'ancienne ferme de ma mère, je suis allé à l'église avec l'accordéon de mon père, qui était décédé trois mois plus tôt. C'est donc avec cet accordéon et l'orgue que jouait mon arrière-arrière grand père, que j'ai commencé à jouer. J'ai donc passé la journée avec un ingénieur du son, à improviser et à faire de la musique. C'était trois jours avant qu'ils ne commencent à tourner le film mais cette musique est au coeur du film aujourd'hui, c'est la musique principale.

Cette histoire vous est donc très personnelle. La musique que vous avez écrite est-elle également très personnelle ?

A.O : Oui, elle est clairement très personnelle et c'est le projet de film le plus personnel que j'ai entrepris. Il y a tant de raisons à cela. C'est mon premier film en Islande, ce sont les terres de ma mère, l'accordéon de mon père. Je sens que c'est vraiment de la pure inspiration vous savez. Après avoir composé cette musique à l'église, je l'ai donné au réalisateur. Il l'a aimé mais il m'a quand même demandé d'essayer autre chose donc on a essayé beaucoup d'autres musiques, mais on est revenus à celle-ci donc c'est vraiment de la pure inspiration.

Est-ce que le réalisateur vous a donné beaucoup de détails sur ce qu'il voulait ?

A.O : Oui, beaucoup. Comme je l'ai dit, j'ai composé la musique avant même qu'ils ne commencent à tourner le film et c'est durant le montage que nous avons tenté d'autres idées, que nous avons simplifié la musique. C'est la première fois que je me sentais vraiment comme partie intégrante d'un tout, d'un projet global. La musique était développée avec le film. Même les acteurs écoutaient la musique que j'avais écrit à l'église avant de jouer. Donc on s'est vraiment tous influencés entre nous.

Quel est le rôle de cette musique pour vous dans le film ?

A.O : Dans ce film, je pense que c'est presque comme un personnage à part entière ou comme un choeur. Il y a peu de musique dans le film mais quand elle est présente, elle vient souligner quelque chose ou installer une atmosphère. Il y a peut-être un seul moment dans le film où la musique est par-dessus le dialogue mais sinon, la musique est seule. C'était vraiment l'idée du réalisateur d'avoir cette musique qui jouait sans rien de plus et de créer cette ligne directrice très lyrique. C'est donc presque comme un autre personnage.

Pensez-vous que votre musique contribue aux aspects comiques du film ou qu'elle correspond plus aux moments dramatiques ?

A.O : Le film est un film très sérieux sur des situations très comiques. Donc on a joué ce film sérieusement mais il y a un comique de situation. Je pense que la musique n'est jamais drôle. Il y a toujours des notes sérieuses dans cette musique mais les situations sont amusantes.

La partie au piano est très minimaliste n'est-ce pas ?

A.O : Oui c'est très minimaliste et c'est une musique qui est apparût tard. Je l'avais écrite pour un quartet de cordes et c'est à la dernière minute que le réalisateur m'a demandé quelque chose de très lent au piano. J'étais à Los Angeles, il était en Islande, nous étions sur Skype. Je lui ai donc joué cette musique au piano et il m'a dit que c'était parfait pour l'une des scènes de tension. Mais ce qui est génial avec Grimur, c'est qu'à chaque fois que je lui envoyais un morceau de musique, il l'essayait dans tous les moments du film pour voir où il collait le mieux. Il a donc essayé de mettre ce morceau sur les premiers plans de l'hiver et pour moi, c'est le meilleur moment musical car c'est tellement solitaire et froid, le minimalisme fonctionne bien.

Travaillez-vous tout le temps à Remote Control (studio de Hans Zimmer) ?

A.O : Je travaille principalement de chez moi mais on a un studio à Remote Control où mon équipe travaille. Mais j'ai la chance de travailler de chez moi. J'ai deux jeunes enfants donc je veux être auprès d'eux mais je suis seulement à 15 minutes de Remote Control donc ça va.

Pour BELIERS, vous avez travaillé avec cette équipe?

A.O : Oui, un petit peu, mais c'était très personnel donc j'ai principalement travaillé chez moi et j'ai enregistré tout moi-même. Je voulais garder ce projet séparé de mon travail à Remote Control car je le voulais très personnel, fait uniquement par mes soins sans travail d'équipe derrière.

Pas d'orchestrateur pour ce film?

A.O : Non pas d'orchestrateur. Il n'y a qu'un ou deux morceaux dans lesquels il y a des passages avec du violon ou violoncelle mais le reste c'est entièrement moi qui l'ai joué avec un orgue, un accordéon et un piano.

Pensez-vous que vous aviez plus de libertés dans ce film que dans les productions hollywoodiennes?

A.O : Oui et non. Il y avait moins de pression mais Grimur était très précis dans ce qu'il voulait. Nous avons travaillé de manière très proche et il était très influent dans ce que je faisais. Donc oui d'un côté j'avais plus de liberté pour essayer différentes choses et prendre le temps mais il y avait aussi un objectif artistique très précis de la part du réalisateur donc c'était le mélange parfait. J'ai trouvé cela avec d'autres réalisateurs européens également. Il y a beaucoup de marge de manoeuvre pour tester des choses différentes mais ils sont très spécifiques dans leurs demandes. Je pense également à Kevin McDonald. En fait lui et Grimur sont tous deux issus du documentaire, donc je pense que tous deux souhaitaient que la musique semble naturelle et vraie et ne soit pas perçue comme un intrus mais comme une musique qui aurait pu être jouée dans la vallée, ou en Ecosse dans le cas de Kevin.

Vous êtes également producteur de ce film?

A.O : Oui, ma famille est de la vallée donc quand l'équipe a voulu tourner là-bas, je leur ai dit que je connaissais bien l'endroit et les habitants. Donc je les ai aidé avec des choses simples en terme de logistique et Grimar m'a dit que je devrais être un producteur moi-aussi. Mais pour moi, c'était juste un peu pour rire. Je ne me suis jamais senti aussi impliqué dans quelconque autre film. Effectivement, j'ai aidé à l'organisation donc j'espère que c'est un début pour moi en tant que producteur car j'ai vraiment aimé ce rôle.

Que pensez-vous de la considération que les réalisateurs et producteurs accordent à votre travail ?

A.O : Je pense que ce film Rams, est un exemple de comment cela devrait se passer car j'ai été impliqué dès le début et j'ai travaillé avec le réalisateur et même avec les acteurs. Je suis allé sur le tournage, et je connais très bien les lieux donc c'est un processus intéressant dans lequel j'ai été impliqué dès le début. C'était une situation parfaite. On a du attendre entre les deux phases de tournage en été et en hiver et durant cette période, nous n'avons rien fait. Je ne voulais pas écrire de musique à ce moment là car je voulais prendre de la distance sur ce que j'avais écris initialement. Par contre, à la fin du tournage d'hiver, je ne pensais qu'à écrire. Ce n'était que 15 minutes de musique mais cela m'a pris beaucoup de temps à composer car normalement quand on écrit, on prend un thème principal et on le développe, on tente de trouver d'autres versions. Dans ce cas, c'était l'inverse. Le but était de le simplifier au maximum pour ne garder que l'essentiel pour comprendre l'histoire.

Composez-vous pour vous également ?

A.O : Oui, je compose beaucoup pour moi-même mais je ne sais pas vraiment quoi en faire ensuite. J'a i un grand catalogue de musique de piano que j'aimerais, un jour, prendre le temps d'organiser et enregistrer. Je suis vraiment chanceux d'avoir été si occupé ces dernières années. Mais en même temps, je n'ai pas vraiment eu le temps de me consacrer sur ma propre musique. Un jour je prendrai le temps de faire cela. Je pense que BELIERS marque un peu le début de cela car c'était une décision délibérée de ma part de revenir en Europe où je pense que j'ai de meilleures chances d'écrire de la musique qui me correspond plus qu'à Hollywood.

Vous aimeriez composer de la musique pour des films français également ?

A.O : Oui j'aimerais bien. Il y a beaucoup de bons films tournés en France et je pense qu'il y a une sensibilité que je comprends bien car ce côté européen est très vrai, ce n'est pas juste un cliché. Je pense que par exemple dans BELIERS, la musique n'était pas là pour résoudre des problèmes ou faire que les gens ressentent certaines choses, c'était vraiment comme un personnage additionnel, ce n'est pas manipulateur mais c'est une partie intégrante de l'oeuvre d'art en fait.

Vous attendez que les réalisateurs vous expliquent ce qu'ils veulent ou vous leur suggérez des idées ?

A.O : J'ai parlé avec un jeune réalisateur récemment qui m'a dit qu'il avait très peur de la musique car c'est quelque chose de très puissant mais qu'il ne savait pas faire et pour lequel il ne savait pas expliquer ce qu'il souhaitait. La partie la plus importante de notre travail de compositeur parfois, c'est d'aider le réalisateur à traduire leur vision en musique et de leur permettre d'être à l'aise avec cela car la musique a tellement un impact profond sur notre système nerveux que, que vous le vouliez ou non, en tant que réalisateur et auteur, vous devez pouvoir vous assurer que c'est fait de la bonne manière.

Quel est votre prochain film?

A.O : Je ne suis pas sûr. Je vais peut-être faire un film d'animation et j'aimerais beaucoup car mes enfants adoreraient cela. Je ne suis pas vraiment sûr de cela. Je veux prendre mon temps et voir ce qui vient à moi.

Et vous voyez toujours Hans Zimmer?

A.O : Je ne l'ai pas vu depuis très longtemps même si nos studios sont très proches l'un de l'autre. J'ai été beaucoup en Islande et lui à Londres. On travaille sur des horaires différents donc je ne l'ai pas vu depuis un moment mais on est en contact sur Facebook.

Nous l'avons rencontré l'année dernière et nous a dit qu'il n'aimait pas le « Hans Zimmer style », le fait que beaucoup de compositeurs tentent d'imiter son style. Que pensez-vous de cela ?

A.O : Je pense que son style change beaucoup. Il a une patte mais j'ai l'impression que son style a été repris en effet et je n'aime pas ces versions « génériques » de son style. J'aime son style à lui, par lui, et je pense qu'il évolue constamment aussi. A chaque film qu'il fait, il dévoile des nouvelles idées qui font doucement évoluer son style. Je pense que le « style » dont il parle est le même depuis dix ans car c'est le style des gens qui l'ont copié et celui des gens qui ont copié les gens qui l'ont copié. Donc c'est devenu un mouvement de 10 générations qui font la même chose donc je vois bien ce qu'il veut dire.

Pensez-vous que l'ancienne manière de composer, plus mélodique, est en train de revenir ?

A.O : Je pense qu'elle va revenir oui. Je l'espère car j'aime écrire de manière mélodique, c'est un point de vue un peu égoïste. Je pense que c'est comme un cycle où les styles reviennent. Il y a déjà eu un changement dans la musique de films récemment. La musique est beaucoup plus intimiste. Si vous regardez la musique aux Oscars, elle est très minimaliste, intimiste, avec des instruments solistes même. Je pense que la grande musique a sa place dans les grands films et que la musique plus intimiste a sa place dans les films plus intimistes. Il y a tout un spectre entre. Le changement de la musique vers des choses plus intimistes se produit également en pop. Les chansons pop se fondent plus sur un rythme que sur une mélodie. On verra où cela nous mène.

Avez-vous un modèle dans la profession ? Un compositeur qui est une référence pour vous ?

A.O : Ennio Morricone est la raison pour laquelle je me suis lancé dans la composition de musique de film. J'ai été très touché par son travail et je connaissais bien sa musique des westerns Spaghetti que j'écoutais étant enfant. J'ai essayé de reproduire cette musique et j'ai réalisé à quel point il avait du génie. Il y a aussi eu John Williams pour "Star Wars" que j'admirais déjà étant enfant. Mais mes mentors sont Mike Post et Hans Zimmer. Ce sont ceux qui m'ont appris comment écrire, comment fonctionner. Hans est le meilleur cinéaste que je connaisse, pas seulement compositeur. Il comprend vraiment le fonctionnement des films donc j'ai appris beaucoup grâce à lui.

Interview réalisée à Cannes en mai 2015 par Benoit Basirico
Traduction : Lorraine Reinsberger

 


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