par Benoit Basirico
- Publié le 13-06-2019Elmer Bernstein retrouve le cinéma d'animation après MÉTAL HURLANT (1981) pour des Studios Disney en pleine crise qui comptaient sur ce film pour revenir au premier plan dans le cinéma d'animation. Mais ce fut un échec monumental (il leur faudra attendre LA PETITE SIRÈNE quatre ans plus tard pour retrouver leur magie et leur suprématie, tout en débutant une nouvelle ère musicale auprès de Alan Menken). Pour ce BLACK CAULDRON ils s'étaient pourtant démenés pour se moderniser, influencés par ce qui se faisait à côté, en renonçant d'y inclure les habituelles chansons (une première !), en incorporant des éléments numériques aux images dessinées à la main, en créant un univers plus sombre et plus effrayant, et en faisant appel pour la musique à un vétéran d'Hollywood tout juste auréolé du succès de GHOSTBUSTERS. Elmer Bernstein, connu pour avoir participé à des péplums (LES 10 COMMANDEMENTS de Cecil B. DeMille) ou des westerns (LES SEPT MERCENAIRES de John Sturges) peut mettre son sens de l'épique et de l'action au service de ce dessin animé. Malgré l'échec commercial du film, la partition demeure une réussite artistique culte !
Elmer Bernstein propose d'abord de nombreux thèmes au sein de son orchestration abondante, dans la pure tradition de la musique de film, chaque thème et ses variations étant associés à un personnage ou une situation. Il y a celui du héros, Taram, illustrant sa détermination par des cuivres graves (faisant surgir des souvenirs de péplum), puis sous la forme d'une marche joyeuse évoque son héroïsme insouciant. Le thème puissant, plus massif, celui qui est le plus présent, revient au méchant du film. Il surgit dès que l’action se déplace dans le château maléfique. Il y a aussi un thème d'amour, très doux, et un thème comique, malicieusement ludique. Le compositeur élabore ainsi un riche matériau thématique, d'une complexité rare dans le cinéma de Disney jusqu'ici, dont le developpement n'est volontairement pas limpide, pas évident à déceler. Car en dépit de cette grande gamme thématique, ce que l'on retient surtout de cette musique est la présence d'un instrument soliste insolite de premier plan : Les Ondes Martenot.
En effet, dans le contexte historique de la fin des années 80, Elmer Bernstein vient d'enchaîner des films dans le registre de la fantasy et de la science-fiction (METAL HURLANT, SATURN 3, GHOSTBUSTERS, SLIPSTREAM, SPACEHUNTER). Il a ainsi l'idée de reprendre le timbre si singulier des Ondes Martenot, très utilisés dans la SF, au son s'apparentant à une voix céleste, pour illustrer la princesse Elonwy et lui conférant une dimension romantique. Sa présence se fait sentir tout au long de la partition, sous différentes formes, notamment incarnée par une mélodie douce et délicate. Le compositeur est ainsi parvenu à créer un environnement unique pour le monde de Prydain, mêlant la noirceur, le désespoir, la peur, avec le merveilleux, l'héroïsme et la frivolité.
par Benoit Basirico
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