par Thibault Vicq
- Publié le 13-06-2019Avec BASIL, DÉTECTIVE PRIVÉ, Henry Mancini compose sa première BO pour un film d'animation, après plus de trente ans à officier à Hollywood, notamment sur le cinéma d'horreur (L'ÉTRANGE CRÉATURE DU LAC NOIR, 1954), la comédie policière (LA PANTHÈRE ROSE, 1963, ainsi que ses suites), le western (TRAÎTRE SUR COMMANDE, 1970) et la comédie romantique (DIAMANTS SUR CANAPÉ, 1961, qui lui vaut un Oscar de la meilleure musique). Il opère ici une synthèse des différents styles sur lesquels il a travaillés en intégrant des chansons, des thèmes entraînants, des effets de timbres et des parties plus jazzy à son score. Le dessin animé est un film noir se déroulant à Londres, sous un brouillard épais, et mettant en scène le personnage fantasque de Basil. Sous le propos plutôt sombre (un enlèvement), le film et sa BO proposent de faire découvrir un univers parallèle de souris, vivant comme les humains en classes sociales distinctes, et dirigées par une reine.
Si la musique se permet de diversifier ses inspirations, c'est surtout du côté des compositeurs russes soviétiques de la première moitié du XXe siècle (Prokofiev, Chostakovitch) que Henry Mancini va piocher, à travers des rythmes saccadés, des marches presque militaires et une monumentalité dans les sonorités. Il s'autorise aussi des formes plus traditionnelles, comme une valse, qu'il va vicier en glissades de cordes. De nombreux solos de bassons dessinent clairement une atmosphère à la fois sombre et ironique, pour souligner la trame de l'enquête dirigée par Basil, personnage empli d'autodérision. Pour les scènes de chant (le méchant Ratigan et une revue de cabaret), Henry Mancini lorgne du côté de Gershwin, avec des clarinettes hospitalières. Le rôle central de la percussion n'est pas à minimiser, au même titre que le thème de Basil, réutilisé à chaque étape du récit. Ce score est un voyage musical qui cherche plutôt à instaurer des ambiances variées plutôt qu'à inscrire l'action dans une époque ou qu'à catégoriser le film dans des carcans.
Les variations sur le motif entêtant du détective sont comme issues des grandes années du cinéma hollywoodien que le compositeur a connues dans ses jeunes années. Une vision pleine d'espoir traverse le film, à l'image des productions américaines des années 80. La théâtralité joyeuse de Basil demeure par ailleurs une composante essentielle de la BO. La musique sait doser une humanité suffisante pour ne pas faire basculer l'ensemble du côté obscur. De rares nappes de synthétiseur ajoutent une touche de modernité et de mystère à ce mélange des genres, qui, dans un contexte de Guerre froide, réussit brillamment à renouveler l'exercice de style là où la menace n'est jamais celle que l'on croit.
par Thibault Vicq
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