Michael Giacchino retrouve la saga et Matt Reeves après "Dawn of the Planet of the Apes" (2014) et livre une partition magistrale, la meilleure B.O parmi les blockbusters de l'été. Le compositeur procède à un parfait dosage entre l'épique (avec l'orchestre et les choeurs) et l'intime (le piano solo), et fait la synthèse entre les expériences percussives tribales et les dissonances de Jerry Goldsmith, les hymnes et les balades champêtres de Ennio Morricone, ou encore la marche militaire façon Elmer Bernstein ("La Grande évasion"). Michael Giacchino confirme qu'il est le meilleur compositeur hollywoodien du moment.
On retrouve le compositeur Michael Giacchino, avec une partition plus ludique et légère que celle de LA PLANÈTE DES SINGES. Il fait son apparition dans la saga SPIDERMAN en affichant sa belle singularité après Danny Elfman, Christopher Young, James Horner et Junkie XL. A contre-courant des dernières tentatives, et renouant ainsi avec le film originel de Sam Raimi, sa partition orchestrale privilégie l'existence d'un thème évident qui revient avec de multiples variations. Un pur plaisir d'écoute décontractée émerge dans les aspects de comédie, lorsque les échappées humoristiques contreviennent aux instants héroïques.
Aux antipodes des orchestres hollywoodiens, le musicien de musique électronique français Arnaud Rebotini, fondateur du groupe Black Strobe, illustre le drame humain et militant de Robin Campillo (sur le combat d'Act'up contre le Sida à la fin des années 80) par une musique à la fois rythmée (dans la continuité de son style electro, avec des battements sourds pour représenter le coeur), et intime, par l'apport d'une flûte et d'un piano mélancolique. La musique est ici un vrai personnage, elle instaure une contrepoint dramatique aux actions citoyennes du film, et son emplacement par cycle est efficace. Cette utilisation de la flûte, cette singularité instrumentale gérant parfaitement un ADN electro rappellent ce que ROB a pu proposer chez Rebecca Zlotowski, c'est à dire le meilleur de la B.O française de ces dernières années.
Pour son premier film qui s'inscrit dans le cadre rural (un jeune paysan et ses vaches malades), Hubert Charuel aurait pu rester dans le naturalisme en refusant la musique, mais il a pu intégrer des notes en toute intelligence, sans dénaturer la véracité de ce qu'il a filmé. Et il a fait appel à un artiste issu de la scène electro, Quentin Lepoutre (plus connu sous le nom de Myd), avec une partition jouant sur le registre du thriller, présente à de rares moments, mais avec une belle intensité, avec des échappées cathartiques du meilleur effet. Véritable surprise !
Nous restons dans la musique électronique avec le groupe français Phoenix qui retrouve la cinéaste américaine Sofia Coppola après "Somewhere" (2010) et propose des textures qui instaurent une étrangeté et distillent un poison au sein de ce pensionnat paisible où l'arrivée d'un soldat déstabilise les habitantes. Peu présente, la musique est pourtant indispensable pour convoquer le malaise. Autre plaisir musical du film : la comptine "Lorena" fredonnée par l'actrice.
Autre film qui démontre que la force et la réussite d'une B.O n'est pas dans la quantité de notes. Pour cette ballade mortifère en Afrique d'un randonneur retrouvé mort (au début du film) dont le cinéaste va retracer le parcours pour en arriver là, le guitariste Arthur Bartlett, le contrebassiste Vincent Talpaert, et le percussionniste David Abrousse propose une partition vocale (sans paroles) étrange et plaintive, pour un voyage intérieur quasi-mystique. Cette voix (de Harry Périgone) installe une étrangeté et s'avère l'une des très bonnes idées du film.
Le guitariste Ernest Pipo a écrit de sobres morceaux rendant poignant par sa simplicité le deuil de cette jeune fille qui vient de perdre sa mère. Pour son premier film, l'espagnol Carla Simón Pipo a su demeurer sur le fil des émotions et manier avec délicatesse une musique délicate.
Pour son road movie musical de la Grêce à la Turquie, Tony Gatlif adapte des chansons grecques et turques des années 20 interprétées à l'image par l'actrice Daphné Patakia, qui irradie le film par son chant, sa danse et son sourire. La musique mi-festive mi-plaintive apporte son énergie au drame social qui se joue, elle est constitutive du récit, et joue de sa jonction avec le montage et le cadrage. Le cinéaste s'avère encore une fois inventif dans la manière d'associer la musique à ses images.
LES AS DE LA JUNGLE - Olivier Cussac
Sur ce film d'animation de David Alaux, Olivier Cussac a pu exploiter tout le potentiel de l'orchestre avec une partition mélodique pleine de clins d'œil au western et au film d'aventures. Ludique, mouvementée, presque enfantine, la musique scied bien à l'univers des animaux de la jungle. On regrette toutefois un mixage sous-exploitant la musique.
VALERIAN ET LA CITE DES MILLE PLANETES -Alexandre Desplat
Pour ce projet fou de Luc Besson, Alexandre Desplat a su rester mesuré, sans partition tonitruante (la mention du titre "Valérian" en ouverture est accompagnée par quelques notes relativement discrètes), s'essayant même à des expérimentations instrumentales, et à d'étranges présences synthétiques. Le français n'a pas voulu rivaliser avec la saga de Lucas. Malheureusement, cette relative humilité et candeur, qui procure un réel plaisir d'écoute instantanée, provoque l'absence d'une identité musicale forte jusqu'à un mixage sabotant une partie de la partition à l'image.
DUNKERQUE - Hans Zimmer
Avec ses habituels effets sonores évitant toute mélodie, une absence de nouvelles idées musicales, le tandem Hans Zimmer et Christopher Nolan semble arriver à sa limite, incapable de se renouveler. La musique constamment en redondance avec l'image, instaurant du suspens, encourageant l'action, ne parvient jamais à faire exister un récit parallèle et manque de contrastes puisqu'une même musique illustre des états émotionnels très différents.
Interview B.O : Audrey Ismaël (Le Royaume, de Julien Colonna)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)