par Benoit Basirico
- Publié le 07-05-2019Au début des années 2000, la musique électronique connait un nouvel essor au cinéma grâce aux français. Le succès d'albums de la French Touch a encouragé Sofia Coppola pour sa première réalisation à confier son film au duo Air (Jean-Benoît Dunckel et de Nicolas Godin). L'idée n'était pas de détourner les artistes de leur univers d'origine, ni de leur imposer des contraintes, mais de leur permettre la création d'un nouvel album. Fidèles à eux-même donc, pas encore compositeurs de cinéma (ce qu'ils deviendront séparément par la suite), ils ont pu écrire leur composition électronique librement (même s'ils ont pu voir les images pour guider l'inspiration). La réalisatrice en herbe a ensuite pioché dans le résultat à sa guise. Au final, seuls 20 % des compositions enregistrées figurent dans le film. L'ensemble de la musique écrite existe sur le disque (avec un grand succès de vente), mais le film propose la reprise de quelques motifs.
Parmi les propositions de Air, Sofia Coppola a sélectionné les textures les plus éthérées et délicates, loin de la violence de ces jeunes filles suicidaires. La partition joue ainsi le contraste et devient un élément parallèle au récit. Un autre décalage est historique puisque ce duo électro formé en 1995 a été chargé d'illustrer un drame situé dans les années 70. Par la suite la réalisatrice fera de même pour sa "Marie Antoinette" avec de la pop des années 80 associée à la cour de Versailles. Cette démarche consiste à actualiser le propos pour le rendre universel. "Virgin Suicide" et les robes datées de ces soeurs n'ont pas empêché la jeunesse de s'y retrouver et de donner au film sa dimension générationnelle. De plus, les sonorités mélancoliques permettent de soutenir l'émotion, de représenter parfaitement le destin tragique de la fratrie, que la chanson titre ("Playground Love") vient incarner et prolonger (y compris sur la bande-annonce).
VIRGIN SUICIDES a contribué à la renommée internationale de Air, ainsi qu'à installer définitivement la French Touch dans la légende. Par la suite, le cinéma a pu de nouveau faire appel à ce courant. On pense à la musique oppressante de Thomas Bangalter (Daft Punk) favorisant nausées et vertiges chez Gaspar Noé (IRREVERSIBLE, 2003). On pense aussi aux notes aériennes (héritées de Vangelis) de Jean-Baptiste de Laubier (Para One) pour NAISSANCE DES PIEUVRES de Céline Sciamma (2007).
par Benoit Basirico
Interview B.O : Pierre Desprats (Les Reines du drame, de Alexis Langlois)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)