goldschmidt,beyond-the-mountains-and-hills,white-god, - Interview B.O : Asher Goldschmidt, WHITE GOD (2014) & AU-DELÀ DES MONTAGNES ET DES COLLINES (2016) Interview B.O : Asher Goldschmidt, WHITE GOD (2014) & AU-DELÀ DES MONTAGNES ET DES COLLINES (2016)

goldschmidt,beyond-the-mountains-and-hills,white-god, - Interview B.O : Asher Goldschmidt, WHITE GOD (2014) & AU-DELÀ DES MONTAGNES ET DES COLLINES (2016)

Propos recueillis en 2017 par Benoit Basirico - Publié le 01-06-2017




Le compositeur israélien (né en Hongrie) Asher Goldschmidt signe sa première BO d'envergure en 2014 pour le réalisateur hongrois Kornel Mundruczo, WHITE GOD (2014). Puis en 2016, il rencontre Eran Kolirin sur AU-DELÀ DES MONTAGNES ET DES COLLINES. 

Cinezik : Quel a été votre parcours avant d'écrire pour le cinéma ?

Asher Goldschmidt : Je viens du monde classique. Enfant, j'ai appris à jouer du piano. Puis adolescent, la guitare m'a conduit à différents styles musicaux comme le rock et même le métal. Après avoir terminé mes études au Conservatoire de Budapest, je suis allé à Jérusalem pour poursuivre la composition classique. Plus tard, j'ai également pris part à un cours sur l'écriture musicale pour le cinéma aux Etats-Unis.

Quelle a été votre première rencontre décisive pour parvenir à faire de la musique de film ?

A.G : Et bien comme tout enfant dans un pays communiste, je n'ai pas eu la chance de regarder beaucoup de films de l'ouest, sauf pour les quelques films que mon père psychiatre a eu l'occasion d'obtenir en achetant des copies VHS. Ces films ont fait une grande impression sur moi. "Star Wars", "Superman" et "ET" m'ont impressionné par leurs effets visuels et la musique symphonique qu'ils employaient. Quand j'avais douze ans, je commençais mes premières compositions pour des publicités que nous faisions avec mon frère avec une caméra qu'il avait pour enregistrer une thérapie familiale. Plus tard en Israël, un ancien camarade de classe qui avait écouté la musique que j'avais composé pour un court-métrage d'animation m'a recommandé auprès de cinéastes. C'est alors que j'ai eu la chance de travailler sur le court-métrage "Guided Tour" (2009) dirigée par Benjamin Freidenberg qui s'est basé sur la musique que j'avais composée avant l'écriture du script. Ce film m'a beaucoup aidé à aller de l'avant avec la musique film.

Quelles sont vos influences musicales, en musique de film ou en dehors ?

A.G : Bien sûr, les musiques cinématographiques m'influencent mais j'écoute surtout beaucoup de musique classique et tout ce qui s'attache à la pop, au rock alternatif, indie ou même métal.

D'où vient votre inspiration ? de la discussion avec le réalisateur, du scénario, des personnages, ou des images, du rythme du montage ?

A.G : Lire le script ne me touche pas en termes d'approche. Ce qui m'inspire vraiment ce sont les différents aspects d'un film, l'humeur générale, le rythme, l'interaction entre le dialogue et l'intrigue. La musique a la capacité de jouer plusieurs rôles. Elle peut soit souligner une idée, créer des tensions invisibles, ou contourner des éléments en introduisant un état d'esprit intuitif. En général, les images sont la véritable influence. Mais les choix envisagés sont ensuite modifiés par ce que le réalisateur cherche. Kornél Mundruczó est un bon exemple d'un directeur qui sait exactement ce qu'il veut à l'avance. Il sait quel genre d'atmosphère il veut créer et il a toutes sortes de matériaux qui lui sont utiles - que ce soit des photos, des peintures, certaines pièces musicales ou quelques mots. En bref, une vision claire comme ça peut être très inspirant pour un compositeur.

Pour WHITE GOD (2014) de Kornél Mundruczó, à quel moment êtes-vous intervenu ? Quelles étaient les intentions du metteur en scène? Quel rôle devait jouer la musique ?

A.G : Curieusement, Kornel voulait penser à la musique au moment d'écrire le scénario. Il m'a envoyé toutes sortes de choses pour l'inspiration et j'ai eu déjà quelques idées lorsqu'il a commencé le tournage du film. Ses intentions étaient d'avoir un gros son d'orchestre symphonique, très romantique par nature. Nous savions dès le début qu'il y aurait quelques scènes d'action qui devaient être accompagnées très précisément, et qu'il y avait d'autres scènes qui comptaient sur la musique pour élever l'humeur générale. Au cours des 20 dernières minutes, la musique relie ensemble différents événements disparates tout en accumulant assez d'émotion pour justifier le moment où Lili sort sa trompette et commence à jouer.

Et qu'en est-il pour AU-DELÀ DES MONTAGNES ET DES COLLINES de Eran Kolirin (Un Certain Regard 2016, Sortie française encore indéterminée) ?

A.G : Dans le cas de Eran, il m'a appelé à la dernière minute. Le film avait déjà été soumis au Festival de Cannes, et au moment où sa sélection à Un Certain Regard a été confirmée nous avions seulement trois semaines pour terminer le projet, l'ensemble de la partition et les enregistrements. Eran m'a retrouvé à Budapest, on s'est enfermé dans une pièce pour terminer deux mois de travail en quatre jours. Les désirs de Eran étaient très spécifiques. Il voulait que la musique joue deux rôles. Principalement, il voulait qu'elle amène le public dans un univers allégorique, comme s'il entrait dans un conte, avec son histoire issue du passé mais qui continue d'exister dans le monde contemporain. De plus, Eran avait déjà conçu de nombreuses scènes avec des musiques très spécifiques en arrière plan (radio, etc.). Mon travail était d'apporter un univers cohérent à travers les différentes thèmes.

Quel lien le réalisateur Eran Kolirin a t-il avec la musique ? Il connaît le langage musical ? Est-il directif ou laisse t-il une totale liberté ? Avait-il des références ?

A.G : Eran a été bercé dans la musique, il en joue même lui-même. Cette familiarité le rend très ouvert aux nombreuses possibilités. C'est très inspirant de réfléchir avec lui aux intentions. Il n'est absolument pas opposé à être surpris par quelque chose de nouveau. Son désir était très en phase avec Bach (préludes) dont il est un grand admirateur. Cela ne veut pas dire qu'il voulait une sensibilité archaïque et rétro. Bien au contraire. Le thème un peu world est proche de Bach tandis que les harmonies récurrentes ont beaucoup à voir avec les chants hébreux.

Vous considérez-vous comme un mélodiste ?

A.G : Je suis un compositeur de musique, ce qui désigne pour moi tout le spectre, de la belle mélodie au ronronnement d'une machine à laver. Mon travail est simple : trouver la musique qui fonctionne le mieux sur une scène donnée. En ce sens, le mot de sound-design n'est pas un concept, je ne peux pas le séparer de la composition musicale. Les deux font partie intégrante de l'autre, et ensemble ils font partie intégrante des éléments visuels.

Que pensez-vous de l'évolution actuelle de la musique de film ? Quels sont les compositeurs qui vous intéressent ?

A.G : Il est évident que beaucoup de musiques de films se passent aujourd'hui de mélodies, et privilégient l'approche texturale, mais à mon avis les plus fascinantes musiques sont celles où la juxtaposition du style musical et du visuel ne sont pas du même monde, mais leur fusion crée une troisième atmosphère qui serait à elle seule impossible à atteindre. Cette utilisation délibérée de prendre une musique dans un genre donné et de la mettre en collision avec un monde visuel d'un autre genre peut créer des choses hybrides très excitantes. La musique de film n'est pas un ingrédient isolé, souvent de brillantes pièces fonctionnent mal sur certaines scènes. Il est impossible de juger une musique de film sans comprendre son contexte cinématographique. Sa valeur dépend en grande partie du réalisateur. C'est un travail collectif.

Vous êtes un compositeur d'Israël, mais votre musique est universelle, avec peu d'éléments locaux et traditionnels... vous avez même un style anglo-saxon...

A.G
: Pour clarifier, je suis originaire de Budapest, en Hongrie, où j'ai eu ma première éducation musicale. Mais vous avez raison de le mentionner, je suis un compositeur israélien depuis mes
études universitaires dans ce pays. Pour l'aspect universel de ma musique, je suppose que toute musique devrait l'être. De plus, j'ai une aversion pour l'exotisme en lui-même.

Propos recueillis en 2017 par Benoit Basirico

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