par Thibault Vicq
- Publié le 17-10-2019Le réalisateur John Carpenter a mis en musique presque tous ses propres films depuis DARK STAR en 1974. Son troisième long-métrage HALLOWEEN : LA NUIT DES MASQUES, sorti en 1978 (mais dont la BO n'est parue que l'année suivante au Japon et cinq ans plus tard aux États-Unis) ne fait pas exception à la règle. Si des suites sont passées entre les mains d'autres cinéastes, Carpenter a de nouveau officié comme compositeur sur trois d'entre elles : HALLOWEEN 2 (1981), HALLOWEEN 3 : LE SANG DU SORCIER (1983) et HALLOWEEN (2018), suite quarante ans plus tard du premier opus. Le film original a placé le slasher movie sur le devant de la scène, emboîtant le pas aux futurs psychopathes de légende au cinéma. Sa musique, une référence du genre, y est pour beaucoup, notamment grâce au thème répétitif et lancinant au piano du tueur, accompagné de denses synthétiseurs.
Deux visages parsèment le récit de variations sonores : Michael Myers, le psychopathe masqué, et Laurie Strode, babysitter adolescente prise pour cible. Le premier se pare d'un thème lancé dans une course perpétuelle à cinq temps, pour donner corps à la peur des habitants, de la même façon qu'au renouvellement d'un schéma meurtrier implacable. Le motif de la seconde est très lié harmoniquement à celui de Michael Myers ; il associe ces deux destins mais indique par son tempo plus lent le caractère posé du personnage. Toutes les scènes répondent à un minimalisme musical qui découle de ces deux portraits sinueux, forts d'un inventif traitement du son. La résonance de l'électronique atteste de l'atmosphère nocturne et irréelle de tous les possibles, et répond aux plans suggérés ou en caméra subjective de Carpenter. Le spectateur connaît le danger du meurtrier et s'attend à le voir surgir de chaque entrebâillement ou zone d'ombre.
Quand les deux thèmes posent les bases d'un relief musical à bases d'intervalles formulés à rythme constant, à l'instar des demi-tons, d'autres passages de la BO en font un plan de coupe qui rassemble les fréquences dans un même panier. Apparaissent alors des accords de croquemitaine, plaquant dans une même surface les notes jouées à la file dans les deux thèmes. En résultent des tenues cauchemardesques pour des pistes remaniées, toujours soutenues par des éléments rythmiques dont on ne peut stopper l'élan. Le cœur bat à tout rompre jusque dans les silences, les superpositions et les reprises d'octaves. La musique fait le constat d'un état entre la vie et la mort, dans un éclairage blafard. Les plaies béantes sont des portes ouvertes, alors que les couteaux s'y enfoncent de plus belle. Ce score magistral fait vivre la violence physique de l'intérieur, et le martèlement éprouvant de la portée modélise un glas funèbre dont on ne peut se défaire.
par Thibault Vicq
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