Cinezik : Est-ce que l'organisation du film FÉMININ PLURIELLES en triptyque a été pensée dés le départ ?
Sébastien Bailly : Au départ ce sont trois films, des portraits de jeunes femmes. L'idée de les réunir a germé petit à petit entre le deuxième et le troisième film, en se disant qu'il y a des thèmes communs qui traversent les trois films, donc une cohérence qui pouvait permettre de les réunir. Au final, ce ne sont pas que trois films mis bout-à-bout, il y a un générique de début, un générique de fin, et trois chapitres introduits par les prénoms de chaque protagoniste. Ce sont des femmes en butte au jugement des autres, parfois en prise avec le désir unilatéral de certains hommes. Ce sont des femmes qui veulent s'affranchir, s'affirmer, des femmes fortes. Le hasard fait que le film tombe dans une période où tous ces sujets sont dans l'actualité.
Quelle place a la musique dans vos films ? Ces trois films réunissent aussi le travail commun avec le même compositeur Laurent Levesque, que représente cette collaboration ?
S.B : Je suis gêné dans les films où il y a des nappes de musique du début à la fin. C'est une chose avec laquelle j'ai beaucoup de mal. On finit par ne plus entendre la musique. Pour moi, si on doit en mettre une, autant qu'elle soit entendue en l'utilisant avec parcimonie, et pas forcément en essayant de guider l'émotion, ou en soulignant au fluo les moments. Au même titre que la mise en scène, je veux que la musique disent des choses avec subtilité. Il y a 11 minutes de musique sur 1h22 de film. Quand je fais appel à Laurent, ce sont pour des choses très précises. Et il sait que la musique va être entendue, qu'elle aura sa vraie utilité. Je ne lui demande pas de poser de la moquette sur 100m².
Laurent, vous avez écrit pour ce triptyque une musique dédiée pour le générique de fin, avec des chœurs qui sont comme la résonance de ces trois femmes...
Laurent Levesque : Oui, je voulais trouver un moyen de symboliser le mental de ces trois femmes à la forte interprétation. Je voulais trouver quelque chose qui harmonise le tout. Le générique début est un morceau de piano qui trouve son prolongement dans cette musique de fin.
La musique du troisième récit, "UNE HISTOIRE DE FRANCE", intègre des silences pour évoluer comme des vagues avec leur flux et reflux...
L.L : Ce travail musical est fait par Sébastien. Je lui livre la musique, puis il choisit de faire répéter des petites sections musicales, pour créer une grande unité dans le film.
S.B : Ce sont des ponctuations présentes tout au long du film, mais par instants fugaces de quelques secondes. Je voulais que cela accompagne les inflections des personnages, notamment sur les parties de nuit dans la ville. J'ai monté la musique au moment du montage, et aussi le montage a été fait un peu sur la musique.
L.L : Le but quand on est un compositeur pour le cinéma est d'accepter que sa musique soit manipulée.
S.B : Très souvent, Laurent me renvoie des choses en me disant qu'on peut faire mieux. Il m'apporte de nouvelles idées. Il faut une grande confiance, car la musique de film est forcément manipulée par le réalisateur, mais aussi manipulée par la monteuse, le monteur son, le mixeur... Il m'arrive de prévenir Laurent pour lui dire que la musique n'est plus à l'endroit qu'il avait imaginé. Je le préviens qu'elle est coupée, je sens alors tout de suite sa crainte, mais on se fait mutuellement confiance, c'est un vrai travail à deux.
Ce travail en binôme commence t-il dés le scénario ?
S.B : Je lui fais lire mes scénarios très en avance, du coup il peut réfléchir à sa musique très en amont, cela travaille en lui. Après il peut se passer des mois avant que le tournage et le montage aient lieu, et au moment où il va intervenir, il aura eu un travail de réflexion de son côté. C'est bien de s'imprégner d'un projet. C'est pareil pour moi au niveau de l'écriture, je pense à des choses, je fais mes courses, je vais nager, à la campagne, tout cela travaille tout seul malgré tout.
La musique dans FÉMININ PLURIELLES ne redonde pas avec ce qu'il y a à l'image, elle convoque l'invisible...
L.L : C'est un rôle qui me plaît, cela m'intéresse de ne pas être uniquement en emphase avec le film.
S.B : Ce qui me semble interessant dans un film c'est quand la musique épouse le rythme intérieur d'un personnage. Ce sont des choses que l'acteur n'a pas joué, c'est la part caché des personnages. Si la musique permet de révéler l'âme d'un personnage, c'est parfait !
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