Cinezik : Quelle est votre relation à la musique pour vos films, Nicolas Pariser ?
Nicolas Pariser : Jusqu'à ce que je fasse des longs métrages je ne prévoyais pas dans mes scénarios de moments où il y avait de la musique. Je ne comprenais pas pourquoi je ne parvenais pas à en mettre. Depuis mon premier long-métrage LE GRAND JEU (2015), j'essaie dès l'écriture de me dire à tel et tel moment on pourrait mettre de la musique. Et sur ALICE ET LE MAIRE, il doit y avoir à peu près une vingtaine de minutes de musique, je pense que la moitié était prévue au scénario, et donc au tournage.
Comment transmettez-vous vos intentions au compositeur ?
N.P : Je suis incapable de parler de musique. J'en écoute beaucoup mais je suis incapable d'en parler. Je savais qu'avec Benjamin je pourrais parler de cinéma dans la mesure où on s'est connu dans un contexte très cinéphile, à la Cinémathèque.
A quel moment la musique a commencé à se travailler ?
N.P : Il y a eu un travail pratiquement dès le début du montage...
Benjamin Esdraffo : Oui parce que j'allais voir la monteuse qui avait commencé à faire un
bout-à-bout.
N.P : Pendant qu'on essayait de travailler la matière du film, Benjamin dans son studio juste à côté faisait la même chose avec la musique.
B.E : J'apportais des choses au fur et à mesure.
N.P : Ça n'a pas été si long parce que le film s'est monté assez rapidement. Tu as travaillé en même temps que nous. On ne t'a pas dit, "il nous faut la musique dans deux semaines".
Quel rôle devait jouer la musique dans le film pour vous ?
N.P : C'est une musique d'accompagnement, elle accompagne le film, elle lui apporte beaucoup, mais on ne l'a jamais utilisée comme un pansement ou comme médicament sur une scène. Ce qui n'était pas le cas par exemple dans LE GRAND JEU avec notamment une scène qui ne fonctionnait pas sans musique, ce qui n'est pas le cas ici.
Cette partition est thématique...
B.E : C'est bien quand il n'y a pas trop de thèmes dans un film. Là, il y a 3 morceaux, le thème du générique que l'on retrouve en virgule et à la fin, le thème de la séquence des birkenstock qu'on a un petit peu modifiée à deux autres moments du film, puis les moments de déplacements qui évoquent la politique, l'excitation, les trajets, tout ce qui bouge. Le thème de la flûte c'était Alice. Le thème des birkenstock c'était le maire. C'est quand même assez économe, c'est ce que j'aime bien.
Et la relation entre Alice et le maire est convoquée musicalement ?
N.P : Le rapport entre Alice et le maire est très particulier. Il l'était déjà à l'écriture, c'est le coeur du film, mais je pense que l'alchimie entre les deux comédiens s'est vraiment incarnée par la musique, qui donne à la fin la tonalité précise de la relation entre les deux. Et sur la tonalité particulière de leur relation, qui n'est ni de l'amitié, ni l'amour, ni une relation de sexe... l'écriture, l'incarnation des comédiens et la musique ont sculpté à égalité cette relation au coeur du film.
Ces personnages vont voir à un moment un spectacle de Wagner... le classique fait partie de votre culture musicale ?
N.P : Quand j'étais enfant je n'écoutais que de la musique classique à la maison, et je continue d'en écouter, mais c'est une culture superficielle car je ne sais pas du tout comment c'est écrit. J'ai fait du piano et j'étais complètement nul. Je comprends un peu mieux l'opéra. J'arrive beaucoup mieux à comprendre la musique et les intentions d'un musicien quand il y a un livret, que ce soit Wagner, Mozart ou Strauss. Et je suis moins perdu dans la musique de film dans la mesure où elle se rapproche de l'opéra, qu'elle raconte quelque chose. Une musique qui n'est pas en rapport avec une histoire peut me toucher de manière profonde, mais je ne comprends pas.
B.E : Dans cette B.O, on est quand même loin de la musique classique, c'est relativement simple, de plus il y a une basse et une batterie qui entrent, et cela fait plus B.O des années 70. Le thème est un peu jazzy, très loin de la musique classique.
Comment considérez-vous le placement de la musique ?
B.E : La difficulté est de trouver un rapport qui ne soit pas trop évident, qui accompagne le film et qui ne soit ni redondant ni dans un contrepoint absolu, ce qui ne marche pas toujours non plus, donc il faut essayer d'accompagner sans prendre trop de place. Il ne faut pas qu'il y ait un effet de signatures trop fort.
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