misery,shaiman,@, - Misery (Marc Shaiman, 1990), complexité psychologique d'un face à face malaisant Misery (Marc Shaiman, 1990), complexité psychologique d'un face à face malaisant

misery,shaiman,@, - Misery (Marc Shaiman, 1990), complexité psychologique d'un face à face malaisant


par Thibault Vicq

- Publié le 20-09-2019




Après la romance "Quand Harry rencontre Sally..." (1989), Marc Shaiman retrouve Rob Reiner dans un autre registre avec cette adaptation de Stephen King.


MISERY compte parmi les BO les plus sombres de Marc Shaiman. Il s'agit pourtant là de sa deuxième composition pour le cinéma, après la partition jazzy de QUAND HARRY RENCONTRE SALLY, également deuxième collaboration avec le cinéaste Rob Reiner, dont il mettra par la suite tous les films en musique. Marc Shaiman fait de ce huis-clos une réflexion sur le libre arbitre, en mélangeant une base thématique et des parties plus circonstancielles. L'action suit le fil des décisions de l'écrivain Paul Sheldon, à la fois soigné et séquestré par Annie Wilkes suite à un accident de la route. Le face-à-face prend des dimensions paysagistes et nuageuses dans la musique, à l'image du décor naturel sous la neige où se déroule l'histoire, ancrant les personnages dans une complexité psychologique.

Le score débute de façon économe pour ne s'intéresser qu'aux dialogues entre Paul et Annie. Le thème d'Annie, sur une base de trois notes descendantes, crée d'emblée une sorte de malaise, bien que l'orchestration avec piano et solos de vents souligne une tranquillité réconfortante, puis une gageure plus romantique. L'amour malsain et désespéré d'Annie envers Paul bascule vers la folie à l'aide de trémolos de cordes et d'accords dissonants répétés machinalement. Cette évolution se fait seulement en symétrie entre les doutes croissants de Paul et l'instabilité d'Annie (Kathy Bates, un Oscar pour ce rôle). Les formes hybrides de la musique forment un tapis contrastant avec la géométrie des plans de caméra de Rob Reiner (le lit horizontal, le quadrillage des fenêtres, l'agencement de la maison d'Annie). Quand entre en piste Misery, l'héroïne de fiction imaginée par Paul, ses illustrations sonores se confondent à celles d'Annie : le destin des deux personnages se transforme en fresque romanesque.

La BO montre ses atouts au fur et à mesure du récit, en même temps que les protagonistes découvrent ce qui leur est donné de savoir : Paul explore la maison où il est enfermé et essaie de percer les secrets d'Annie ; cette dernière lit en temps réel le nouveau roman de Paul ; le shérif Buster mène son enquête dans une rythmique de cheminement éloignée des préoccupations de Paul et Annie. Des mélodies se frayent un chemin parmi des masses d'accords pesants, pour figurer toutes les tentatives de Paul ou du shérif, qui se soldent par des échecs, d'où des sons morcelés et des phrases incomplètes. La musique ménage les moments de suspense pour éclater dans l'affrontement final, synthèse des propositions entendues jusqu'alors appuyée de cuivres brusques.



par Thibault Vicq


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