Cinezik : Quels sont vos débuts dans la musique ?
Philippe Basque : J'ai commencé par une voie académique. Mon premier désir était d'écrire pour le cinéma. Je me suis formé à l'Ecole Normale de Musique de Paris. Cet univers académique a envahi mon espace créatif. C'est comme cela que je suis devenu pianiste et chef de chant à l'Opéra de Limoges.
Parallèlement, j'ai essayé toutefois de développer l'univers de la musique au cinéma pour véritablement devenir uniquement compositeur de musique de film, c'est ce qui m'intéresse le plus.
J'ai commencé par des orchestrations et des arrangements, essentiellement dans la région de Clermont-Ferrand qui est connue pour son Festival de Court-métrages, notamment pour des concerts de musiques de film. Je me suis donc installé dans une spécialisation d'orchestration pour le cinéma.
Là, je commence à écrire pour le concert, mais jusqu'à présent ce n'était que pour le cinéma.
Au delà des orchestrations de concerts, quel fut votre travail pour l'image avant LE PLAISIR DE CHANTER ?
J'ai travaillé pour des maisons de production dans l'institutionnel et surtout pour le court-métrage, qui est le parent pauvre dans la médiatisation, ils sont nombreux, centralisés par la Maison du film court, mais assez fermé du public, hormis le circuit des festivals. J'ai fait pas mal aussi de productions de télévision.
Sur le court-métrage, j'ai travaillé avec un fabuleux réalisateur qui est aussi plasticien, Jean-Christophe Villard, qui s'est spécialisé dans le film musical, il a d'ailleurs fait un clip musical sur le "Sacre du printemps" de Stravinski. J'ai aussi travaillé avec d'autres réalisateurs sur des documentaires, comme Yannick Carbonnaux avec un regard sur la société dans des films humanitaires.
Comment êtes-vous intervenu sur LE PLAISIR DE CHANTER ?
C'est grâce à un ami flûtiste, Denis Kirsch, qui m'a fait part de l'information qu'ils recherchaient un pianiste spécialisé dans le répertoire lyrique. De mon expérience à l'Opéra de Limoges, j'ai répondu à cette offre qui m'intéressait beaucoup. Puis j'ai rencontré Evelyne Kirschenbaum qui est la professeur de chant dans le film, c'est elle qui a sélectionné les différentes pièces du répertoire pour les cours de chant, car elle est vraiment prof de chant dans la vie. Elle est d'ailleurs la même dans le film et dans la vie. C'est son premier film.
Elle a donc fait une sélection assez informelle, et elle est tombée sur un répertoire qui n'était pas dans le domaine public, ce qui posait des problèmes de droit, de budget, et on a été obligé de retravailler ce répertoire, c'est là que je suis intervenu en tant que conseiller musical. En fin de compte, j'étais directeur musical puisque j'ai effectué tous les arrangements pour le tournage. Le travail s'est effectué en deux temps, tout d'abord j'étais pianiste à l'écran, puis j'ai fait les arrangements pour les besoins du tournage. C'était d'ailleurs assez sportif car il fallait que je fasse les arrangements la nuit pour le lendemain, et être frais et souriant le jour pour l'image. Heureusement qu'il y avait le maquillage (rires).
Puis à la fin du tournage, j'ai voulu m'investir davantage dans ce film car je sentais que quelque chose se construisait. J'ai senti que ce film était un bel hommage au monde lyrique et à la musique. J'ai fait quelques maquettes pendant le tournage, et j'ai fait quelques improvisations sur la chanson phare du film "I'll stand by You" des Pretenders interprétée par Jeanne Balibar, avec un texte français de Michel Jourdan, un grand de la chanson française. J'ai soumis ces improvisations jazz au réalisateur à la fin du tournage. Et un jour, il m'appelle car il pensait que la présence musicale était très forte lors du tournage, mais il s'est rendu compte qu'il lui manquait de la musique originale parce qu'on ne peut pas voir évoluer des scènes d'action sans musique. Donc je me suis attelé à cette composition en 15 jours.
Quel fut votre choix musical ?
J'ai eu l'idée que le film soit traité comme une sorte d'opéra comique, je trouvais que les personnages et l'intrigue évoluaient comme un livret d'opéra comique du 21e siècle. Donc j'ai proposé de traiter les parties musicales comme des récitatifs, des arias, des petits divertissements, on entend sur la scène de la poursuite une sorte de Tarentelle avec un ton décalé, on reste dans le classique, mais il y a un décalage. On aurait pu tomber dans l'univers du film d'action avec des accords qui ponctuent l'action, et en tant que pianiste il est difficile d'éviter ce cliché, car j'accompagnais l'image. J'ai essayé d'être opposé à ce langage. J'ai aussi répondu à la volonté du réalisateur de mélanger les genres, c'est sa grande qualité esthétique. Il veut fusionner les genres avec beaucoup de goûts, et nous passons musicalement d'un univers baroque à une séquence contemporaine, proche des musiques expérimentales de John Cage, tout cela dans une "improvisation écrite", improvisée au départ puis retravaillée, comme faisait Chopin à partir d'un thème.
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