Cinezik : Vous avez débuté au sein de groupes de rock (Gush, Macadam Crocodile), comment s'est passée la transition entre les albums et le travail à l'image ?
Xavier Polycarpe : Il y a eu le film de Antoine de Maximy l'an dernier ("J'irai Mourir dans les Carpates") mais j'avais déjà fait auparavant des films avec le groupe Gush ("Paris Willoughby" en 2014, et "Five" une comédie avec Pierre Niney et François Civil). On nous avait contactés parce qu'on savait ce qu'on faisait. Ils avaient envie d'avoir des choses pop. En revanche, Antoine de Maximy ne voulait pas de musique à la base. Mais les producteurs lui ont proposé d'en mettre alors il a cherché un compositeur, on a donc été mis en relation. La musique de film, c'est vraiment quelque chose que je fais en parallèle de mes activités d'albums et de tournées. Autant avec Gush on venait nous chercher pour le style qu'on connaissait de nous, autant avec Antoine il y avait beaucoup plus de liberté, il ne connaissait pas mon parcours, c'était instrumental. J'ai pu me détacher de la signature. On peut expérimenter d'autres territoires.
Pour "Animal", il y a à la fois des instrumentaux et des chansons, est-ce que l'idée d'avoir des chansons était le désir initial de Cyril Dion dans son choix de faire appel à vous ?
X.P : On a co-composé avec Sébastien Hoog. Il nous connaissait donc c'était vraiment parti de la chanson. Il se trouve qu'on est devenu amis avec Cyril, on était un anniversaire. On a passé une soirée à jouer avec Sébastien différents standards. Ça a dû jouer dans le déclic qu'il a eu de nous demander de faire la musique. Cyril part de la musique pour concevoir son film, ce qui est assez rare. Pour un documentaire c'est envisageable car le scénario est modulable en fonction de ce qu'ils vont tourner. Il nous a demandé plein de matières en amont pour monter son film. Il voulait beaucoup de chansons dans l'esprit des Beatles. Il avait envie d'avoir de la matière chantée pour faire des transitions dans le documentaire, quand on change de pays. Les plages musicales servent de charnière entre les scènes.
Il y a beaucoup d'échanges et d'entretiens dans ce film centré sur deux adolescents qui s'entretiennent avec des spécialistes du climat et des animaux, la musique devait plutôt être là dans les interstices ?
X.P : J'ai fait cinq films et c'est la première fois que je ne travaille pas à l'image. On a donné de la matière. Parfois c'était des maquettes en cours de construction. Il s'est servi dedans. Il a pioché ce qu'il voulait. Il voulait des choses ambiantes, des vraies chansons, ou des choses plus grandiloquentes. On était juste inspirés du scénario qu'il a imaginé. On n'a pas vu d'images tout de suite.
Il y a un des titres que vous avez composés, "Bella's Theme", qui est le thème de la jeune fille. Le réalisateur l'a attribué à cette personne ou est-ce vous qui avait anticipé malgré tout
?
X.P : Je l'ai nommé ainsi en me disant que ça pourrait être le thème de Bella, mais il n'apparaît pas forcément dans le film quand on la voit. Il apparaît notamment au moment où on voit des éléphants. Il n'y a pas trop de musiques qui soulignent les émotions d'un personnage.
Le réalisateur a donc fait ce qu'il voulait concernant le placement des musiques ?
X.P : Oui tout à fait.
Le sujet du film est assez grave, sur l'extinction des espèces animales, mais le credo du réalisateur Cyril Dion est d'être positif, de parler des solutions, donc loin de l'angoisse de ces deux adolescents. La musique participe à cette détermination positive ?
X.P : Oui c'est vrai qu'il n'avait pas envie d'être déprimant, bien que ce soit des sujets qui peuvent l'être. Il avait envie de mettre de la poésie, ça reste très humain et solaire.
La force poétique passe donc par ces chansons qui ne sont en rien justifiées par l'image. Il y a dans le film des instrumentaux et des chansons, mais est-il arrivé au réalisateur de garder uniquement l'instrumental d'une chanson ?
X.P : Il ne nous a pas demandé de changer ce qu'on a fait. Pour le titre "Along the Path", j'ai transmis la maquette faite en "yaourt" - sans paroles et enregistrée sur mon téléphone - et c'est cette version initiale qui a été utilisée dans le film, même si depuis je l'ai refaite.
Est-ce que vous avez écrit les chansons de cette BO comme pour un album ou alors vous avez pris en charge le récit, ou quelque chose que le réalisateur vous a transmis ?
X.P : Dans les textes oui. J'ai orienté les paroles par rapport à la thématique du film. Mais pour les compositions elles viennent spontanément.
Concernant le titre "Simple as Can Be", il est considéré comme le premier titre que vous avez conçu en solo, sans vos groupes...
X.P : C'est le premier titre que j'ai sorti en single, en amont du film. Il est donc considéré comme un titre préexistant même s'il a été conçu en même temps que le film.
Le cinéma exige de plus en plus à ce qu'un compositeur soit capable de tout faire chez lui, en studio, pour livrer une maquette définitive très tôt, votre expérience pour vos albums aide à se préparer à cet impératif ?
X.P : Effectivement j'ai toujours eu l'habitude de tout faire à la maison, on produit nos disques avec Macadam Crocodile et Gush, j'ai mon studio, on devient donc producteur. Après, quand on doit avoir un orchestre, on doit passer par le gros studio. Pour les comédies faites avec Gush, la pop convenait très bien à la configuration d'un studio. Avec Antoine de Maximy c'était plus instrumentale avec des sons semblables à la vraie vie, des bruits de ressort, de chaises, c'était une expérience différente. Mais j'aimerais bien à l'avenir continuer à explorer et à ouvrir le spectre de ce que je peux faire.
Et vous n'oubliez pas la scène puisque vous serez en concert le 23 février à 20h30...
X.P : Je continue toujours de tourner avec Macadam crocodile, et je développe aussi en parallèle mon projet solo dont est tiré le premier single "Simple as can be". Je serai donc au Pop up du label (14 Rue Abel, 75012 Paris) le 23 février à 20h30. Je jouerai des titres issus d' "Animal, les plus pop, et des nouveaux titres qui ne sont pas encore sortis et qui sont dans la lignée du premier single évoqué.
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