Cinezik : Quel était le point de départ de ce premier film ?
Clara Laperrousaz : Le point de départ était lié à une matière autobiographique. On avait antérieurement réalisé un moyen métrage de fiction ("Retenir les ciels", 2013) qui était habité par ces thématiques, et dans lequel jouait une petite fille de quatre ans. C'est ce qui nous a permis d'établir des protocoles de travail, de commencer à faire des recherches en terme de mise en scène, pour ensuite écrire ce long-métrage dans lequel deux enfants auraient des rôles moteur.
Laura Laperrousaz : Il y a une circulation entre les quatre personnages principaux interprétés par Ana Girardot, Clément Roussier, et les deux petites filles qui n'ont que six ans. Il était important pour nous de faire dialoguer ce socle émotionnel avec des désirs de forme et de mise en scène, et ce qu'on considère être comme un film de paysage, avec cette immensité et grandeur.
C.L : Pour nous le challenge était de tenir tout du long cette lumière. C'est pour cela qu'on l'a appelé "Soleil Battant". On voulait qu'il y ait cette joie portée par ces deux petites filles et faire un film de paysages qui puisse correspondre à une forme de plongée dans l'été.
L.L : Il y a donc ce dialogue-là entre une matière intime et les grands espaces. Pour nous le travail du son, aussi à l'échelle du design sonore et du montage son, est un dialogue entre l'intime et les grands espaces.
C.L : C'est un forme de paysage mental. Il y a une correspondance entre les différentes psychés et ce que l'on peut voir à l'image. C'est ce qu'on a essayé de chercher par rapport à cette entrée dans le Technicolor également.
Comment avez-vous rencontré votre compositeur Giani Caserotto ?
C.L : Je l'ai rencontré à un concert pour lequel il se produisait, et on a commencé à se fréquenter, cela n'avait rien à voir avec la musique. Au fur et à mesure, on a parlé de ce film et on n'en est venu à avoir un désir de travailler ensemble.
Y a t-il eu dés le départ un désir de guitare ?
L.L : C'était un désir de Eliane Radigue (référence musicale pour ce film) et de guitare, comme un moyen d'entrer dans ce qu'on pourrait appeler un côté "rock ‘n' roll", amené par le personnage du père.
Giani, comment vous êtes-vous mis au service de ce film et de cet univers ?
Giani Caserotto : Je me suis tout à fait mis au service, c'est une histoire d'empathie. Avant d'en écrire la musique, ce film est une histoire de rencontre. Cette rencontre s'est placée sous l'échange, quelque chose de très personnel, la musique a pris place naturellement là-dedans. Dans la réalisation même de cette musique, ce n'était pas différent pour moi que de faire des albums ou des concerts, car c'est aussi quelque chose de très intime pour moi de faire de la musique. Ça reste ma musique. Il y avait une certaine évidence artistique dans le cheminement que l'on a fait ensemble avec Clara et Laura.
Et d'où est venue l'inspiration, des images ?
G.C : Tout à fait, mais avant tout ce sont les premières discussions, avant même que le film ne soit tourné.
C.L : Je t'ai envoyé des photos pendant la préparation et tout au long du tournage pour que cela nourrisse ton inspiration. On a des rapports assez passionnés avec nos partenaires de travail. C'est toujours une forme de dialogue qui commence entre nous et qui vient rencontrer l'univers de quelqu'un d'autre.
Est-ce que vous aviez la musique pour tourner le film également ?
C.L : Pas encore, on avait des références musicales pour les scènes où il y a de la musique IN. En tout cas il y a eu une vraie osmose avec le compositeur.
L.L : Il y a eu aussi une succession de maquettes que l'on a pu commenter. Il y avait le désir d'une guitare portugaise qui ancrerait le film de manière narratif et géographique, et le désir d'une guitare électrique,. Au-delà de ça, on a eu le désir de drones, qu'ils soient électroniques ou acoustiques.
Cette musique épouse deux aspects, mélodiques et de textures...
G.C : Les éléments naturels sont très importants dans le film. Il y a le soleil, l'eau, les paysages, les arbres. C'est vraiment une expérience sensible et la musique se devait de participer à cette expérience.
L.L : La nature a une place considérable dans le récit, en terme d'événements. Il y a des promenades... On voulait qu'il y ait un ancrage très précis dans cet espace, que le film puisse toucher quelque chose du sacré ou de la sorcellerie parfois, de la communion, une forme de ritualisation.
G.C : Une chose qui me tient particulièrement à cœur dans la musique de film, c'est de pouvoir allier la musique et le design sonore. La musique doit véhiculer des émotions mais peut aussi faire partie de l'univers sensoriel. J'ai travaillé avec des musiciens incroyables qui ont toute une palette de sons. Mêlés à ceux de la nature, le bruissement du vent dans les feuilles, cela donne une petite étrangeté qui participe à l'onirisme du film. On a eu aussi la chance de travailler au Studio Obsidienne où ont été réunis le mixeur de la musique avec le Sound Designer et la mixeuse générale du film.
Vous êtes aussi improvisateur, y a-t-il une place d'improvisation dans votre travail de musique de film ?
G.C : Parfaitement, je pense que c'est ça qui permet de donner une certaine immédiateté à cette musique et une certaine légèreté. Il ne fallait pas tomber dans le pathos, mais véhiculer une émotion quand même. L'improvisation permet d'avoir ce sens du moment présent, indispensable au film.
C.L : Tout cela au sein d'une structure bien établie entre nous avec une évolution de la musique qui démarre avec une guitare portugaise pour devenir plus électrique.
G.C : La guitare a en effet deux facettes dans ce film, il y a la guitare portugaise, associée aux grands espaces, la nature, l'acoustique est liée à l'intime, et il y a la guitare électrique qui exprime la colère.
Interview B.O : Audrey Ismaël (Le Royaume, de Julien Colonna)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)