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cannes2017,cannes-musique,taxi-driver,crash,leçon-de-piano,paris-texas,chariots-de-feu,un-homme-et-une-femme,locataire, - Cannes : Quelle est la place des compositeurs pour la compétition ? Cannes : Quelle est la place des compositeurs pour la compétition ?

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Par Benoit Basirico

- Publié le 10-04-2017

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La musique est l'un des éléments indispensables à beaucoup de chef d'oeuvres du cinéma (que serait Vertigo sans la musique de Bernard Herrmann ?), elle s'est naturellement aussi faite remarquer au sein des films des 70 ans de compétitions cannoises.. avec quelques nuances sur la considération de leurs compositeurs.

En partenariat avec les sites Critique-Film et EcranNoir, qui proposent pour les 70 ans du festival, 70 textes pendant les 70 jours précédant la 70e édition.
Cinezik y contribue par ses décriptages concernant les musiques de films du festival.


 

C'est à Cannes que s'est fait entendre pour la première fois le "chabadabada" de "Un homme et une femme" (1966) de Claude Lelouch sur une musique de Francis Lai. On peut citer le thème lyrique de "Doctor Zhivago" (1966) de Maurice Jarre, la ballade de "Mon Oncle" de Jacques Tati, le thème décalé de Anton Karas joué à la guimbarde dans "Le Troisième homme" (1949) de Carol Reed, la clarinette de Philippe Sarde dans "Le Locataire" de Polanski (1975) et sa chanson pour Romy Schneider dans "Les Choses de la vie" (1970), les expérimentations électroniques de Alain Goraguer pour "La Planète sauvage" (1973), le synthétiseur de Giorgio Moroder sur "Midnight Express" (1978) ou celui de Vangelis sur "Les Chariots de feu" (1981), le saxophone de Bernard Herrmann pour la descente aux enfers de "Taxi Driver (1976), la guitare dobro de Ry Cooder pour les grands espaces de "Paris, Texas" (1984), celle plus fantomatique de Neil Young dans "Dead Man" (1995) ou celles plus dissonantes de Howard Shore dans "Crash" (1996) de Cronenberg, le hautbois et les choeurs de Ennio Morricone dans "Mission" (1986), le thème obsédant de Jerry Goldsmith dans "Basic Instinct" (1992) ou le piano plus romanesque de Michael Nyman dans "La Leçon de piano" (1993). Qu'elle soit minimaliste et pointilliste (la délicate partition de Carter Burwell pour "Barton Fink", 1991, celle plus vagabonde de "Caro Diaro" de Nicola Piovani) ou plus spectaculaire telle celle de Goran Bregovic dans "La Reine Margot", la musique a eu ses gloires à Cannes. Mais il faut avouer que depuis une quinzaine d'année, les musiques marquantes se font plus rares, les deux derniers cas majeurs pouvant être cités seraient les cuivres suaves de Alberto Iglesias sur "Tout sur ma mère" (1999) de Almodovar, ainsi que les atmosphères lugubres doublés d'instants jazzy de Angelo Badalamenti sur "Mulholland Drive" (2001) de Lynch. Il ne s'agit pas là que d'une question d'appréciation personnelle, mais de la trace laissée par ces B.O. On peut estimer ce qu'a fait Cliff Martinez pour les films de Refn en compétition ("Neon Demon"), mais l'impact historique est moindre au regard des exemples pré-cités. Il manque peut-être alors un relai lors du festival et des évènements associés.

Il y a différents types de musique de film. Il y a celle qui ne cherche pas à être la vedette, cette musique dont l'objectif est de servir le film, et non de se servir elle-même. C'est de celle-ci dont il était question, et parfois certaines sortent du lot par des choix forts (le choix d'un instrument soliste, la place accordée à un thème). Et il y a aussi la musique comme sujet du film ("Bird" en 1988, "Velvet Goldmine" en 1998, "Last Days" en 2005, "Ma Vie avec Liberace" et "Inside Llewyn Davis" en 2013) et de son genre même (la comédie musicale) qui a pu arpenter les 70 ans de festival. On peut relever par ordre chronologique "Ziegfeld Follies" (1948) et "Un américain à Paris" (1952) de Minnelli, "Funny Face" (1957) de Donen, tous les trois sont avec une musique de Gershwin, "Les Parapluies de Cherbourg" (1964) de Demy (et les chansons de Michel Legrand), "All That Jazz" de Bob Fosse, et dans les années 2000, "Dancer in the dark" (Lars Von Trier / Bjork), "Moulin Rouge" (Baz Luhrmann / Craig Armstrong), "Les Chansons d'amour" (Honoré / Beaupain).

Il était plus aisée pour la musique de ces films de se faire remarquer. La musique se fait surtout entendre quand elle se voit.

Il faut également distinguer la musique dite "originale" (celle qui implique le travail sur mesure d'un compositeur), à la musique dite "préexistante". Celle-ci, convoquant bien souvent des morceaux que l'on reconnaît, se fait plus facilement remarquer et évince même la reconnaissance du compositeur impliqué quand ces deux musiques co-existent. Kavinski pour "Drive" a éclipsé la partition de Cliff Martinez, et personne ne se souvient du compositeur au générique de "Polisse" de Maïwenn (Stephen Warbeck), mais tout le monde a en tête la chanson de Keedz sur laquelle danse Joey Starr. L'exemple le plus évocateur demeure "Pulp Fiction" de Tarantino (Palme d'or 1994). On peut aussi citer parmi les films de la compétition "Easy Rider" de Denis Hopper, "M.A.S.H." de Robert Altman (Palme d'Or 1970), "In the mood for love" de Wong Kar-Wai ou encore "Marie Antoinette" de Sofia Coppola. Exprimer ceci n'empêche pas pour autant de prendre un réel plaisir face à ces compilations, bien que certaines agacent plus que d'autres ("Mommy" de Xavier Dolan, Céline Dion, et l'esthétique du clip). Il est aussi très plaisant lorsqu'un film propose une scène qui se justifie par le seul désir de faire chanter son actrice (Kylie Minogue dans "Holy Motors" de Leos Carax, ou le karaoké chez Wong Kar Wai et Maren Ade dans "Toni Erdmann"), et de faire danser son héroïne (Adèle sur Likke Li dans "La Vie d'Adèle" de Abdellatif Kechiche).

La musique originale a donc parfois du mal à se faire entendre, à faire événement, d'autant que le festival ne propose pas au sein de son palmarès un prix dédié à la musique. Il faudrait plutôt dire qu'il n'en propose plus, car dès sa création, avec la SACEM, un prix existait, mais de manière aléatoire, pas chaque année. Un "Prix de la meilleure partition musicale" (appellation officielle) était ainsi remis en 1946 (à George Auric pour "La symphonie pastorale"), en 1949 (à Diaz Conde pour "Pueblerina"), en 1951 (à Joseph Kosma pour "Juliette ou la clef des songes"), en 1952 (à Sven Skold pour "Elle n'a dansé qu'un seul été"), puis un break de 25 ans pour un unique retour en 1977 où le prix est remis à A.C. Montenaro et Norman Whitfield pour "Car Wash". Et depuis... plus rien. Si un prix est remis de nouveau cette année, ce serait un bel anniversaire pour les 70 ans du festival, 40 ans après le prix précédent.

Ces prix remis en dehors de toute logique et cohérence dans leur fréquence, ne correspondent pas non plus aux présences de compositeurs dans le jury (désignant bien là les compositeurs pour le cinéma, pas des chanteurs ou divers artistes de scène). Cette présence est elle aussi aléatoire au gré des 70 compétitions. Là encore, d'abord régulière (de 1949 à 1994) avec des absences ne dépassant pas 6 ans (on peut même relever une belle série en 84/87/88/89/91 avec Morricone/Piovani/Sarde/Delerue/Vangelis), ce siège d'un compositeur au jury a presque disparu depuis 1994 (et la présence de Lalo Schifrin). Seul Alexandre Desplat a été juré en 2010, seul compositeur pendant 22 ans, ce qu'on peut donc appeler une exception. Cet honneur était sûrement motivé par la présence fidèle du musicien de Jacques Audiard au sein des films en compétition (9 citations). On peut déposer une requête : la présence cette année, pour les 70 ans, d'un compositeur français majeur, Bruno Coulais, qui a l'avantage d'avoir participé à la musique du documentaire fleuve de Bertrand Tavernier, pour lequel le délégué général du festival l'a fait intervenir dans son autre évènement à Lyon.

A ce propos, 15 compositeurs ont été présents plus de 7 fois en compétition. Le premier d'entre eux est le français Philippe Sarde (compositeur qui fut fidèle pendant longtemps à Bertrand Tavernier justement) avec 20 films sélectionnés (quasiment tous les ans de 75 à 89 dont 2 films une même année en 85 et 89, et il fut membre du jury en 88 comme nous l'avons noté). Sarde ajoutera sûrement une 21ème présence en 2017 si "Rodin" de Jacques Doillon fait partie des candidats à la Palme. Suivent l'italien Ennio Morricone (17 films), Georges Auric (12), le japonais Toru Takemitsu (11), Georges Delerue (11), Carlo Rustichelli (11), Armando Trovaioli (10), Howard Shore (10)... Il est à noter que le festival apprécie les "tandems", ces réalisateurs fidèles à leur compositeur, Mychael Danna est venu 8 fois (dont 6 fois avec Atom Egoyan), Alberto Iglesias est venu 8 fois (dont 6 avec Almodovar), etc...

La future conférence de presse du Festival de Cannes permettra de savoir si un compositeur revient dans le jury, si un prix pour la musique refait surface, découvrir la part de la musique originale dans la compétition... et il faudra attendre le dimanche de clôture pour non seulement apprécier la qualité des créations musicales qui nous auront été proposées, mais aussi pour relever si la Palme d'or aura été cette année appréciée par le jury également pour sa musique originale. Car il est à noter que depuis 15 ans, les Palmes contiennent majoritairement des musiques savantes préexistantes ("Le Pianiste", "Elephant", "The Tree of Life", "Amour", "Sommeil d'Hiver"), des musiques de source ("La Vie d'Adèle"), ou sont dénuées totalement de musique ("Fahrenheit 9/11", "L'Enfant",  "4 mois, 3 semaines, 2 jours", "Entre les murs", "Ruban Blanc", "Oncle Boomee", "Moi, Daniel Blake" - excepté son générique). Reste avec ironie la petite musique du festival ("Le Carnaval des animaux" - arrangée par Morricone dans "Les Moissons du ciel" de Malick) entendue avant chaque film pour nous rappeler que son compositeur Camille Saint-Saëns a signé la première musique originale d'un film en 1908 avec "L'Assassinat du duc de Guise". 

 

Par Benoit Basirico


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