Cinezik : Comment avez-vous rencontré Luc Besson ? Vous étiez amis avant de travailler ensemble ?
Eric Serra : A 18 ans, je jouais de la guitare pour un album dont le chanteur était Pierre Jolivet, alors ami de Luc. Ce dernier est donc venu le voir en concert, et c'est comme cela qu'on s'est rencontré. Il m'a vu improviser et cela l'a impressionné n'étant pas musicien. Le fait que j'improvise voulait dire pour lui que j'étais compositeur. Ce qui est ridicule car ça n'a pas de rapport. Puis lorsque Luc s'est mis à réaliser son premier court métrage L'AVANT-DERNIER, il m'a proposé d'en faire la musique. Ainsi, son premier film était ma première musique. Il m'a ensuite demandé pour son premier long LE DERNIER COMBAT.
Il est difficile de dire si je suis l'ami de Luc, car c'est quelqu'un qui travaille tellement que même à l'heure actuelle, il est difficile de dire s'il a des amis car c'est forcément professionnel, il travaille tout le temps. Je suis peut-être un ami proche car je suis témoin de son mariage, mais cela reste une relation professionnelle.
Il a une volonté incroyable. Quand il veut quelque chose, il y arrive, avec un grand pouvoir de persuasion, une sûreté, sans que ce soit prétentieux de sa part. Même à 18 ans quand on s'est connu, il avait une certaine assurance.
Laissait-il une totale liberté à ses collaborateurs ?
Il savait déjà le rôle que devait jouer la musique dans chaque scène. A part cela, il me laissait libre du moment où je lui amenais l'émotion qu'il voulait ressentir. Mon problème est de trouver les moyens d'y parvenir, et choisir avec quels instruments.
Dès vos débuts, l'influence du rock est présente, avec une basse prédominante sur LE DERNIER COMBAT...
Je n'avais jamais composé, j'étais instrumentiste, et surtout bassiste, donc il est évident que cela se ressent dans les premiers films de Besson. C'était tout de même de la composition, mais j'utilisais les instruments que je connaissais, je ne connaissais rien au classique. Ma culture musicale était le jazz rock, par exemple Weather Report, dont on peut sentir l'influence dans ma musique. Je n'ai pas pu écrire de la musique symphonique au début.
Et quelle est votre culture cinéma ?
Je ne suis pas cinéphile, je vais rarement au cinéma. Quand j'étais enfant, je me souviens des Sergio Leone (avec Ennio Morricone), puis plus tard de LA GUERRE DES ETOILES, ou d'ALIEN... Je les voyais surtout à télé, comme les vieux films français avec De Funès que j'adorais, ou alors les dessins animés tel que LE LIVRE DE LA JUNGLE qui reste mon préféré. C'est une culture standard, pas du tout pointue.
Sur SUBWAY, vous avez composé la musique en amont ?
Quatre morceaux ont été enregistrés avant le tournage puisqu'on les voit jouer dans le film : le saxo, la basse, la chanson, ainsi qu'un solo de batterie interprété dans le film par Jean Reno mais joué par un vrai batteur, François Laizeau. J'y joue aussi le rôle du bassiste. D'ailleurs, à propos de ma présence dans le film, je ne suis pas du tout opportuniste (mais je devrais l'être un peu plus d'ailleurs), car je me souviens qu'à la fin de SUBWAY, l'agent de Christophe Lambert et d'Isabelle Adjani s'était proposé d'être mon agent en tant qu'acteur suite à des demandes qui lui avaient été faites. Mais je me sentais trop timide pour faire ça. Je l'ai fait sur ce film car c'était Luc, un peu comme à la maison. Mais c'est un métier à part entière. Maintenant, je le regrette un peu car cela m'aurait amusé. C'est bien d'avoir plusieurs cordes à son arc. J'ai toujours été l'inverse d'opportuniste, ça doit s'appeler "bête". (rires)
Concernant votre travail de composition, dès le début vous affirmez un sens de la synchro avec l'image qui se révèlera être votre particularité…
Cela a toujours été ma spécialité. Je n'y ai pas vraiment réfléchi, mais j'y attache une importance, cela participe à rendre les images fluides. C'est comme une chorégraphie à l'envers, j'écris la musique d'une chorégraphie déjà faite. J'essaie que chaque scène paraisse danser, même si c'est moi qui m'adapte. Les gens me parlent d'une osmose entre la musique et l'image, essentiellement grâce à cette synchro.
Votre première chanson fut celle de SUBWAY ?
J'ai composé cette chanson avec Louis Bertignac et Corine Marienneau. Elle fut interprétée par Arthur Simms, et je l'ai repris moi-même à Auxerre lors de mon concert. Par contre, ma première chanson pour laquelle j'ai prêté ma voix fut « Lady Blue ».
Pour LE GRAND BLEU, avant d'être le succès que l'on sait, quelles ont été les premières indications de Luc Besson ?
Je n'ai jamais rien écrit de conceptuel, c'est toujours intuitif. Je suis plus sensoriel qu'intellectuel. Au départ, Luc voulait une musique symphonique pour LE GRAND BLEU, ce fut sa première idée car c'est ce qui se faisais, comme STAR WARS avec de grands scores orchestraux. Alors, lors des trois ans qui ont précédé ce film, je me suis plongé dans la musique symphonique, j'en écoutais beaucoup, assidûment, au casque, je voulais comprendre comment cela fonctionnait. Je me suis spécialisé dans quelques oeuvres, comme « Daphnis et Chloé » de Ravel ou « Petruchka » de Stravinsky, mais aussi Debussy et Bartok, c'était ceux que j'appréciais le plus. Dès que j'entendais une couleur incroyable, je regardais dans les partitions comment c'était fait, mais je n'arrivais pas à les lire car je n'ai aucune culture musicale, je n'ai pas appris le solfège, mais j'essayais de déchiffrer tant bien que mal. Pendant trois ans j'ai fait cela, puis à un moment en parlant avec Luc, on a changé d'avis pour faire quelque chose correspondant davantage à notre culture. Donc je n'ai pas écrit au final la musique symphonique, mais ce que j'ai écouté a enrichi considérablement ma culture.
Que reste t-il finalement de symphonique dans LE GRAND BLEU, même si la musique prend un autre chemin ?
Avant j'écrivais la musique comme un groupe de rock, avec basse / batterie / guitare / clavier et éventuellement un cuivre. Mais ensuite j'ai compris une autre façon d'écrire chaque ligne mélodique. Par exemple pour les percussions, on ne parle plus d'une batterie, mais d'une caisse claire, d'une timbale. Ce n'est plus un gars qui joue de la batterie. On ne se limite plus à la technique d'un batteur, mais la musique est conçue autrement. Cela s'entend dans LE GRAND BLEU. Les sons de batterie sont écrits comme en musique symphonique, et non pas comme un batteur qui joue. Cela ne s'était jamais fait auparavant.
L'autre changement pour moi sur ce film, c'est l'apparition des ordinateurs et des logiciels de musiques. J'ai toujours était branché sur l'électronique, j'étais matheux à l'école. Dès l'apparition des ordinateurs, avant même de composer, je me suis procuré mes premières machines où il fallait tout programmer en basic. J'avais programmé un jeu de « Pac Man ». C'était pour moi un jouet. Puis lorsque les logiciels de MAO sont apparus, j'ai pu concilier mes deux jeux favoris, la musique et l'ordinateur. Cela a changé aussi ma façon d'écrire.
La troisième chose, c'est la plongée. Sur la préparation du film, on est parti avec Luc, Jean Reno et un skipper, faire de la plongée bouteille pour des repérages, puis de l'apnée, cela me passionnais, et j'en fais toujours depuis. Puis, ce que j'ai ressenti sous l'eau en apnée a influencé mon oreille. Pour durer sous l'eau, il faut une certaine méditation. Je faisais deux minutes trente d'apnée grâce au yoga. Cela procure une sensation agréable de bien-être et de plénitude.
Voici trois éléments majeurs de cette musique.
Pourquoi votre musique ne fut pas retenue pour la version américaine du GRAND BLEU ?
La raison est que les américains ont mis beaucoup d'argent sur la promo de ce film, ils y croyaient beaucoup, mais au dernier moment ils ont eu peur, car il y avait essentiellement des français (Rosanna Arquette n'était pas très connue). Ils voulaient sortir le film comme un blockbuster, alors ils leur fallaient des noms américains. Et quand le film est fini, la seule chose que l'on peut changer à la dernière minute, c'est la musique. Vu le succès à travers le monde de la musique, ce fut presque un gag. Le plus drôle, c'est que la musique de Bill Conti qui me remplaça était proche de la mienne, dans le même esprit. Il n'avait eu que trois semaines pour la faire, ce n'était pas son univers habituel, puis le montage du film et la fin ont été changées. Au final, ce fut un désastre aussi bien artistique que financier. Mais j'ai quand même vendu des disques aux Etats-Unis sans que les gens aient vu le film avec cette musique.
Vous avez prolongé par la suite l'univers aquatique avec ATLANTIS…
Le film était différent et ce fut pour ce cas ma première véritable musique symphonique. Il n'y avait pas de dialogues ni de bruitages. Je devais donc faire toute la bande son. Luc me disait que c'était à moi d'écrire l'histoire.
Pour changer du bleu, vous avez composé pour un film noir, NIKITA...
Même si l'univers du film est différent, je trouve que la musique est dans la lignée de celle du GRAND BLEU, c'est essentiellement du synthétique. Je me suis tellement amusé avec les ordinateurs, que j'ai programmé des parties de basses alors que je suis bassiste. Je programmais même le bruit des doigts. Cet hyper-réalisme me faisait rire, comme un peintre alors que la photographie existe. C'est une passion. Car cela me prenait plus de temps que si je faisais la même chose avec ma basse. Je venais en plus (grâce au succès du GRAND BLEU) de m'offrir mon premier studio. NIKITA était donc pour moi le summum de la programmation synthétique.
Vous deviez avoir énormément de propositions en dehors de votre travail avec Besson ?
Rien ne m'excitait dans ce qu'on me proposait. Je sentais que l'on m'appelait pour ma notoriété et non par goût musical. Mes choix ont toujours été guidés par ma sensibilité avec le réalisateur, qui donne un grand rôle à la musique. Si je sens que le réalisateur se désintéresse de la musique, je refuse, quelque soit le film. A ce moment-là ils me voulaient pour mon nom, je venais d'avoir un César, une Victoire de la musique et trois millions d'albums vendus.
LÉON est encore un pas de plus, avec cette partition subtile de cordes, de cuivres et de percussions…
Le premier réflexe, quand on parlait de New York, était forcément que cette ville était liée au rap. Or je voulais faire autre chose, même si j'aime le rap, ce n'est pas ma culture. De toute façon, je ne trouvais pas cela assez original. Donc j'ai réfléchi à ce que m'inspirais New York : et ce qui m'a frappé en y allant, c'est son aspect cosmopolite. J'ai donc voulu mélanger des styles et les influences ethniques et musicales reconnaissables comme des musiques arabisantes, symphoniques, des percussions africaines, et du synthé. Avec le recul, si je dois choisir ma musique préférée, même si c'est difficile, je dirais LÉON car il y a une force émotionnelle qui me fascine moi-même.
Puis, sur LE CINQUIEME ÉLÉMENT, vous avez composé la musique du 23ème siècle ?
C'est Luc qui m'a demandé cela... La seule réponse que j'avais à cette demande, c'est le métissage, car je pense que la musique ne cessera d'évoluer dans ce sens. Je n'avais aucune limite, on entend donc autant du reggae que de l'opéra, de la techno que de la musique ethnique...
Est-ce que Luc Besson utilise des « temp tracks » (des musiques temporaires) pour exprimer ses choix musicaux ?
Il fait toujours cela, ça permet de donner des indications précises. D'ailleurs, Luc est très fort pour cela, le jour où il est à la rue, sans travail, il pourra toujours faire illustrateur sonore ! (rires)
Malgré cela, musicalement je fais ce que je veux. Par exemple, le premier morceau témoin sur LE GRAND BLEU était du Sting, et cela m'a donné le brief du rôle de la musique. Il m'a mis aussi le requiem de Mozart. Il met surtout des chansons tandis qu'il me demande de faire de la musique instrumentale, ce qui est difficile pour retranscrire l'émotion portée par une voix. Cependant, je n'ai pas le souvenir des autres « temp tracks », je m'en éloigne tellement que je les évacue de ma tête assez vite.
Pour JEANNE D'ARC, il y a bien sûr le « Carmina Burana » de Carl Orff pris en modèle…
Alors là, il y avait évidemment Carl Orff en morceau témoin, et je suis déçu, car je m'en suis inspiré comme une forme d'hommage, et j'ai eu un procès de la part de l'éditeur, alors que je l'ai fait d'une manière tellement évidente... Je l'ai perdu. Cette histoire m'a blessé. C'est comme si je faisais un compliment à quelqu'un et qu'on me retournait une baffe. Au final, j'ai dû céder mes droits, et c'est l'éditeur de Orff qui les touche, sans compter l'amende que Gaumont a dû payer.
Quel fut le rôle de Geoffrey Alexander, qui est votre orchestrateur à partir de ce film historique ?
A l'inverse de moi, il a une formation musicale très poussée et peut donc lire un score comme je lis le journal. Son rôle dépend du compositeur. Me concernant, je fais déjà le travail d'orchestrateur, je livre des maquettes qui sonnent quasiment comme le résultat final, j'écris tout l'orchestre "verticalement", en orchestrant en même temps, au synthé et au sampler, donc sans le réalisme de l'orchestre. Si je veux qu'une flûte s'entende, je monte le volume, tandis que dans la réalité d'un orchestre, il faut jouer sur le nombre de flûtiste. C'est le rôle de Geoffrey, qui a une telle connaissance de l'orchestre qu'il va vérifier ce que j'ai écrit. Son travail est très technique et permet d'obtenir avec l'orchestre la même chose que mes maquettes, car si j'avais enregistré seul ce que j'ai écrit, la flûte ne s'entendrait pas.
Après JEANNE D'ARC, on note une pause assez longue dans votre collaboration avec Luc Besson, ce dernier s'occupant de la production avec Europa Corp. Est-ce qu'il vous est justement arrivé d'intervenir sur ses productions, en tant que consultant, par exemple ?
Non, même si « Recall Music for Films », le label de musique de film que j'ai crée, a édité quelques disques des films produits par Besson, cela résulte d'un deal portant sur plusieurs BO dont BANDIDAS et LE TRANSPORTEUR 2. Cela ressemblait un peu à un partenariat, non pas à un contrat général, qui ne comprenait que six BO. Recall et Europa n'ont ainsi rien à voir, ils n'ont aucun actionnaire en commun. Et moi-même, je n'ai rien fait sur les productions de Besson, à part BANDIDAS que j'ai composé, et WASABI (même si je n'ai écrit que 4 ou 5 thèmes sur ce film), en résulte une compilation au final.
Venons-en à votre actualité : ARTHUR ET LES MINIMOYS est sorti en salle avec votre musique. Est-ce le dernier film de Besson comme il semblait le signaler ?
Il fera les deux suites suivantes, et même si l'envie lui prend de réaliser un film après ARTHUR, il n'y a que les imbéciles qui ne changent pas d'avis...
La démarche sur ce film semble bien différente des autres collaborations avec le réalisateur…
Ce fut une démarche unique pour moi. Au départ, j'ai fait selon mes habitudes, je regarde les images, puis je me mets au clavier, puis je regarde d'autres images qui m'inspirent une orchestration, et ainsi de suite... J'avais écrit les dix premières minutes ainsi. Je fais écouter mon travail à Luc qui m'avoue sur-le-champ ne pas apprécier mes thèmes. Depuis le temps qu'on se connaît, il est rare qu'il rejette à ce point mon travail. Je fut donc surpris, en plus j'aimais beaucoup ce que j'avais fait. On discute ensemble, je lui demande s'il est sûr de lui, je précise qu'il fallait imaginer la musique avec un orchestre (je lui ai fait écouté des « samples »). Mais il confirme son choix. Je le trouvais bizarre, on se connaît quand même depuis presque trente ans. En même temps, c'est son film, je me mets à son service. Il me dit ensuite qu'il part pendant un mois, c'était en février dernier, et qu'il veut que j'écrive différemment, sans images.
Cela m'a perturbé : il me demande de changer ma méthode, en plus la musique devait être prête rapidement. Il me demande donc pendant un mois de lui trouver des thèmes sans regarder le film. Je lui expose les problèmes de délai et de méthode, mais Luc a une capacité d'analyse étonnante, je lui ai fait confiance, je voyais où il voulait en venir, il voulait me déstabiliser complètement. Ma méthode de synchro était peut-être au détriment de l'essence même d'un film. J'ai donc accepté de jouer le jeu, pendant un mois, je n'ai plus regardé le film, et j'ai écrit des thèmes en vrac. Pour avoir vu le film une fois auparavant, je savais qu'il fallait des thèmes romantiques, d'action... Je me suis retrouvé dans des états de dépression extrêmes. J'avais vraiment envie de faire ce film, et si je n'étais pas à la hauteur, Luc ne se serait pas privé de faire appel à quelqu'un d'autre, il ne fait rien par copinage. Je fais d'ailleurs pareil dans la musique, si j'ai des copains musiciens pas très bons, je ne les fait pas travailler.
J'ai écrit des thèmes très orchestrés et une mélodie au piano. Il y avait de tout. Au bout d'un mois, j'ai donc livré à Luc ma palette de thèmes. J'étais paniqué car je n'avais aucune idée de ce que je venais de faire. Au premier thème, il me dit "très bien, ça pourra aller à tel endroit, thème suivant", je commence à me détendre car il aimait bien mes thèmes, et j'en avais fait tellement qu'arrivé à la moitié Luc pensait qu'on en avait fini. Il conclut en me disant que j'avais composé 90% du score.
Ensuite, une fois qu"on était d'accord sur les thèmes j'ai repris ma méthode habituelle, sauf que là, j'avais déjà tous les sons. Je suis ravi de cette méthode. C'est plus logique, car il faut d'abord que les thèmes fonctionnent sans les images pour ensuite s'intégrer au film. En plus, pour les dix premières minutes, j'ai repris la musique composée au départ qu'il avait écartée.
Pour terminer, parlez-nous de votre collaboration avec John McTiernan sur ROLLERBALL en 2001, le film et la musique ont connu beaucoup de problèmes...
Ça s'est plutôt bien passé, au départ. Sauf que nous avons été malchanceux par la suite. On avait fini le film, qui devait se passer en Asie centrale, c'est à dire en Afghanistan, Turkménistan, etc. Le film était vraiment basé là-dessus. McTiernan avait d'ailleurs été dithyrambique, il était fan de ce que je faisais, notamment de la musique de LÉON. Il m'avait donc dit : "si tu me fais un truc dans le genre de LÉON, je suis ravi". J'avais trouvé autre chose, parce que je ne voulais pas refaire LÉON, mais ce qui lui plaisait, c'était ce côté très arabisant. Et il se trouve que j'allais mixer à Los Angeles (la musique était finie), le 10 septembre 2001. Le 9, ils m'ont appelé pour me dire qu'ils retardaient le mixage de deux jours parce qu'ils étaient en retard. Le 11, vous savez ce qu'il s'est passé. Du coup, je n'ai pas pu partir tout de suite, je ne suis arrivé aux Etats-Unis que vers le 15 ou le 16, lorsque les lignes aériennes américaines se sont débloquées. Et arrivé là-bas, puisque c'était le gros film d'une major, il y a eu une réunion de travail, et la première chose que le patron de la MGM a dit, c'est qu'il ne fallait absolument plus rien de vaguement islamiste, de près ou de loin, dans ce film. Et vu que tout était basé là-dessus, et que c'était même ce qu'on m'avait demandé, il a fallu tout refaire, au dernier moment, à la dernière minute. Même McTiernan a été très emmerdé, parce qu'il y avait plein de jingles à la télé, où on voyait des speakerines islamistes. C'est comme si on disait : "Il ne faut plus d'eau dans Atlantis". C'était impossible... Le film a été détruit, comme ça. Du coup, ils l'ont sorti parce qu'il était fait, mais il a été complètement sabordé. C'était un désastre.
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