borleteau,cannabis-borleteau, - CANNABIS sur Arte : Interview de la réalisatrice Lucie Borleteau CANNABIS sur Arte : Interview de la réalisatrice Lucie Borleteau

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Propos recueillis à Paris le 5 décembre 2016 par Benoit Basirico - Publié le 08-12-2016




Lucie Borleteau réalise les 6 épisodes de la série CANNABIS diffusée sur Arte les jeudis 8 et 15 décembre 2016, et ajoute à sa mise en scène musclée une B.O vitaminée. Série noire entre l’Espagne, la France et le Maroc sur fond de trafic de drogue, les musiques choisies sont aussi diverses, dont un générique composé sur mesure par le musicien espagnol Jesùs Diaz. Rencontre dans le cadre de la participation mensuelle de Cinezik à l'émission "Vive le cinéma" de Aligre FM.

 Ecoutez l'interview au sein de l'émission de radio (dés 34:20):

Cinezik : Avec CANNABIS, votre première série, comment vous êtes-vous appropriée cette commande d'Arte ?

Lucie Borleteau : C'était inédit pour moi. On m'a donné le scénario, je n'étais pas seul sur l'affaire, j'ai passé un entretien avec les productrices Tonie Marshall et Véronique Zerdoun qui ont eu l'idée saugrenue de m'appeler après avoir vu "Fidelio, l'odyssée d'Alice" (mon premier long métrage, 2014). Ce qui m'a énormément séduite dans les textes, outre le fait que les intrigues soient très solides, dans les codes de la série, c'est le foisonnement de personnages, tous très excitants et complexes. C'était un défi personnel de tourner comme trois long-métrages en un laps de temps si court, sur trois territoires différents, et avec une soixantaine de personnages. Ce foisonnement m'a beaucoup plu. Et pour garder les clés du camion, j'ai demandé à choisir tous les acteurs, la personne qui faisait l'image, la personne qui faisait le montage, et la musique qui pour moi était l'aboutissement de cette démarche. La musique intervient en général tard chez moi, en salle de montage, même si j'en écoute avant. De la même manière que cette série est une orgie de personnages, c'est aussi une orgie de musique. Et je suis très contente qu'ils aient sorti la B.O.

La plupart des musiques sont préexistantes au film...

L.B : En effet. J'ai beaucoup de problèmes avec la musique dans le cinéma contemporain, notamment la musique composée. Je me sens très humble par rapport à ça. J'ai du mal à parler avec des musiciens qui ne comprennent pas du tout ce que je veux. La musique de film, j'en suis un peu allergique. Je ne me sens pas encore mûr pour travailler avec un compositeur. Et j'écoute assez peu de musiques en dehors de mes films. Mais là, tout d'un coup, cela est devenu obsessionnel, que ce soit pour parler aux comédiens, ou quand on tournait dans des lieux où il y avait de la musique. On a d'ailleurs tourné quelques scènes de danse.

Un compositeur, Jesùs Diaz, est tout de même intervenu pour le générique de CANNABIS...

L.B : En effet, j'ai travaillé avec un compositeur pour la chanson de générique. Pour une série, ce générique est un enjeu assez fort, les spectateurs le retrouvent à chaque début d'épisode. On m'a donc proposé de travailler avec le compositeur espagnol Jesùs Diaz. On retrouve ce même générique à chaque épisode mais il y a des variations dans l'apparition de cette musique, elle n'entre jamais de la même manière, elle n'est pas calée au même moment sur les images du générique. Ce ne sont que des petits ajustements.

Comment s'est passée cette collaboration ?

L.B : On s'était un peu parlé avant le tournage. Ce qui m'a plu chez lui, c'est son côté "Mano Negra" que j'écoutais quand j'étais au collège. Cette série parle arabe, espagnol, français. Je pensais ainsi à des albums comme "Casa Babylon" où les éléments circulent beaucoup. Du coup je lui ai envoyé quelques morceaux. Je lui ai aussi envoyé un titre jamaïcain. Je me disais, puisque la série s'appelle "Cannabis", autant assumer un générique qui évoque le cannabis, même si dans la série on n'en parle pas tant que ça, on est plus sur des destinées romanesques. Je lui avais aussi envoyé la chanson "Cannabis" de Ludwig Von 88, qu'on a réussi par ailleurs à synchroniser dans un épisode. A ma grande surprise, je suis tout de même parvenu à communiquer avec un compositeur.

Vous avez également travaillé avec un compositeur, Thomas De Pourquery, sur votre premier film "Fidelio, l'odyssée d'Alice"...

L.B : En effet, mais ce n'est pas non plus un compositeur de musique de film. C'était même son premier travail pour le cinéma. C'était un mélange entre des morceaux que j'utilisais de son catalogue, et une ou deux chansons qu'il a écrites spécialement. "Fidelio" est également un film de voyage comme "Cannabis". Il y avait des musiques qui venaient s'entrechoquer. C'est ce qu'on a fait dans "Cannabis" de manière plus importante. La musique dynamise les scènes d'action. J'aime aussi beaucoup que la musique soit IN (entendue par les personnages) et qu'elle devienne extra-diégétique au bout d'un moment, qu'une musique de boîte de nuit par exemple s'envole vers autre chose. Et pour revenir à Thomas De Pourquery, on a également synchronisé un de ses titres sur "Cannabis", un morceau de son disque "Supersonic" en hommage à Sun Ra.

En plus du générique, il y a une autre constante à chaque épisode : une chanson de fin.

L.B : Je trouvais bien de finir à chaque épisode avec un morceau préexistant différent. Les scénaristes ont écrit des petites vignettes en fin de chaque épisode, comme des "flash" sur trois personnages que l'on voit avant le générique de fin. Par exemple, à la fin de l'épisode 3, il y a le morceau "Soledad" de Concha Buika, qui met un peu le frisson. La solitude du titre, c'est aussi le grand thème de la série. Tous les personnages de la série ont comme point commun d'être très seuls.

La série traverse trois territoires : l'Espagne, le Maroc et la France. Vous avez cherché à éviter les clichés folkloriques, tout en convoquant de la musique espagnole...

L.B : La musique "Andaluza" me faisait beaucoup penser à "Johnny guitare". On l'entend quand on descend dans le champ de cannabis au Maroc. Il était important pour moi de ne pas mettre de la musique marocaine. Il était aussi intéressant pour éviter les clichés de faire démarrer une musique espagnole en Espagne puis de la faire continuer lorsqu'on est dans la cité en France. Cela crée de la poésie.

Quel a été le travail du superviseur musical, Stéphane Junk ?

L.B : Au départ, il n'y avait pas de superviseur musical de prévu. Je l'ai rencontré en cours de processus, suite aux épisodes 1 et 2 qui plaisaient bien à la chaîne, et qui regorgeaient de musiques. Il fallait boucler les négociations de droit. Donc le superviseur nous a aidé là-dessus, puis il m'a aussi par la suite fait découvrir des morceaux. Les monteuses ont aussi amené des musiques. Stéphane a centralisé toutes ces propositions. Après j'en refusais certaines, comme les pièces de piano seul que je n'aimais pas.

 

 

 

Propos recueillis à Paris le 5 décembre 2016 par Benoit Basirico

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