Tout a commencé par une formation classique puis la rencontre avec Gabriel Yared…
J'ai fait 18 ans au conservatoire en violoncelle et électro-acoustique, puis je suis monté à Paris pour poursuivre mes études et j'ai commencé à composer pour l'habillage sonore à la télévision. J'ai donc commencé par composer pour France 3 les génériques de « Soir 3 », du « 12-13 », du « 19-20 », puis « La Marche du Siècle » où chaque semaine pendant deux ans j'ai écrit un thème différent pour le sujet de l'émission ; j'en ai fait soixante-dix en tout. C'est un très bon exercice, et j'ai ensuite pu travailler pour d'autres chaînes comme les habillages d'antenne de « Ciné-cinéma », « Paris-Première » et « TF1 Jeunesse ». Ce qu'il y a de pertinent dans ce travail, c'est que l'on nous demande à chaque fois de trouver une identité qui n'existe pas, donc à partir de là, il faut toujours trouver un concept. Ceci est très intéressant en rapport des films et à l'originalité. A cette époque, il y a Gabriel Yared, Alexandre Desplat, Bruno Coulais et Jean-Claude Petit qui ont crée une association qui s'appelait « Academy Pléiade » a l'initiative de Jean-Pierre Arquié, dans laquelle de jeunes compositeurs présentaient leur travail. Ils en ont auditionné douze sur une centaine de candidats, et j'ai été sélectionné sur mon travail de « La Marche du Siècle ». Il s'est lié une amitié très forte avec Gabriel Yared qui est devenu mon maître de musique. Il m'a pris sous son aile et m'a jeté dans la profession. Ce fut tout d'abord un travail technique. Je m'occupais de faire des clics, les séquences, le matériel pour l'orchestre, puis ensuite de faire des sons, des ambiances, trouver des climats, faire un travail de recherche avec lui. C'est génial de rencontrer quelqu'un avec autant d'humanité et surtout qui sait montrer que c'est possible, qui fait don de son savoir et de son énergie. C'est un accélérateur de particule. J'ai travaillé grâce à lui à « Abbey Road » sur Sylvia avec Gwyneth Paltrow, sur Lisa avec Marion Cotillard, Jeanne Moreau et Benoit Magimel. J'ai été dans sa traînée et je me suis enrichi auprès de lui, ce qui a été décisif de mon envie de passer à la composition de musique de film.
En tant qu'assistant, lui avez-vous soufflé des idées de musique de film ?
Non, jamais, il n'y a jamais eu ce genre de rapport, ce fut toujours un travail de fourmi pour séquencer les choses, un travail technique qui n'appartient pas du tout au domaine de l'écriture. Et j'ai apporté des climats, des matériaux sur lesquels il allait retravailler, ce fut une collaboration pour amener sa musique un peu plus loin, il n'a besoin de personne et écrit comme personne.
Pendant cet assistanat, vous continuiez le travail pour la télévision ?
Je continuais mon travail d'habillage. Je n'avais que 25 ans, sans contacts dans le cinéma, et quoiqu'il arrive, pour commencer une carrière, il faut une certaine maturité, une maturité de l'humain pour se confronter aux réalisateurs, savoir insister sur son point de vue, défendre ses idées et aussi résister aux pressions des maisons de production.
Pendant cette période avec Gabriel Yared, j'ai continué mon travail de compositeur, sur des téléfilms, des séries pour TF1, des jingles pour « Paris Première », des génériques pour M6 comme « Secrets d'actualité », « Chemins de l'impossible », etc…
Vous mélangez toujours l'électronique avec l'orchestre…
Je pense que l'on peut composer avec tout, c'est mon héritage de la musique électro-acoustique, celle de Pierre Schaeffer, Pierre Henry, Luc Ferrari, les précurseurs. Cette musique ne nous impressionne plus aujourd'hui, mais à l'époque, le travail sur le son demeurait extraordinaire. De cet héritage, au-delà de l'harmonie et du contrepoint, on gère de l'énergie, entre tension et relâche. En harmonie cela se traduit par une suite d'accord, des degrés, mais dans le son c'est un travail immédiat sur de la matière, comment écrire un phrasée avec cette contrainte. On peut mélanger tout à partir du moment où on le fait avec goût.
Quelle est votre recherche musicale ?
Je cherche une forme fondamentale, une originalité, une écriture, une manière particulière de faire du Cinéma. Et puis aussi porter à l'écran une pensée, un questionnement, un choix quelque part entre l'héritage du judaïsme et notre devoir artistique. On pourrait en parler des heures…
Quelles influences chez d'autres compositeurs ?
J'aime beaucoup Elliot Goldenthal qui a beaucoup de talent, avec un vrai raffinement en terme d'écriture, Angelo Balamenti aussi. Ce sont des gens sans principes, qui s'ouvrent à tout. Ce sont ces créations qui sont intéressantes dans la musique de film.
Quel regard portez-vous sur les compositeurs de votre génération ?
On se connaît peu, mais je crois que chacun essaie d'apporter sa petite pierre à l'édifice de la musique pour l'image. Mes contemporains Alexandre Desplat avec son style si particulier et personnel, Philippe Rombi (un grand romantique !), Armand Amar un beau mélangeur et concepteur de timbres et d'espace, comme Cyril Morin d'ailleurs. Bruno Coulais, sa rigueur, sa folie et son invention, Gabriel Yared et sont goût pour les belles mélodies et harmonies, son invention et sa diversité.
Quels sont plus largement vos goûts musicaux ?
Ravel, Herbie Hancock, Alain Gossuin, Dutilleux, Penderecki, Prokofiev & Chostakovitch, Sakamoto, Rachmaninov, Gabriel, Marvin Gay, Les Beatles, Crosby, Nash and Young, Christopher Cross, Ernest Bloch, Alexandre Scriabine, Isaac Albeniz, Schuman évidemment… Bach.
Quel est votre regard sur l'évolution générale de la musique de film ?
C'est ambigu ce que je vais dire, mais d'un côté je trouve que les réalisateurs manquent cruellement d'une connaissance musicale, et en même temps je trouve qu'il y a aujourd'hui un espace pour des gens qui écrivent de manière différente, la musique de film commence à s'ouvrir à des compositeurs qui viennent du jazz, de l'électro-acoustique, d'horizons différents, qui doivent aussi apporter leur pierre à l'édifice, bousculer les conventions. Je crois qu'on cherche maintenant davantage d'originalité, ce qui est un bien.
Que représente pour vous la collaboration avec Raphaël Nadjari ?
AVANIM (2004) de Raphaël Nadjari est ma première musique de film. Elle a été faite simplement avec mon violoncelle. C'est un film franco-israélien produit par Arte. J'en ai enregistré la musique aux Etats-Unis, au Studio « Broadway Sound » à New York. Je vais retrouver Raphaël sur son prochain film.
Vous le retrouvez sur TEHILIM (2007)...
Raphaël m'appelle un jour et me dit : « prends ton Violoncelle, on part à Tel-Aviv faire la BO de mon dernier film ». Sur place nous avions 10 jours pour écrire, un studio bloqué tous les soirs entre minuit et 7h du matin et aucun moyen pour les musiciens ou autres. Un soir sa femme Sarah nous prépare un dîner à la maison et nous mettons la main sur un tout petit accordéon et un vieux mélodica (dont 3 touches ne marchaient plus), ayant appartenu à son Grand Père, et nous voilà partis Raphy et moi faire la musique de TEHILIM avec nos petits outils… 6 mois plus tard, la proportion entre la petite chose que nous avions faite à Tel Aviv et la projection à Cannes dans ce temple du cinéma était incroyable. On peut dire que c'est une musique réflexe comme c'est un film réflexe, nous n'avions ni le temps ni les moyens de réfléchir, et à la sortie de la projection, j'ai eu la conviction profonde d'avoir fait une « vraie » musique de film au service de l'histoire.
Comment s'est faite votre arrivée chez Europa Corp ?
Elle s'est faite par l'intermédiaire de Jérôme Lateur, responsable musique de Europa Corp., qu'il faut saluer, et que j'ai eu la chance de rencontrer très vite. On a eu une corrélation d'âge, d'énergie et la volonté de faire de la musique de film avec des rapports originaux dans ce langage qui est pour moi ouvert à toutes les inventions possibles. Suite à cette rencontre, j'ai eu une proposition pour travailler sur la musique de LA BOÎTE NOIRE (2005). A partir de là, j'ai rencontré Richard Berry, j'ai écrit des thèmes qu'il a aimés, on a fait ensuite un travail de réalisation sur l'image.
Ensuite, il y a REVOLVER (2005) toujours produit par Europa Corp. On m'a demandé de faire une proposition. Guy Richie écoute mes maquettes, puis Jérôme Lateur m'annonce au téléphone que j'ai rendez-vous au bureau avec le réalisateur. On entre dans une collaboration inespérée. Je pense qu'avec Guy Richie j'ai eu la même collaboration qu'avec Raphaël Nadjari, c'est à dire une proximité. Je me souviens avoir vu Snatch au cinéma, et m'être dit en sortant de la salle si jamais je rencontrais un réalisateur comme ça, ce serait extraordinaire. La vie est magnifique de me permettre cela. Il est venu à mon studio parisien, puis ensuite on a travaillé par Internet, je lui envoyais mes morceaux. Ce fut très intense car la BO a été faite en quinze jours, j'ai joué pour cette musique moi-même au piano, au synthé et à la basse au cello. Puis j'ai fait des séquences rythmiques chez « Gang » avec Maxime Garoute et Daniel Romero pour les basses additionnelles. On a ramené cette matière en Normandie chez Digital Factory et on a travaillé directement avec le mixeur du film Vincent Arnardi, pour qui j'ai une estime profonde. Même si c'est un gros film, ce fut une simple réunion d'artistes aux idées claires.
Chez Europa Corp, on a l'impression que des barrières sont brisées en terme de musique pour l'image...
Jérôme Lateur a une volonté en tant que producteur d'ouvrir des horizons tout en jouant avec les références. La musique de LA BOITE NOIRE est assez expérimentale tout en étant basée sur le genre du polar.
Avec un travail sur l'édition des CD ?
Je battit les disques, j'organise les tracks , je recoupe dans mes thèmes, j'enregistre des morceaux spécialement pour le disque. Tout un travail marketing est fait après par l'équipe d'Europa Corp.
« Europa Corp. » est devenu une famille ?
Oui mais je ne me considère pas comme un compositeur « Europa Corp. ». C'est une étape. « Europa » est un carrefour de rencontres autour de projets très ambitieux. Tout comme Bernard Herrmann ou Miklos Rozsa qui ont travaillé au sein de studios à une période donnée ont pu explorer des univers qu'ils n'ont pas eu l'opportunité de développer ailleurs. Cette étiquette « Europa » ne me bride pas, cela ne m'empêche pas de travailler pour France Culture, pour Arte, pour de la danse expérimentale ou des bandes électro-acoustiques pour des installations vidéo. Il n'y a pas de frontière pour les bonnes choses, et puis c'est aussi des gens formidables qui travaillent avec passion.
Quelle fut votre implication pour le film de Vincent Perez SI J'ETAIS TOI (2007) ?
Après une projection de REVOLVER, j'ai rencontré Vincent et nous avons sympathisé. Il avait beaucoup apprécié le morceau "Purple Requiem" et avait envisagé que je fasse un essai sur son film. Je ne sais pas si je me suis approprié le film mais j'ai fait, il me semble, la musique qui était nécessaire. Vincent est un homme d'une grande douceur, et j'aime chercher à exprimer la douceur.
Quel fut donc le travail sur ce film ?
Lorsque je suis arrivé sur le film, tout était déjà tourné. J'ai vu le film quasiment avec un montage définitif. Il y avait énormément d'indications musicales dans le film : Vincent avait saupoudré l'image de Temp Track. Mon premier travail fut de revoir le film sans ces trackings, de comprendre ses intentions et d'essayer de redéfinir une histoire musicale et surtout une vraie trajectoire narrative. Souvent les réalisateurs ne se rendent pas compte à quel point ils réussissent et figent les instants, les scènes et l'imaginaire des compositeurs avec leurs temp trackings. Au final, je pense avoir tenu le pari du thème et de faire vivre les émotions...
Je souhaite aussi rendre hommage à John Bell qui a orchestré avec moi cette musique et qui m'a beaucoup appris dans mon parcours auprès de Gabriel Yared (dont je fus l'assistant). John est parti il y a bientôt 2 ans [Ndr : Ce film et cette BO sont prêts depuis longtemps bien que le film sorte ce mois-ci].
Comment s'est passée la collaboration avec Craig Walker, chanteur de Archive qui participe à cette BO ?
Ah Craig ! Une longue histoire, une rencontre, une tonalité (Ré mineur). On n'a pas fini tous les deux…
Quel a été le travail pour le disque ?
Très très court : 2 jours pour éditer les pistes, 1 jour de « mastering » et hop dans les bacs !
Quelle est votre relation avec Europa Corp. qui produit le film ?
Très bonne ! Ils me font confiance sur des projets ambitieux et il y a une énergie très positive artistiquement, en Normandie dans les studios de la Digital Factory avec Sam Potin, Lohengrin Braconnier et Jérôme Lateur. Pour les fous de postprod et de mixage, c'est un paradis. Il y a là -bas de belles équipes de travail.
SANS MOI d'Olivier Panchot avec Clémence Poésy…
Olivier a vu LA BOITE NOIRE (de Richard Berry) et a aimé la musique, il m'a tout simplement contacté. Ce travail a été difficile car le film a beaucoup évolué pendant que je composais la musique.
J'ai tout d'abord eu une bonne émotion à la lecture du scénario, le non-dit, de l'espace, la douceur à fleur de peau... Olivier a écrit son film en écoutant la musique d'Arvo Part. J'ai du écrire une quantité incroyable de musique pour ce film que j'ai enregistrée mais qui ne sont pas dans le film. Notamment une pièce pour 12 violoncelles transcrite pour l'orchestre, que j'aime particulièrement.
Il m'a fallu beaucoup d'énergie et un travail considérable pour réussir à imposer mon langage et surtout à arracher Olivier de ses références. Au final, je suis très heureux de cette BO car elle m'a beaucoup appris sur moi-même et je pense avoir fait un pas en avant dans mon écriture, poussée un peu plus loin d'ailleurs dans LA CHAMBRE DES MORTS. Et malgré la difficulté, il se dégage de cette musique une vraie douceur, celle que j'avais ressentie à la lecture du scénario.
Comment aborder un film qui joue sur les non-dits ? Quel est le rôle de la musique dans ce cas-là ?
C'est une question de poésie et de distance, et puis simplement avoir confiance envers les spectateurs car justement, accompagner ces silences et cette distance, c'est essayer de donner une liberté dans le film. Bizarrement, il faut beaucoup de rigueur pour y arriver, c'est là encore une des petites magies du cinéma.
LE DERNIER GANG d'Ariel Zeitoun...
Ariel était vraiment indécis sur ses collaborateurs, beaucoup de musiciens avaient semble-t-il été questionnés et rien ne semblait convenir. Jerôme Lateur m'appelle pour que je voie le film et j'ai aimé la romance, le côté « film de génération », le caractère romanesque du film, l'aventure de cette bande de potes à Belleville, la maturité et le chemin de vie qu' Ariel a réussit à transcrire dans l'image.
Quelle est la sensibilité musicale de Zeitoun ?
Je crois que la sensibilité d'Ariel est surtout liée à la confiance envers son musicien. Il avait envie sur ce film de guitares de métal, de violence et de brutalité, alors j'ai écrit des lignes de bass, des riff de guitares, des grooves, tout cela programmé à l'image. Daniel Roméo, John Emile Parisien, Sam Potin, Laurent Chevalier en on fait qu'une bouchée !
Et puis il y a le score avec le thème à la guitare nylon interprétée remarquablement par Christian Vasseur, un homme d'une belle justesse et délicatesse. La mort de Casa aussi, avec une improvisation « Judéo espagnole », j'avais envie de cette liberté, de ce rapport sémite entre Simon et Casa. Et le casse de la rue blanche, un grand tango de 6 min, j'en transpire encore... J'ai surtout eu la chance d'avoir un vrai Gang autour de moi. J'espère qu'une BO sortira mais vous pouvez déjà écouter différentes parties du score sur le site du film.
N.M : Alfred a vu le film de Vincent Pérez et a aimé la musique. Une bonne chose… Nous avons travaillé tous les deux dans une confiance remarquable, un réalisateur rassurant, sûr de lui, laissant un espace au doute et à la construction, du bonheur ! Et puis il y a aussi Marilyn Montieux (la monteuse)… je pense que nous avons réussi un vrai travail de construction tous les trois.
Je suis heureux de ce film, avec ses chansons, le concept du thème cité une fois seulement à un moment clef du film, la grande fin de 6 min qui devient un mouvement débordant d'émotion. Avec Alfred j'ai pu tester, au delà de la composition, des concepts et des idées de placement et de rapport à l'image originaux, une autre partie de notre travail.
Les indications du réalisateur ne fonctionnaient pas avec le film. Il avait envie d'une musique comme le « 21 Grammes » de Gustavo Santaolalla tandis que j'ai écrit un score pour 40 cordes, clarinettes et flûtes avec une programmation. Nous avions besoin d'un outil narratif.
Le genre du fantastique, je l'ai abordé par l'idée baroque de mon travail, dans l'assemblage des différents matériaux qui nourrissent le score (synthétiseur, programmation, écriture des cordes).
Comment avez-vous été impliqué sur ce film ?
N.M : Agnès Merlet cherchait un compositeur et c'est Jean-Pierre Arquié (ndlr : Superviseur musical) qui m'a mis en relation avec elle, qui lui a donné mon travail à écouter, et elle a aimé mon rapport entre la musique symphonique et la musique electro-acoustique, mon intention lui a plu donc elle a été convaincue.
Quels ont été ses indications et ses choix ?
Elle avait excessivement besoin de musique dans son film pour pousser le sens dramaturgique. Il y avait donc un gros travail à faire. On a mis du temps au départ à chercher le style puis c'est arrivé assez vite finalement puisqu'on avait envie de construire la relation entre Jenn Murray (ndlr : la jeune actrice qui interprète Dorothy) et Carice van Houten (ndlr : celle qui interprète sa psy) et que la musique vienne toujours supporter cette relation pour les isoler au milieu de cette île, dans ce huis-clos. On a cherché à la fois des thématiques et des matières. Agnès voulait que je travaille les matières electro-acoustiques que je pouvais ensuite introduire aux timbres de l'orchestre.
A quel moment êtes-vous intervenu, sur le scénario ?
Non, lorsque l'on s'est rencontré avec Agnès, elle avait fini son montage, et je lui ai fait une proposition sur la première partie du film.
J'ai beaucoup aimé la lumière, et j'aime le style de cette cinéaste. Elle sait préserver une distance et instaurer un univers poétique, que ce soit dans LE FILS DU REQUIN ou ARTEMISIA, et la musique amène toujours cette distance par rapport à la réalité.
Je crois que le défi de ce score était à la fois de servir le film pour une efficacité de divertissement, et en même temps garder cette poésie.
Le film appartient au genre du fantastique. est-ce que les intentions musicales d'Agnès Merlet étaient dans cette direction ?
Elle avait biensûr des références musicales liées au genre comme souvent les réalisateurs en ont, mais de mon côté, j'ai mis le frein sur l'aspect "effet spécial" de la musique pour me concentrer sur une certaine douceur malgré la violence des scènes. Il y a dans ma musique beaucoup de choses qui jouent avec la référence des films d'horreur mais qui s'en éloignent toujours très vite.
L'aspect poétique est marqué d'ailleurs par la présence de petites clochettes...
Le côté poétique est servi effectivement par le Glockenspiel (ndlr : ou Carillon), ce qui permet de souligner l'innocence de Dorothy. La musique est violente et innocente à la fois, c'était toute la difficulté.
Le film se situe en Irlande, mais il est assez intemporel, abstrait dans ses repères géographiques, la musique n'abuse pas du folklore...
En effet, sauf sur deux scènes en extérieur avec un peu de cornemuse et de flûte irlandaise, c'était juste anecdotique pour situer l'espace, mais ce n'est pas appuyé dans le score. Le film pourrait se passer partout. C'est le travail d'Agnès de créer des situations intemporelles, toujours pour revenir à cette idée poétique.
Comment est naît l'idée de la chanson de générique ?
Elle n'a pas été prévue au départ. Ce sont les producteurs qui en avait envie. J'avais composé un thème au piano très simple et ils avaient envie de le retrouver plus souvent. Je n'aime pas trop plaquer des thèmes sur un film, j'aime bien qu'on les devine au fur et à mesure, qu'on les découvre vers la fin, c'est un peu ma stratégie dans ma manière de construire des score. Mais là, j'ai donc développé cette chanson à partir de la cellule thématique que l'on peut retrouver dans le film.
Qui a écrit le texte de cette chanson ?
C'est le "Songe d'une nuit d'été" de Shakespeare. J'ai trouvé que cela convenait bien à la situation du film, et j'aimais ces petits mots qui en disent beaucoup.
C'est la chanson de Dorothy ?
C'est sensé être la chanson de Mimi, un des personnages de Dorothy. Mais on ne va pas tout dévoiler (rires).
Avez-vous l'impression qu'il s'agit de votre travail le plus exigent artistiquement à ce jour ?
C'est un travail qui synthétise tout ce que j'ai pu concevoir comme particularités de composition, de LA CHAMBRE DES MORTS à TAKEN, concernant la linéarité et la dramaturgie de la musique. Cela synthétise aussi mon travail sur le son, les programmations. Je suis ravi d'avoir trouver un style original dans le mélange de l'orchestre et de l'electro-acoustique.
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