Il a travaillé avec plusieurs compositeurs, certains à leurs débuts, en commençant par Raymond Lefebvre qui débutait sur son premier film "Déclic et des claques" (avec Annie Girardot, 1965), Les Charlots - également compositeurs (dont c'était la première apparition au cinéma) sur "La Grande Java", 1970), puis Claude Bolling ("La Grande Maffia", 1971) juste après le succès de "Borsalino", Jean-Michel Defaye ("La brigade en folie", 1973), l'italien Carlo Rustichelli ("Le Führer en folie" avec Alice Sapritch, 1973), Jacques Revaux ("Le grand fanfaron", 1976), Jean-Pierre Doering sur 4 films entre 1978 et 1980 ("Comment se faire réformer ", "Les réformés se portent bien", "Ces flics étranges venus d'ailleurs", "Rodriguez au pays des merguez"), un autre italien Armando Trovajoli à deux reprises sur les films avec Aldo Maccione ("Tais-toi quand tu parles", 1981 / "Plus beau que moi, tu meurs", 3 millions d'entrées en 1982), l'américain Alan Silvestri ("Par où t'es rentré ? On t'a pas vu sortir", 1984 - avec Jerry Lewis), Jean-Marie Sénia ("Si t'as besoin de rien, fais-moi signe", 1986), David Tygel ("Si tu vas à Rio... tu meurs", 1987) et enfin Christian Cravero sur son dernier film "L'aventure extraordinaire d'un papa peu ordinaire" (1990).
"Je ne suis pas musicien mais j'ai le sens de l'effet musical. J'ai pu collaborer avec les Charlots pour la musique de "La Grande Java". Ils étaient brouillons et je prenais des accessoires pour les accompagner. J'ai fait la musique avec eux en quelque sorte. Ils avaient les instruments et je donnais le thème principal. Pour tous mes films je chantais les thèmes à mes compositeurs. Je n'ai jamais co-signé avec eux. C'est officieux. Je m'en foutais. Je leur disais d'abord ce que je voulais, puis ensuite je trouvais des idées à leur chanter.
Un jour quelqu'un m'a dit que mes films étaient des comédies musicales. Tout est rythmé comme une partition. C'est peut-être aussi familial, j'ai un neveu qui est un des plus grands chefs d'orchestre du monde : Pierre Vallet. Il a écrit 36 opéras. Dans tous mes films il y a un rythme de comédie musicale, ce sont des films de gags. D'ailleurs, quand j'ai fait un film avec Jerry Lewis ("Par où t'es rentré ? On t'a pas vu sortir"), il m'a piqué plein de gags pour l'émission de télé qu'il avait en Amérique."
"J'ai écrit beaucoup de textes de chansons que Jacques Revaux, compositeur de 'Comme d'habitude' ou encore 'Les Lacs du Connemara', a pu soumettre à des interprètes, sans succès. C'est ma grande frustration de ne pas avoir fait carrière là-dedans. J'écrivais énormément de textes pour atténuer ma peine à une période où j'étais en souffrance d'avoir été quitté par ma femme partie pour un beau milliardaire. Chaque mot était une larme, c'était déchirant. Dans ce métier c'est ma plus grosse déception de ne pas avoir été chanté."
"Le cinéma est un milieu odieux, le plus odieux du monde, mais la chanson le dépasse largement. Un film prend énormément de temps, alors qu'il y a des chansons que j'ai écrites en 10 minutes."
"Je ne peux pas écrire des paroles sans avoir une musique en tête. Quand j'ai écrit les paroles de la chanson de "Si t'as besoin de rien, fais-moi signe", j'avais la mélodie que j'ai soumise au compositeur Jean-Marie Senia."
"Quand j'ai rencontré Alan Silvestri, il n'était pas connu, il venait juste de faire "À la poursuite du diamant vert" (sa première collaboration avec Robert Zemeckis), je suis allé le voir et pendant toute la projection je disais à ma femme : "écoute cette musique !". Je voulais ce musicien pour "Par où t'es rentré ? On t'a pas vu sortir" et je me suis débrouillé pour le contacter. Il est venu au montage avec son équipe américaine. C'est un type extraordinaire, il y a eu une réelle entente entre nous. C'est la première fois qu'il venait à Paris. Il venait de faire son premier succès en Amérique. J'avais une telle confiance en lui, et ses musiciens m'impressionnaient tellement. Pour lui, chaque mouvement est musical. Je n'ai rien osé lui proposer comme idées musicales. À la séance d'enregistrement, il y avait Francis Lai qui était épaté par ce qu'il voyait."
"Avec Armando Trovajoli, on est devenu tellement copains qu'il est venu en Tunisie sur le tournage de "Tais-toi quand tu parles" et il se marrait de toutes les bêtises que je sortais. C'était un grand (Ettore Scola, Dino Risi...), il était génial et tellement gentil. C'est curieux mais les italiens m'ont toujours pris en considération."
"Les producteurs ne m'ont jamais rien empêché, ils ne connaissent rien à la musique... et très souvent ce ne sont pas les musiques qui marquent un film. Ce n'est pas décisif en tout cas pour un producteur. On ne peut pas compter sur cet élément pour faire le succès d'un film. Donc ils n'intervenaient pas sur la musique."
"Presque toutes les musiques de mes films étaient des thèmes, mais malheureusement aucune n'est restée dans les mémoires des spectateurs. Pourtant quand j'écoute les musiques de mes films, je me dis qu'il y avait de quoi faire des tubes."
Dans "Le Führer en folie", il y a Hitler qui s'enfuit avec Eva Braun, et j'ai fait une parodie de "La grande évasion".
"J'ai un fils, Esteban, qui prend la relève. Il ne sait pas chanter mais il chante. Vous le voyez sur scène avec Naive New Beaters, c'est du feu ! Il est drôle naturellement, il ne cherche pas à faire rire, mais dans les dîners de famille on est explosés de rire avec lui. Je lui ai d'ailleurs donné le rôle principal de mon dernier film ("L'aventure extraordinaire d'un papa peu ordinaire"), il avait 10 ans."
"J'ai un tas de scénarios qui n'ont pas pu aboutir, notamment un qui a inspiré la comédie à succès 'Qu'est-ce qu'on a fait au Bon Dieu ?' (2014). Là encore je suis passé à côté de quelque chose. Peut-être que mon fils pourra reprendre mes scénarios après moi..."
Interview B.O : Audrey Ismaël (Le Royaume, de Julien Colonna)
Interview B.O : Audrey Ismaël (Diamant brut, de Agathe Riedinger)