Cinezik : Quelles ont été les premières intentions musicales pour SAUVAGE ?
Camille Vidal-Naquet : J'avais d'abord imaginé ce film sans musique. Je me suis toujours dit qu'il n'y aurait jamais de musique dans ce film. Pourtant, j'adore la musique de film, j'ai toujours pensé que mes films (ou en tout cas le premier) serait des films envahis par la musique tellement j'aime ça. J'ai donc été moi-même surpris d'avoir pris au départ ce choix radical de ne pas en mettre. La musique, c'est normalement la première chose que je regarde, savoir si le film va être musical ou pas. C'est très important pour moi. Je voulais qu'il soit très très sec au départ, avec des scènes très cut, puis le film a beaucoup évolué
Comment en êtes-vous finalement arrivé à désirer une musique ?
C.V : On s'est aperçu que la musique était pour moi comme une porte d'entrée très discrète vers certaines émotions. On s'est rendu compte que dans certaines scènes, elle permettait au spectateur d'entrer et de partager de manière douce le sentiment des personnages. Au début, on a monté le film sans rien, puis on a essayé de mettre quelques musiques. J'ai été très intéressé par ce que cela provoquait. J'avais d'abord peur qu'elle soit un commentaire de l'émotion. J'ai souvent peur que la musique réagisse à la place du spectateur, dise ce qui est triste ou émouvant, alors que c'est le spectateur qui doit le ressentir. Je me suis aperçu qu'en fait il fallait trouver la précision de cette musique, de conduire et de guider les gens par des textures qui permettent de rendre les scènes plus humaines.
Comment s'est déroulée la collaboration avec le compositeur Romain Trouillet ?
C.V : Le compositeur Romain Trouillet, on s'est à peine parlés, on s'est rencontrés à la fin, et cela a été très rapide. C'était fulgurant puisque j'ai maintenu qu'il ne fallait pas de musique pendant très longtemps. Quand au final je me suis dit qu'il en fallait, il restait très peu de temps de montage. On est allé très très vite avec Romain. C'était une collaboration éclair.
Comment définiriez-vous cette musique ?
C.V : La musique est au final assez sensorielle, caressante, comme on a essayé d'avoir une caméra elle aussi caressante, proche des personnages, un peu à la dérive. Pour moi la musique est pareil, elle accompagne le personnage dans des émotions ténues et douces.
Comment ont été définis les emplacements de la musique ?
C.V : Pour moi, c'était toujours trop, il fallait enlever enlever, pour qu'il n'y ait plus qu'un fil. Quand j'ai montré le film à Romain, je lui ai dit qu'elles étaient selon moi les emplacements de la musique, en lui proposant de suggérer d'autres moments. Il a regardé le film et il a proposé d'ajouter deux petites ponctuations, il n'avait pas du tout l'intention d'en rajouter davantage. Ce sont des petites apparitions, des incursions dans le film. À un moment, on voit des arbres, des mouvements, et la musique est comme cela, ce sont des signaux qui restent discrets. Romain était dans cette idée.
Concernant les scènes de club, la musique techno (preéxistante) est plus violente, elle claque...
C.V : Parfois quand je vois des scènes de club dans les films, la musique est en arrière plan, très réverbérée, j'ai l'impression qu'on essaye de faire en sorte que les spectateurs entendent bien les comédiens. Moi j'avais le souhait de bien reconstituer les sensations que j'avais pu avoir en boîte. J'ai essayé de montrer cette capacité qu'on a dans les clubs à être complètement emporté. J'avais l'idée que la musique soit sans concession.
Concernant la dernière scène, sans la révéler, on peut dire que la musique originale se fait entendre plus qu'ailleurs dans le film...
C.V : Il y a un gros sound-design dans le film, des craquements d'arbres, des oiseaux, qui instaurent dans cette scène finale un apaisement. Je voulais ainsi que la musique soit dans cet esprit, qu'elle évite le pathos, qu'elle dise juste que le personnage a trouvé sa place, qu'il se sent bien.
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