Naël Marandin : Mon souci était bien d'inscrire ce film dans la réalité. Mais c'est une fiction, c'est aussi un film noir, avec un côté polar. On est loin du naturalisme. Je voulais parler de la réalité de la vie de ces femmes dans la société d'aujourd'hui, donc je voulais l'ancrer dans le réel. J'ai écrit ce film à partir de mon expérience auprès d'une mission de médecins du monde qui fait de l'accès aux soins et de l'accès au droit avec les femmes chinoises qui se prostituent à Paris. Puisque je parle chinois et que j'accompagne ces femmes, le film s'est nourri de leur histoire. Mais de cette matière documentaire, j'en ai fait une fiction.
La musique de GhostDance participe à la fiction et à la dimension de polar... Quel est votre rapport à la musique ?
N.M : La musique n'est pas quelque chose qui m'est naturelle, j'en écoute beaucoup, mais siffloter un air ou en parler, j'en suis incapable. C'est toujours une grande souffrance quand je veux parler de musique avec des musiciens. J'ai beaucoup de mal à exprimer ce que je veux. Je suis juste capable de réagir, de dire ce qui me plaît ou pas. Alors pour GhostDance, je connaissais le groupe, je les avais vu en concert. J'ai commencé par prendre des morceaux qui existaient que j'ai plaqués sur le film en montage. J'ai trouvé des choses qui me plaisaient, des sonorités surtout. Je recherchais des choses pas trop mélodieuses, pas trop froides non plus ni trop jolies, à l'image du film qui parle d'une réalité complexe ambivalente. Je voulais que la musique porte ça. C'est en plaquant les morceaux sur le film que je me suis dit que c'était avec eux que je voulais travailler.
Au final, la musique est originale ou provient de leur répertoire ?
N.M : J'ai utilisé des morceaux préexistants au montage, mais au final il y en a qu'un seul qui reste dans le film. Ils ont composé des morceaux pour le film dans un travail de va-et-vient entre leur proposition et mon montage, car on était encore en montage quand ils ont composé. Ce n'était pas toujours à la musique de s'adapter. A certains moments, quand la musique apportait un nouveau souffle, une nouvelle énergie à la scène, à plusieurs reprises je suis allé modifier le montage pour m'adapter aux morceaux.
Leur musique du film est-elle proche de ce qu'ils font pour la scène ?
N.M : GhostDance n'a pas travaillé de la même manière pour le film que dans leur travail pour la scène. Ce qui est agréable dans les moments de trouble du film, c'est quand la musique vient souligner le son du film. Ce n'est plus une musique mise en avant qui prend le pas sur les images, mais c'est tout un univers sonore.
GhostDance a aussi composé des chansons pour le film ?
N.M : En effet. Je suis très ému par la voix de Frank Williams qui a une puissance rauque.
Dans CORPS ÉTRANGERS (2007), votre court-métrage, il était déjà question d'un groupe de rock, Exsonvaldes...
N.M : En effet, j'aime ces sonorités-là. En plus, je pars toujours de musiques que j'ai déjà entendues, donc cela concerne des groupes que j'ai vus sur scène. En les voyant, je m'imagine la musique sur une scène de mon film. Je m'accroche à ce qui est déjà existant en musique.
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