Le film israélien d'Ari Folman marque l'arrivée au cinéma du compositeur allemand de musique contemporaine Max Richter. Ensuite, celui-ci ne quittera plus les écrans, mais sans revenir à l'animation (excepté en 2013 pour le film suivant de Folman, LE CONGRÈS, qui mélange images réelles et de synthèse). Sa partition est fidèle au registre de ses propres albums antérieurs (majoritairement des compositions minimalistes électroniques), proche parfois du sound-design. Elle illustre avec justesse le drame de ce documentaire animé (abordant les massacres de la guerre qui opposa le Liban et Israël), parvenant à trouver l'équilibre entre l'émotion et la pudeur. Une telle approche réaliste (et documentée) appelle de la gravité, de la dignité, et éloigne le compositeur de la tradition poétique du cinéma d'animation.
Le film se focalise sur un "personnage" principal, qui se charge de recomposer les faits à travers le récit de ses souvenirs et des témoignages d’autres soldats. Max Richter va alors accompagner son chemin intérieur, ses notes s'immiscent dans sa perception des événements avec des bulles électroniques délicates et mélancoliques. La partition se déconstruit au fil du déroulement de la mémoire, devenant paradoxalement de plus en plus opaque au fur et à mesure que le drame se précise. D'abord élégiaque, la musique devient définitivement insaisissable, laissant la grande Histoire à la porte de son énigme.
Le compositeur met à l'épreuve les frontières musicales pour parvenir à une forme d'hybridation, mêlant des passages d’action illustrant la guerre à une simple nappe synthétique en suspens, en passant par une partie plus orchestrale, tout en invitant Schubert (la sonate pour piano D.850) dont il propose des variations. Il traduit habilement à la fois le pouvoir émotionnel des souvenirs que leur chaos.
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