Propos recueillis par Benoit Basirico
- Publié le 14-11-2018Cette interview a été organisée dans le cadre du Festival du film francophone de Tubingen (Novembre 2018).
Cinezik : Comment avez-vous rencontré Mohamed Ben Attia pour votre première collaboration sur HEDI (2016) ?
Omar Aloulou : J'étais ingénieur informatique en France, puis je me suis arrêté de travailler pour me consacrer à la musique en rentrant en Tunisie, car il commençait à y avoir une effervescence cinématographique. Je suis donc rentré en Tunisie pour me consacrer à la musique de film, et cela coïncidait avec la finalisation du film HEDI. Mohamed Ben Attia en avait déjà fait le montage et cherchait un compositeur. Ils m'ont alors proposé de regarder le film. Après l'avoir vu, je leur ai dit que le film ne nécessitait pas de musique. Le réalisateur m'a alors répondu qu'on était sur la même longueur d'onde. C'est ainsi que je me retrouve sur mon premier film pour en faire la musique. L'idée était donc de jouer avec très peu de musique, de jouer avec le silence.
Sur ce nouveau film MON CHER ENFANT pour lequel vous retrouvez ce réalisateur tunisien, il y a encore très peu de musique. Est-ce que vous lui avez dit la même chose que sur le premier sur la non nécessité de musique ?
O.A : Pour ce film, c'était différent, car comme je suis devenu ami avec le réalisateur, il a pu m'envoyer le scénario. J'ai donc pu travailler à la lecture principalement, et dès le départ on savait qu'il fallait davantage de musique. Mohamed savait aussi qu'il fallait un thème particulier. On a donc commencé par cela. J'ai tenté énormément de choses pour créer ce thème, à partir duquel j'allais décliner tout le reste.
Avez-vous apprécié d'être impliqué tôt ?
O.A : J'ai senti beaucoup plus de liberté à travailler sur le scénario. Je n'avais pas d'impératifs particuliers, je n'avais pas d'images sur lesquelles il fallait que je me colle. En plus, Mohamed me laisse beaucoup de liberté de manière générale. On essaie des choses, il me laisse placer la musique où je veux, et ensuite on commence à en retirer. Sur MON CHER ENFANT, j'avais mis plus de musique au départ, et dès qu'on avait une hésitation, on l'enlevait. Il fallait une évidence sur la nécessité de la musique
Et cette évidence reposait sur le developpement d'un thème régulier pour le personnage ?
O.A : Dès le début, on se disait qu'il fallait un thème pour le père, le personnage central. C'est lui qui dicte la musique. D'ailleurs, les modes utilisés correspondent à l'évolution du personnage, avec un thème un peu triste. En même temps, pour ce drame assez tragique, il ne fallait pas tomber dans le pathos. On voulait mettre aussi en évidence une part de maladresse chez ce personnage un peu gauche et désorienté. On voulait faire ressortir ce côté rigolo, tout en gardant ce thème triste. C'est pour cela qu'on a cherché quel instrument utiliser, et le Marimba s'est imposé.
Comment étaient les échanges avec le réalisateur ? Avait-il des références ?
O.A : Il n'a pas le langage musical. Il m'a souvent chanté les choses au téléphone. Il a des références qui n'en sont pas vraiment, il m'envoie des musiques sans vouloir forcément que ce soit proche, juste pour me transmettre un esprit, ou un instrument. Il m'avait par exemple envoyé un morceau de la chanteuse Barbara, "Göttingen", pour le choix de l'instrument. Il m'a aussi parlé de Cora, en sachant très bien qu'il ne voulait pas cet instrument, mais c'était pour me donner un point de départ pour imaginer autre chose. Ce cheminement m'a donc mené au Marimba.
Y avait-il de la musique placée temporairement sur le montage ?
O.A : Sur HEDI, ils avaient monté sur de la musique, notamment BIRTH d'Alexandre Desplat. J'ai eu beaucoup de mal à faire sortir le réalisateur de cette musique dont il s'était habitué. Mais pour MON CHER ENFANT, il n'y a eu aucune musique temporaire, c'était aussi l'avantage d'avoir été impliqué en amont.
Propos recueillis par Benoit Basirico
Interview B.O : Audrey Ismaël (Le Royaume, de Julien Colonna)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)