Cinezik : Quelle relation avez-vous avec la musique ?
Karl Zéro : Chez moi, la musique est importante. Dans la vie, j'adore ça. J'en écoute souvent, et à mes heures perdues je fais des albums. Ce qui est bien avec Laurent, c'est qu'il a une intelligence des situations, il propose des trucs et après c'est à moi de choisir. Parfois il a raison d'office, ou parfois je le réoriente. Il écrit un autre film en quelque sorte. Il est évident que la musique dans un film, c'est 40%, elle ne se voit pas mais elle porte le film. une scène de merde avec une musique peut devenir une scène géniale. Ce qu'il ne faut pas c'est l"inverse, lorsque le compositeur veut absolument mettre de la musique sur une scène géniale qui n'en a pas besoin. Le compositeur a tendance à déborder, c'est comme une baignoire, il veut en mettre partout. Donc il faut savoir le canaliser.
La musique est un domaine très intuitif, et beaucoup de réalisateurs ne l'étant pas mettent n'importe quoi ou ne s'y intéressent pas réellement. Ils n'ont pas ce goût là. Ils pensent que c'est juste un passage obligé qui doit coûter peu cher. Laurent a du goût, il va aller très loin, il n'a pas ce problème là, il a juste le problème qu'il n'a pas compris toujours ce que je voulais. (rires)
Sur BEING W., le seul modèle que j'ai donné à Laurent, c'est le rock texan, puis il a ajouté le reste.
Quelle était votre intention musicale sur BEING W. ?
K.Z : Sur ce film là, ce que je voulais, c'était l'Amérique, l'Amérique et l'Amérique... Car évidemment pour un film d'archives sur Bush, on a toujours cherché des images où il bouge, avec des grands espaces, pas une succession de plans "homme-tronc". Pareil pour la musique, je voulais que Laurent me livre sa vision de l'Amérique avec sa culture musicale. Car pour moi c'était plus restrictif, c'était le western, le rock style ZZ Top, lui il avait une vision plus large. Je suis quelqu'un d'efficace qui a envie que ça aille vite.
Laurent Levesque : C'est d'ailleurs stimulant qu'on ait peu de temps pour le faire.
K.Z : Avant Laurent, j'ai travaillé avec Alexandre Desplat, qui maintenant est devenu intouchable. Mais le prochain Desplat, c'est Laurent.
Avec Alexandre, on a commencé sur les sketches de Nulle Part Ailleurs dont il a écrit la musique, et on a eu un rapport permanent.
Quels sont les traits de caractère de Laurent ?
K.Z : Il est têtu.
L.L : Oui, mais je t'écoute quand même, et de plus en plus...
K.Z : Je dis parfois des choses terribles. Quand il a fait les morceaux rock, je lui ai dit qu'il ne savait pas faire du rock. Quand je les ai entendus, j'ai reconnu qu'il était aussi capable de faire ça.
Il est réactif. Il a besoin d'être dans l'échange.
L.L : Et ça marche très bien avec toi, tu fais accélérer les choses, tu me pousses à trouver des choses inédites, j'ai besoin de cela. Ca aide d'être stimulé. C'est terrible de se sentir seul pour une musique de film.
Il y a beaucoup de musiques dans le film...
L.L : C'est vrai...
K.Z : C'est un film d'archives, et il faut la soutenir, l'archive. On a ce que l'on a. C'est la musique qui va donner de l'ampleur.
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