Propos recueillis par Benoit Basirico
- Publié le 16-05-2018Cinezik : Vous retrouvez le réalisateur Lukas Dhont après un court-métrage, "L'Infini" (2014)...
Valentin Hadjadj : C'était son court-métrage de fin d'études et à l'époque j'étais également étudiant et nos écoles se rapprochaient pour faire un Master commun. Lukas a désiré pour ce film retrouver les gens avec lesquels il avait travaillé sur son court. Il y a quasiment toute l'équipe à nouveau.
Pour vous, ce n'est pas votre premier long-métrage puisque vous aviez signé la musique du film d'animation "Avril et le monde truqué" (2015)...
V.H : Ce sont des projets très différents, "Avril..." était très orchestral avec beaucoup de choses, tandis qu'ici le mot d'ordre était la simplicité. Et contrairement à ce premier long-métrage qui était un film d'animation où je suis arrivé tard, ici j'ai été impliqué très tôt. Il y a des musiques de danse, le personnage est une ballerine, donc beaucoup de musiques étaient à écrire avant le tournage. Et Lukas étant devenu un ami, j'ai été aussi son premier regard extérieur sur la lecture du synopsis. J'ai participé aux origines du film. J'ai été impliqué émotionnellement.
Vous avez donc accompagné le processus dés l'écriture ?
V.H : On a participé ensemble à des dispositifs de soutien, comme celui du Festival d'Aubagne dans lequel on était encadré par Selma Mutal. C'est un workshop d'une semaine qui a lieu en dehors du festival en septembre. Selma était donc aussi impliquée en tant que tutrice. Il y avait aussi Gérard Corbiau. Le scénario a bien tourné, du Festival d'Angers à la Résidence de la Cinéfondation du Festival de Cannes.
Dans cette collaboration, quelles étaient les indications du réalisateur ?
V.H : Le réalisateur savait ce qu'il ne voulait pas, et en même temps il était très ouvert à ce que je lui propose. On a beaucoup discuté sur les intentions musicales, mais il ne m'a jamais donné de références précises. Il m'a juste évoqué Samuel Barber pour les musiques de ballets. J'ai l'impression d'avoir écrit ce que j'ai voulu.
Sur les scènes de danse, il voulait quelque chose de très lumineux et en même temps très coupant. Les cordes étaient évidentes, écrites dans l'aigu.
À côté de ces musiques de ballet, il y a aussi d'autres types de musique plus électroniques, plus texturales...
V.H : Il y a en effet une musique orchestrale pour les scènes de danse, et pour les musiques d'accompagnement, mes intentions étaient différentes. On voulait quelque chose de plus doux. Et une musique qui accompagne le personnage de Lara qui n'exprime pas beaucoup ses sentiments. On voulait que la musique soit la clé pour rentrer dans ses émotions. On avait peur que Lara soit un peu trop froide, on voulait que la musique nous aide à être en empathie avec ce personnage.
La musique amène une bienveillance vis à vis de ce personnage en quête de son identité féminine, de la même manière que la famille est compréhensible...
V.H : Au début la musique était plus étrange, on se rapprochait de l'esprit de Mica Levi (Under The Skin), mais on voulait que l'histoire de Lara soit plus universelle, car tous les ados ont des problèmes avec leur corps. On voulait ainsi rendre cette chose normale. On ne voulait pas stigmatiser avec la musique. Et au fur et à mesure de l'avancement du film, l'émotion prend de l'ampleur.
L'instrument soliste qui se détache de l'orchestre est comme la voix du personnage, ce qui favorise l'empathie ?
V.H : On voulait un instrument qui se débatte, qui représente la dépense d'énergie du personnage principal. Pour l'anecdote, j'ai écris une partition de violon solo injouable. On a enregistré avec un violoniste exceptionnel, le violon solo de l'Opéra de Paris, mais comme ma partition était complexe, il se débattait aussi avec son instrument, comme le personnage.
Contrairement à d'autres belges comme les Dardenne ou Joachim Lafosse, ce réalisateur belge ose la musique...
V.H : En effet, mais il est flamand, de Gand, comme Felix Van Groeningen (réalisateur du très musical BELGICA). Il est dans une démarche plus anglo-saxonne.
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